Copropriété : Comment procéder à la mise en conformité du règlement de copropriété ?

par Colette Chazelle - Avocat au barreau de Lyon
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copropriétéLe sujet devient brûlant, les syndicats de copropriétaires ont un délai expirant le 23 novembre 2021, pour procéder à la mise en conformité des règlements de copropriété en application de la loi ELAN du 23 novembre 2018.

Les praticiens ont peu d’outils pour décrypter ce que le législateur a voulu mettre en place alors que les enjeux sont importants.

Article paru dans les Informations Rapides de la Copropriété numéro 662 d'octobre 2020

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I.- Quelle mise en conformité ?

A.- Les conditions (très) restrictives d’une évolution du règlement de copropriété

Le règlement de copropriété a seule valeur contractuelle, ce que la jurisprudence récente est encore venue rappeler.

La nature conventionnelle du règlement de copropriété a pour corollaire que sa modification du règlement de copropriété n’est possible que dans des cas restrictivement prévus par la loi.

Certaines clauses ne peuvent être modifiées qu’à l’unanimité, et notamment les clauses relatives à la destination des parties privatives ou aux modalités de jouissance des parties privatives, ce qu’a encore précisé la dernière jurisprudence.

La clause de répartition des charges ne peut être modifiée qu’à l’unanimité des voix de tous les copropriétaires, sauf situations de travaux, actes d’acquisition ou de disposition décidés par l’assemblée générale, ainsi qu’en d’aliénation de fractions de lots issus d’une division.

La loi a également prévu une possible évolution de la répartition des quotes-parts de charges, rendue nécessaire par un changement de l’usage d’une ou plusieurs parties privatives, ce qui permet de prendre en compte le critère impératif de l’utilité objective pour la répartition des charges entrainées par les services collectifs et les éléments d’équipement communs prévus par l’article 10 de la loi du 10 juillet 1965.

A côté des situations d’évolution juridique et technique de l’immeuble, le législateur a voulu permettre une adaptation possible du règlement de copropriété rendue nécessaire par les modifications législatives et réglementaires intervenues depuis son établissement.

La loi SRU du 13 décembre 2000 a créé l’article 49 de la loi, abrogé pour être inséré à l’article 24 II f) de la loi du 10 juillet 1965 par la loi ALUR du 24 mars 2014.

Il s’agit de prendre en compte l’obsolescence de certaines clauses relatives à l’administration de la copropriété, du fait du caractère d’ordre public d’une grande partie des Articles de la loi du 10 juillet 1965, et de les adapter au droit positif.

S’agissant d’une sorte de «toilettage» des règlements de copropriété, le législateur avait au départ rendu le mécanisme provisoire en fixant une échéance au 13 décembre 2005, puis le dispositif a été reconduit par la loi du 13 juillet 2006 pour devenir pérenne depuis la loi dite MOLLE.

Le législateur s’est ainsi montré soucieux de faire évoluer ce socle contractuel qu’est le règlement de copropriété pour un syndicat de copropriétaires.

L’une des originalités du texte de la loi ELAN vient du fait que, cette fois-ci, il s’agit plutôt d’opérer une correction du règlement de copropriété qui ne comprendrait pas la description de certaines parties d’immeubles de façon suffisamment précise, et tenter ainsi de réduire le contentieux relatif à la détermination de la composition des lots.

Les praticiens de la copropriété sont, en effet, tous confrontés à des rédactions de règlement qui peuvent comporter de nombreuses omissions, imperfections, voire incohérences et leur application s’avère de ce fait complexe, parfois source de contentieux interminables.

Dans son ambition de clarification du droit, la loi ELAN a donné des définitions précises du lot transitoire, des parties communes spéciales et des parties communes à jouissance exclusive et les règlements de copropriété doivent être régularisés.

Les dispositions mises en place supposent que chaque syndicat de copropriétaires s’interroge non seulement sur l’opportunité de procéder à cette mise en conformité, mais également sur le procédé pour y parvenir.

Le syndic a un véritable rôle de conseil et doit avoir l’initiative de cette régularisation, ce qui suppose de bien comprendre préalablement l’objet des articles La de la loi.

 

B.- Les dispositions de la loi ELAN

L’article 1er de la loi du 10 juillet 1965 a été modifié par la loi ELAN du 23 novembre 2018 et dispose - aux alinéas 3 et 4 - que le lot de copropriété «peut être un lot transitoire. Il est alors formé d’une partie privative constituée d’un droit de construire précisément défini quant aux constructions qu’il permet de réaliser et d’une quote-part de parties communes correspondante.

La création et la consistance du lot transitoire sont stipulées dans le règlement de copropriété».

L’article 206-II de la loi ELAN dispose que «les syndicats des copropriétaires disposent d’un délai de trois ans à compter de la promulgation de la présente loi pour mettre, le cas échéant, leur règlement de copropriété en conformité avec les dispositions relatives au lot transitoire de l’article 1er de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis.

A cette fin, et si nécessaire, le syndic inscrit à l’ordre du jour de chaque assemblée générale des copropriétaires organisée dans ce délai de trois ans la question de la mise en conformité du règlement de copropriété. La décision de mise en conformité du règlement de copropriété est prise à la majorité des voix exprimées des copropriétaires présents ou représentés».

La loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 a aussi créé l’article 6-4 de la loi du 10 juillet 1965 : «L’existence des parties communes spéciales et de celles à jouissance privative est subordonnée à leur mention expresse dans le règlement de copropriété.»

L’article 209 II de la loi ELAN impose au syndicat de copropriétaires de mettre le règlement de copropriété en conformité avec les dispositions de l’article 6-4 de la loi du 10 juillet 1965 ; la question doit être mise à l’ordre du jour.

Cette mise en conformité se vote spécifiquement à la majorité de l’article 24 de la loi du 10 juillet 1965 et ce, dans un délai de trois ans à compter de la loi ELAN, soit jusqu’au 23 novembre 2021.

Il est ainsi question de l’existence juridique même de ces parties d’immeuble, qui dépend, selon la lettre du texte, de la qualification de leur mention dans le règlement de copropriété.

A défaut, le(s) copropriétaires(s) en seraient «dépossédés».

On peut d’ailleurs s’interroger sur la constitutionnalité d’un tel dispositif, l’existence de la propriété d’un bien, droit naturel et imprescriptible, inviolable et sacré, peut-elle dépendre de façon aussi brutale de sa mention dans un règlement de copropriété ?

Qu’il s’agisse, en effet, d’une qualification d’une partie commune spéciale ou à jouissance privative, ou de la définition d’un lot transitoire, il est bien question de soumettre l’existence juridique d’un droit réel à sa mention expresse dans le règlement de copropriété et de ne pas se contenter, notamment, du contenu de l’état descriptif de division, lequel n’a certes pas valeur contractuelle et n’est initialement qu’un document destiné à la publicité foncière, ou du contenu des autres actes, à commencer par le titre de propriété.

Le dépôt d’une question prioritaire de constitutionnalité reste possible et sans doute que cette interrogation sur l’atteinte au droit de la propriété, qui n’a pas engendré de débats bien vifs au stade de l’élaboration de la loi, pourrait être de nature à invalider ces textes.

En attendant que cette hypothèse intéressante ne se réalise un jour… les syndics doivent instamment se saisir de la question et recenser les situations qui doivent engendrer la mise en conformité.

Toute la question est de savoir comment procéder, et ce avant le 23 novembre 2021, date de l’échéance donnée par le législateur et dont il serait d’ailleurs plus que souhaitable qu’il songe rapidement à sa prorogation, ce d’autant plus que la crise sanitaire actuelle a eu pour effet de reporter l’organisation de nombreuses assemblées générales, seules décisionnaires.


II.- La mise en conformité : suggestions et réflexions à l’intention des praticiens

A.- Le syndicat des copropriétaires doit décider par étapes

L’analyse du règlement de copropriété et de l’état descriptif de division ne saurait relever des compétences du syndic telles que définies par l’article 18 de la loi du 10 juillet 1965.

S’il a un devoir de conseil renforcé à l’égard du syndicat, il n’a pas, pour autant, un rôle de consultant.

Il doit seulement assurer l’exécution des dispositions du règlement de copropriété, et, s’agissant de la mise en conformité, les textes des articles 206 et 209 de la loi ELAN précisent que le syndic «inscrit à l’ordre du jour de chaque assemblée générale des copropriétaires organisée dans ce délai de trois ans la question».

Le texte est impératif ; il édicte une obligation et non une faculté.

Bien entendu, si le syndic ne remplit pas son obligation, le conseil syndical, un copropriétaire particulièrement concerné, notamment le titulaire d’un lot transitoire, peuvent avoir l’initiative de demander l’inscription à l’ordre du jour de la question de la mise en conformité, en faisant application de l’article 10 du décret du 17 mars 1967.

Le syndic n’a pas à faire de diagnostic juridique mais il pourra malgré tout orienter le syndicat des copropriétaires dans des situations simples.

En présence d’un règlement qui mentionne clairement les parties communes spéciales et les parties communes à jouissance privative, le syndic sera en mesure de percevoir seul l’inutilité de cette mise en conformité.

Parfois, la configuration de l’immeuble n’engendre l’existence d’aucune partie commune spéciale ou partie commune à jouissance privative, ce qui est la situation la plus facile à appréhender.

Il en est de même pour la description d’un ou plusieurs lots transitoires ou du cas dans lequel il n’existe pas de lot transitoire.

En dehors de ces situations évidentes, il convient de recourir à l’analyse d’un professionnel qualifié (un avocat et/ou un géomètre-expert, un notaire) pour étudier les actes du syndicat et obtenir une consultation.

Il n’est pas improbable que le professionnel ajoute à sa consultation d’autres suggestions de modification du règlement, autres que celle de la mise en conformité.

Sans doute, la préconisation d’une adaptation du règlement pour le rendre conforme aux modifications législatives et réglementaires intervenues depuis sa publication sera intégrée, si le praticien exerce son devoir de conseil dans le cadre d’un audit plus large.

La décision de faire réaliser une telle étude doit faire l’objet d’une mise à l’ordre du jour lors d’une première assemblée générale.

Partant, lorsque cet audit du règlement conclut à la nécessité d’une mise en conformité, un projet de modificatif du règlement doit être élaboré pour ensuite être soumis au vote des copropriétaires, dans une seconde assemblée.

L’anticipation de cette possibilité conduit donc à prévoir, en deux temps, les différentes décisions du syndicat des copropriétaires :

• Faire réaliser par un professionnel qualifié une étude du règlement de copropriété, de l’état de descriptif de division, de leurs modificatifs et de tous les éléments pouvant avoir un intérêt pour la mise en conformité, notamment les procès-verbaux d’assemblée générale pouvant avoir conféré un quelconque droit de jouissance exclusive à des copropriétaires, et, pour envisager une nécessité de mise en conformité suite à ce diagnostic, désigner un professionnel qualifié pour préparer un projet de modificatif du règlement.

Pour cette dernière désignation, il est aussi possible de voter une délégation spécifique telle que visée par l’article 25 a) de la loi.

Si une délégation conventionnelle a été votée au profit conseil syndical dans le cadre de l’article 21-1 de la loi de 1965, créé par l’ordonnance du 30 octobre 2019, lorsque le nombre de membres du conseil syndical est de trois personnes au moins, le conseil syndical peut aussi faire la désignation du professionnel dans ce cadre.

La décision de faire réaliser cette étude doit faire l’objet d’un projet de résolution renseigné soumis à un vote à la majorité de l’article 24 de la loi du 10 juillet 1965 en ce qu’il est un préalable à la prise de décision d’une éventuelle mise en conformité.

La proposition d’honoraires du ou des professionnels devra être jointe à la convocation à l’assemblée générale.

En cas de vote favorable à cette étude, le syndic transmet la demande de consultation au professionnel en prenant soin de s’assurer qu’il est en possession de l’intégralité des actes portant les mentions de publication auprès des services de la publicité foncière.

Si cette étude préconise la mise en conformité du règlement de copropriété, il est alors établi des projets de modificatif et le syndicat des copropriétaires passe à la deuxième étape.

Voter l’approbation du projet de modificatif du règlement de copropriété et de sa publication, ce qui vient finaliser le processus.

Bien entendu, les projets de modificatif doivent, à peine de nullité de la décision, être joints à la convocation à l’assemblée générale en application de l’article 11-6° du décret du 11 mars 1967.

Ce vote a lieu à la majorité de l’article 24 de la loi du 10 juillet 1965.

Lorsque l’assemblée générale est devenue définitive pour n’avoir fait l’objet d’aucun recours dans le délai de deux mois suivant la notification du procès-verbal de l’assemblée générale, le syndic doit, ensuite, faire procéder à la publication du modificatif approuvé pour le rendre opposable aux ayants-droits des copropriétaires.

La loi ELAN donne ainsi l’occasion de se replonger dans la lecture du règlement de copropriété, et de le rendre plus cohérent, plus lisible aussi.

D’aucuns se posent la question, cependant, de l’utilité d’un tel mécanisme.

 

B.- La mise en conformité est-elle une option ?

La lecture du texte des articles 206 et 209 de la loi ELAN ne laisse aucune place à un doute sur l’obligation qui pèse sur le syndic de porter la question de la mise en conformité à l’ordre du jour de l’assemblée générale, et de respecter le délai du 23 novembre 2021 pour le réaliser.

Au-delà de ce délai, cette question pourra toujours être soumise au vote des copropriétaires mais à l’unanimité des copropriétaires, ce qui laisse peu de chances d’adopter les résolutions correspondantes.

Les conséquences d’un défaut de mise en conformité sont importantes, si celle-ci s’avère nécessaire.

La rédaction de l’article 1er de la loi, qui définit le lot transitoire, semble devoir être interprétée comme ne donnant plus d’existence juridique à la composante de ce lot, à défaut d’être mentionné dans le règlement.

Celle de l’article 6-4 est encore plus précise : «L’existence des parties communes spéciales et de celles à jouissance privative est subordonnée à leur mention expresse dans le règlement de copropriété.»

Le texte est abrupt et la conséquence d’une absence de mention expresse s’avère fatale : l’inexistence juridique, avec toutes ses incidences qui sont multiples.

Le juge ne sera d’aucun secours pour le copropriétaire dont le lot, lot transitoire ou composé d’un droit de jouissance privatif, n’a pas bénéficié d’une mise en conformité.

Les clauses du règlement de copropriété sont valables tant qu’elles n’ont pas été jugées réputées non-écrites, selon la jurisprudence la plus constante, encore récemment rappelée.

Le juge ne pourra ni annuler ce qui n’a pas été mis en place, ni corriger le règlement ou même interpréter un texte de loi qui est, par sa rédaction, d’une rare limpidité.

Les moyens d’action pour remédier à cette inexistence juridique paraissent complexes à élaborer.

Le syndic est ainsi face à un risque quasi-certain de responsabilité contractuelle s’il ne porte pas la question de la mise en conformité à l’ordre du jour de l’assemblée générale dans le délai imparti par la loi, dans le cas où cela serait préjudiciable à un ou plusieurs copropriétaires.

Par ailleurs, certains syndicats de copropriétaires vont sans doute refuser de voter cette mise en conformité.

Dans ce cas, le syndic sera très probablement exonéré de sa responsabilité, mais à charge pour lui de démontrer qu’il a exercé son devoir de conseil le mieux possible, ce qui suppose qu’il ait averti expressément les copropriétaires des incidences graves d’un défaut de conformité.

L’effort de clarification qu’a voulu le législateur a ainsi pour effet de contraindre le syndic à un véritable effort de pédagogie sur des notions juridiques qui ne sont pas toujours d’une très grande simplicité et d’une application parfois délicate.

Le métier de syndic a ceci de passionnant qu’il nécessite une perpétuelle adaptation aux nouveaux textes, mais le législateur devrait tout de même prendre conscience qu’il ne cesse de lui ajouter ces dernières années des obligations avec des enjeux considérables, sur des sujets souvent complexes qui nécessitent de se former… et dans des délais parfois inutilement courts.