II.- Deuxième piste : le volume
Le volume est envisagé ici dans la perspective de son utilisation dans un contexte où le statut de 1965 trouve à s’appliquer, ce qui est un champ sans conteste restreint. De nombreuses études s’intéressent à la volumétrie en tant qu’alternative à la copropriété. Le sujet invite, au contraire, à envisager le volume, mais en copropriété, dans le cadre de l’application de la loi de 1965, et comme possible moyen d’éviction du sol. À travers l’écran du volume, on parvient à restituer l’idée d’une copropriété sans sol.
Le volume est souvent associé au droit de superficie, bien qu’il s’en distingue. Le droit de superficie renvoie à une dissociation juridique, visant à attribuer à des personnes différentes la propriété, par strates, d’un même fonds au regard d’une limite déterminée, souvent le sol, mais pas nécessairement.
La division en volumes va plus loin. On peut emprunter la définition qu’en a donné Daniel Sizaire et qui est la suivante : «la division en volumes est une technique juridique consistant à diviser la propriété d’un immeuble en fractions distinctes, sur le plan horizontal comme sur le plan vertical, à des niveaux différents, qui peuvent se situer au-dessus comme en dessous du sol naturel, chaque fraction s’inscrivant, respectivement, dans l’emprise de volumes définis géométriquement, en trois dimensions, par référence à des plans, des coupes et des cotes, sans qu’il existe de parties communes entre ces différentes fractions»10.
Les hypothèses dans lesquelles la division en volume est compatible avec l’application du statut de la copropriété, est un sujet qui suscite de vives discussions en doctrine. Nous n’allons pas entrer dans ces débats, mais simplement tenter d’esquisser ce que le volume pourrait, en ce qu’il influe sur la perception juridique du sol, apporter au régime de la copropriété.
Du point de vue de son domaine, la doctrine semble rejeter majoritairement l’idée d’une division en volumes au sein d’un lot de copropriété.
Est admise au contraire, la création d’une copropriété à l’intérieur d’un volume. En conséquence, c’est le volume qui représente ici l’assiette de la copropriété. Le sol se dérobe, pourrait-on dire, sous les pieds des propriétaires ; c’est bien le volume qui devient l’élément de référence pour fixer l’assiette de la copropriété. Les quotes-parts de parties communes vont se déterminer en se fondant sur le volume.
Pour rendre compte de l’intérêt de la technique en copropriété, et notamment, pour parvenir à des copropriétés de dimensions acceptables, je citerai les propos de Nicolas Le Rudulier : «une hiérarchie va se créer entre les volumes et les copropriétés qu’ils renferment et dont les règlements devront nécessairement permettre d’assurer le respect de l’état descriptif de division en volumes ainsi que le cahier des charges»11.
Bien entendu, les volumes ainsi crées doivent être identifiés et c’est le rôle de l’état descriptif de division. Tout cela est parfaitement connu et décrit, et notamment, très récemment, dans le dernier Rapport du Congrès des notaires 201612 ; on assiste à une division primaire (la division en volume) et une division secondaire (en lots de copropriété), créatrices d’une autonomie du «lot volume» à l’égard du sol et conduisant dans l’état descriptif de division, à préciser le niveau du volume par une chiffre positif s’il est au-dessus du sol, et négatif, si au contraire, le volume est en-dessous du sol.
Je formulerai simplement deux remarques, liées au sol :
Première remarque : l’avant-projet de réforme du Droit des biens conduit sous l’égide de l’Association Henri Capitant et réformant la Livre II du Code civil, retient à la fois l’existence du volume et sa division. Il conduit à une perception du sol qui tend à le placer sur un plan secondaire.
Je vous livre l’article 562 Code civil tel qu’issu de l’avant projet de réforme du droit des biens : «Un fonds peut faire l’objet d’une division visant à conférer à un tiers la propriété d’une partie de ce fonds situé au-dessus ou au-dessous d’une limite conventionnellement fixée» Observons que cette limite n’est donc pas forcément le sol. Le texte se poursuit ainsi : «un fonds peut également, moyennant établissement d’un état descriptif de division, faire l’objet d’une division spatiale portant création de volumes…».
L’article 1er de la loi du 10 juillet 1965 ferait aussi l’objet de modifications de la part de ce même avant projet de réforme, puisqu’il prévoit deux dispositions qui nous intéressent directement :
Tout d’abord, un article 1-1, par lequel la loi de 1965 s’appliquerait «à toute division d’un bâtiment qui comporte, outre les parties attribuées à des propriétaires différents, des éléments communs ou d’utilité commune, notamment de structure, de desserte ou d’équipement».
Est également inséré un article 1-3 en vertu duquel :
«La présente loi s’applique (…) aux ensembles immobiliers implantés sur plusieurs terrains ou réalisés dans plusieurs volumes lorsque la propriété ou la gestion de leurs éléments communs n’a pas fait l’objet d’une organisation différente».
Il semble qu’à travers ces dispositions, ce regard encore seulement prospectif, pointe un déploiement du volume en copropriété lequel correspondrait à l’approche dite libérale de l’appréhension du volume en copropriété.
Seconde remarque : quel est l’intérêt du volume en copropriété par rapport à notre fil conducteur qu’est le sol ?
Une certaine liberté prise par rapport au sol, un effacement du sol derrière celui de volume. Et, finalement, une image nouvelle de la copropriété, une représentation, une perception différente, dans laquelle le sol n’est plus qu’un élément parmi d’autres.
On passe d’une vision plane ou en coupe de la copropriété à une conception en trois dimensions.
Dans le prolongement de cette liberté et, pour reprendre une terminologie propre à la physique quantique, il faudrait sans doute s’interroger sur la liberté d’intriquer les volumes. Non pas une imbrication «volume sur volume» (qui, on le sait, ne vaut) mais intriquer des volumes contenant chacun une copropriété, avec un jeu de servitudes entre eux et, pourquoi pas, un ou plusieurs volumes en mono-propriété voire, puisque désormais la création de droits réels de jouissance spéciale parait libre, du moins en son principe, des volumes dont l’usage s’exercerait en jouissance spéciale, au profit de petites copropriétés contenues dans de petits volumes.
10- D. Sizaire, Division en volume, J.-Cl. Constr.–Urb., Fasc. 10 : V. désormais : N. Le Rudulier, Division en volume, J.-Cl. Constr.–Urb., Fasc. 107-10, n° 5.
11- N. Le Rudulier, J.-Cl. Constr. –Urb. V° : Division en volume, J.-Cl. Constr.–Urb., Fasc. 107-10, n° 71.
V. : La propriété immobilière, Entre liberté et contraintes, 112ème Congrès des notaires de France, n° 1089 et s.