1.- Quels fondements ?
L’article 9 de la loi du 10 juillet 1965 pose le principe de la liberté d’usage du lot tout en faisant la restriction évidente «de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires, ni à la destination de l’immeuble».
Le règlement de copropriété, par sa nature contractuelle, impose le plus souvent des clauses limitant cet usage.
D’autres mécanismes viennent compléter les limites du règlement.
A.- Les clauses du règlement de copropriété
Les règlements de copropriété contiennent généralement des clauses fixant les activités autorisées au sein de l’immeuble ou de l’ensemble immobilier.
La démonstration de la violation de ces clauses permet d’obtenir l’arrêt de l’activité interdite2.
Les clauses des règlements de copropriété prévoient le plus souvent aussi l’interdiction d’activités ou de comportements pouvant créer des nuisances olfactives, sonores, visuelles, des atteintes à l’hygiène, des atteintes à la structure de l’immeuble, la présence d’animaux bruyants…
L’action visant à empêcher le défaut de respect des clauses nécessite de réunir préalablement les preuves des manquements relevés, pour ensuite solliciter leur cessation, ou leur encadrement, le plus souvent sous astreinte, voire d’éventuelles remises à l’état initial.
Toutes ces clauses participent de la destination de l’immeuble, et leur méconnaissance engage la responsabilité de son auteur si elle cause un préjudice, qu’il soit copropriétaire, locataire ou occupant au sens large.
B.- Les troubles de voisinage
Le régime de la responsabilité délictuelle pour troubles anormaux de voisinage s’applique en copropriété : «le principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble de voisinage s’applique à tous les occupants d’un immeuble en copropriété quel que soit le titre de leur occupation»3.
Le copropriétaire, le locataire ou occupant qui cause un préjudice en utilisant abusivement les parties privatives du lot, en doit réparation.
Dans ce cas, la règle de la “pré-occupation” excluant le droit à réparation, édictée par l’article L. 112-16 du Code de la construction et de l’habitation4, n’est pas appliquée.5
L’article 1240 du Code civil sera ainsi le fondement de l’action et permettra d’obtenir non seulement une indemnisation du préjudice subi, mais la cessation ou l’encadrement d’activités nuisibles et constituant un trouble anormal de voisinage, nonobstant la clause du règlement de copropriété autorisant ladite activité, et ce d’autant plus que le règlement de copropriété comporte une clause de tranquillité.6
La clause du règlement de copropriété qui permet l’activité source de nuisances n’est ainsi pas exonératoire de responsabilité et, dans la pratique judiciaire, «les juges mêlent volontiers la responsabilité délictuelle pour inconvénients normaux de voisinage et les infractions aux clauses particulières du règlement conventionnel de copropriété, qui sont fréquentes en la matière7» ; ils constatent que la violation de telle ou telle clause du règlement de copropriété entraîne des troubles anormaux de voisinage.
L’action est alors soumise à la prescription décennale de l’article 42, alinéa 1er, de la loi du 10 juillet 1965 mais elle ne court qu’à compter du jour où la nuisance a été perçue8 : «tant que les troubles persistent, l’action en indemnisation ne peut se prescrire».
Les troubles sanctionnés sont de tous ordres : olfactifs, sonores, visuels, trépidations …
La Cour de cassation a récemment rendu un arrêt pour admettre l’action du syndicat des copropriétaires sur ce fondement pour des infiltrations occasionnant la création de stalactites de calcite et des dépôts de rouille au droit des descentes d’eaux pluviales et provoquant la désagrégation du béton9.
C.- La règlementation spécifique
Les nombreuses réglementations permettent également de fonder les actions judiciaires ayant pour but de mettre fin aux nuisances :
- Les nuisances olfactives font l’objet de textes spécifiques, et notamment :
> L’interdiction de fumer dans les lieux affectés à un usage collectif édictée par l’article L. 3511-17 du Code de la santé publique s’applique aux parties communes d’un immeuble au statut de la copropriété ;
> L’extraction des fumées, pour les commerces et restaurants, est notamment régie par le règlement de sécurité contre l’incendie et de panique dans les établissements recevant du public, tel que prévu par l’arrêté du 25 juin 1980 et l’arrêté du 10 octobre 2005, ou les règlements sanitaires départementaux qui contiennent des règles spécifiques précieuses pour l’action,
L’article L. 514-4 du Code de l’environnement permet à l’autorité compétente de prendre les mesures nécessaires pour faire disparaître les dangers ou les inconvénients dûment constatés.
- Les nuisances sonores sont également réglementées :
> Les articles R. 1334-30 à 1334-37 du Code de la santé publique s’appliquent à tous les bruits de voisinage.
«Aucun bruit particulier ne doit, par sa durée, sa répétition ou son intensité, porter atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l’homme, dans un lieu public ou privé, qu’une personne en soit elle-même à l’origine ou que ce soit par l’intermédiaire d’une personne, d’une chose dont elle a la garde ou d’un animal placé sous sa responsabilité.
> «Les bruits générés par les activités impliquant la diffusion de sons amplifiés à des niveaux sonores élevés dans les lieux ouverts au public ou recevant du public ne peuvent par leur durée, leur répétition ou leur intensité porter atteinte à la tranquillité ou à la santé du voisinage.
En outre, les émissions sonores des activités visées à l’article R. 571-25 qui s’exercent dans un lieu clos n’engendrent pas dans les locaux à usage d’habitation ou destinés à un usage impliquant la présence prolongée de personnes, un dépassement des valeurs limites de l’émergence spectrale de 3 décibels dans les octaves normalisées de 125 hertz à 4 000 hertz ainsi qu’un dépassement de l’émergence globale de 3 décibels pondérés A10.»
La mise en œuvre de ces textes peut se faire au travers de différentes actions, lesquelles nécessitent d’avoir préalablement réuni les preuves des nuisances.