La flambée des cours de l’énergie à la suite de la guerre en Ukraine a fortement renchéri les factures de gaz dans les copropriétés sur un fond de dérégulation du marché.
Les solutions pour limiter l’addition.
Article paru dans les Informations Rapides de la Copropriété numéro 693 de novembre 2023
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La hausse et la dérégulation
Dans les copropriétés dotées d’un chauffage collectif au gaz, ces dernières années ont été mouvementées. Les immeubles étaient historiquement dotés d’offres aux tarifs réglementés, commercialisées par le fournisseur historique Engie et par des ELD (entreprises locales de distribution) couvrant des zones non desservies par Engie. Mais, petit à petit, pour se mettre en conformité avec le droit européen, le marché a été dérégulé. Depuis 2015, les copropriétés consommant plus de 159 MégaWh de gaz naturel par an ne sont plus éligibles au tarifs réglementés du gaz. Et depuis juillet 2023, c’est au tour des copropriétés consommant moins de 150 000 MegaWh par an de ne plus se trouver dans un marché régulé à la suite de la publication de la loi Energie et Climat publiée au journal officiel le 8 novembre 2019. «Autrement dit, toutes les copropriétés chauffées au gaz doivent donc désormais souscrire une offre de marché», résume-t-on chez Opéra Energie, courtier en gaz et électricité.
Le bouclier
Si, dans le cadre d’un tarif régulé, il n’y a pas de négociation à entreprendre, ce n’est pas le cas pour une offre de marché. Les copropriétés vont donc devoir négocier le meilleur prix possible. Globalement, les prix du gaz ont eu tendance à monter. «Il s’agit d’une énergie fossile qui subit une demande forte autour du monde. L’Agence internationale de l’énergie prévoit une augmentation de + 29% d’ici à 2040», rappelle Hellio qui accompagne les particuliers dans leurs travaux d’économie d’énergie. Le déclenchement de la guerre en Ukraine a accentué le phénomène. Face à la forte augmentation et aux appels à l’aide de nombreux ménages, l’Etat a mis en place un bouclier tarifaire qui a stoppé la hausse du gaz à 15 % au maximum. En 2022, ce bouclier était réservé aux consommateurs résidentiels consommant moins de 30 MWh/an et aux petites copropriétés consommant moins de 150 MWh/an disposant à titre individuel d’un contrat d’approvisionnement en gaz naturel au tarif réglementé. À partir du 1er janvier 2023, il est étendu à tous les consommateurs résidentiels consommant plus de 30 MWh/an et aux copropriétés consommant plus de 150 MWh/an. Contrairement à 2022 où la subvention était versée a posteriori, en 2023, l’aide pour les contrats de gaz en copropriété est incluse directement dans la facture. Aucune avance ou démarche n’est requise de la part du syndicat des copropriétaires. Font exception les copropriétés dotées de contrats P1 (fourniture du combustible) ou les immeubles connectés à des réseaux de chaleur qui doivent encore faire des demandes par écrit.
Mais cette période est terminée ; le bouclier va toucher à sa fin et les copropriétés doivent repenser leur offre de gaz. Pour certaines, la négociation dans ce domaine est une nouveauté. Si les conseils syndicaux peuvent s’appuyer sur l’expérience de leur syndic, ils peuvent aussi demander à passer par un courtier en énergie. Le domaine est, en effet, technique, les contrats complexes, ce qui nécessite une expertise particulière. Le courtier fait d’abord le point avec “l’immeuble“ sur ses besoins, sur son fonctionnement puis il compare les différentes offres d’énergie. Le courtier joue également un rôle d’intermédiaire entre son client professionnel, son ancien fournisseur et son futur fournisseur d’énergie. Il s’occupe des démarches à effectuer à la place du syndicat pour réaliser la souscription du contrat. Il vérifie les factures d’énergie et peut également optimiser la consommation de gaz de la copropriété. Sélectra, Hopénergie, Opéra Energie, Alliance des Energies, MonCourtierEnergie etc. font partie des courtiers qui travaillent pour le compte de copropriétés. Le courtier est généralement rémunéré par les fournisseurs sous forme d’apporteur d’affaire. Un comparateur indépendant et gratuit a été mis en place par les pouvoirs publics : http://comparateur.energie-info.fr. Il faut cependant être muni d’informations pour remplir le formulaire notamment la consommation de gaz de l’immeuble.
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La meilleure offre
Même avec l’aide d’un courtier, il est intéressant de comprendre ce que consomme sa copropriété. Hopenergie indique ainsi que pour une petite copropriété d’environ dix logements, la consommation de gaz naturel est comprise entre 100 et 200 MWH par an avec une facture qui peut aller de 7 000 à 7 500 euros par an. Pour une copropriété moyenne de cinquante logements, la consommation de gaz est comprise entre 500 megawttheures et 1 gigawattheure par an et, pour les copropriétés de grande taille, la consommation peut atteindre plus de 2 gigawatts heure par an. En fonction de ces éléments, il faut évaluer son CAR (Consommation annuelle de référence de gaz). Il existe quatre classes de consommation sur le marché de gaz concernant les professionnels et les sociétés : elles vont de T1 pour les professionnels avec une consommation inférieure à 6 MwH de gaz annuelle à T4 pour les sites consommant plus de 5000 MwH par an. En fonction de la CAR, l’offre sera différente. Hopenergie rappelle que la CAR figure sur la facture de gaz de la copropriété.
Une fois ces éléments en place, le but est de trouver la meilleure offre par rapport aux besoins de l’immeuble. La liste de fournisseurs qui peuvent alimenter en gaz la copropriété est longue. On peut citer Engie, Antargaz, EDF, Eni, Enovos etc. Le premier réflexe est bien sûr, de comparer le prix du KWh et de l’abonnement sur une même base, c’est-à-dire hors toutes taxes, et quelle évolution est prévue dans le temps. Mais Opéra Energie, courtier en énergie, conseille de prendre également en compte l’origine du gaz (gaz naturel, gaz compensé carbone ou gaz vert ou bien encore si l’acheminement est compris) ainsi que l’évolution des prix : prix fixe ou variable choix des variables d’indexation. Il faut tenir compte de la période d’engagement et les pénalités éventuelles en cas de résiliation anticipées.
Plusieurs offres existent : les copropriétés peuvent bénéficier d’un contrat de gaz à prix fixe dans lequel le prix payé par la copropriété n’est pas impacté par les évolutions du marché. «Les offres à prix fixe restent un peu plus chères mais présentent l’avantage de stabilité dans le temps, ce qui permet à la copropriété de partir sur un budget précis», explique Hopenergie. En effet, dans le cas d’une offre à prix fixe, le risque est pris par le fournisseur de gaz. D’ailleurs, celui-ci se couvre en général à l’avance sur le marché à terme. Il souscrit également une assurance qui permet de faire face aux éventuelles surconsommations des clients ce qui permet d’assurer le prix fixe.
Si la copropriété opte pour une offre de marché : il est possible d’avoir un prix variable indexé, par exemple, sur un indice (comme le PEG pour le marché du gaz naturel). Ce système permet de profiter de la baisse des prix mais la copropriété subit inversement les augmentations de prix. Selon Matera, la plateforme d’aide aux copropriétaires, ces prix variables ne permettent pas de fixer un budget fiable, ce qui rend incertaines les charges de copropriété.
Troisième possibilité : il existe également des offres à prix fixes-variables : ces nouveaux services vous permettent de fixer votre prix à certains moments de l’année pour profiter des fluctuations du marché mais ils demandent une réactivité importante du conseil syndical ou du syndic pour maîtriser les coûts.
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La gestion des augmentations en cours de contrat
L’offre à prix fixe peut donc sembler la plus confortable. Mais attention tout de même, cela ne protège pas de tout : il faut veiller à l’application du contrat.
Début 2023, l’association Consommation Logement Cadre de Vie (CLCV) et une copropriété parisienne ont assigné en justice la société Gaz européen pour n’avoir pas respecté son contrat à prix fixe de gaz dans l’hiver 2021/2022. La CLCV estime que cette remise en cause unilatérale d’un prix fixe a, sans doute, été pratiquée par cette société dans de nombreuses copropriétés. Des cas similaires ont ainsi été rapportés de la part de la société Antargaz. La CLCV témoigne que des copropriétés ont reçu des courriers indiquant que le contrat pouvait être remis en question en fonction des conditions climatiques. «Autrement dit, même si un prix fixe a été déterminé contractuellement pour une durée donnée, le fournisseur s’est réservé le droit de procéder à une facturation complémentaire», indique la CLCV. Il est donc important de bien s’assurer des termes du contrat pour éviter cette mésaventure. Et une fois le contrat signé : il faut vérifier qu’il est bien respecté.
Autre cas de figure : «lors des périodes de forte augmentation du gaz, beaucoup de syndicats de propriétaires reçoivent des courriers de leur fournisseur les mettant en demeure de choisir entre une augmentation significative des prix de leur contrat ou la résiliation de ce dernier à très brève échéance», explique Eric Audineau, avocat spécialisé en copropriété. Mais l’avocat rappelle que l’article R. 445-5 du Code de l’énergie prévoit que le fournisseur doit d’abord saisir la Commission de régulation de l’énergie (CRE) avec une proposition de barèmes accompagnés d’éléments d’information permettant de justifier l’augmentation des tarifs. Le fournisseur ne peut pas appliquer la modification tarifaire avant l’expiration d’un délai de 20 jours. «Dès lors, si le fournisseur d’énergie ne démontre pas qu’il a saisi la CRE ni qu’il a respecté ce délai, les prix ne pourront pas être augmentés», complète maître Audineau.
Autre argument avancé par les fournisseurs d’énergie : le Code civil, dans son article 1195, indique que si un changement de circonstances imprévisibles rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas prévu d’en assumer le risque, il lui est possible de demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation. Si le fournisseur de gaz souhaite une modification, il doit mener une réelle tentative de renégociation des termes du contrat avec le syndicat des copropriétaires. A défaut d’accord, il faudra saisir le tribunal judiciaire et la décision de modifier ou non le contrat appartient à celui-ci. Tant que cette renégociation n’a pas eu lieu et que le juge n’a pas tranché, le contrat doit se poursuivre. Autant d’arguments que la copropriété peut faire valoir si elle se trouve confrontée à la situation.
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L’entretien
Outre la fourniture du combustible, appelé «contrat P1», il est possible et souhaitable de souscrire un contrat d’entretien du matériel avec le chauffagiste : un contrat P2.
Dans ce cas, le chauffagiste assure la fourniture de l’énergie ainsi que l’entretien du matériel. Mais il faut bien vérifier que ce n’est pas plus intéressant pour la copropriété de s’occuper elle-même du combustible laissant simplement au chauffagiste l’entretien du matériel. Le contrat P3 ajoute au P2 le renouvellement des pièces usées. Le P4, quant à lui, est un crédit pour gros travaux : ces contrats sont plus rares et concernent les grosses copropriétés.
Quelle que soit l’option choisie par la copropriété, l’entretien de l’installation est fondamental : une installation mal entretenue surconsomme. Il est notamment important que l’installation soit équilibrée, c’est-à-dire que tous les étages soient chauffés de la même façon. Cela implique, en général, un désembouage régulier des circuits, à savoir d’enlever les dépôts de boue qui s’accumulent dans les tuyaux et les radiateurs au cours des années réduisant ainsi le chauffage.
Enfin, pour réduire durablement la consommation de gaz et donc les factures, le plus efficace est bien sûr de réaliser des travaux d’économie d’énergie. Mettre des robinets thermostatiques, éventuellement des compteurs de calories sur les radiateurs pour responsabiliser les occupants, est une solution. Isoler le bâtiment par l’extérieur, changer les fenêtres ou isoler la toiture permettent de réaliser des économies d’un tiers de la somme, sont également une possibilité. Des travaux qui ne sont pas toujours faciles à engager en raison de freins financiers et réglementaires nombreux, mais qui génèrent une réelle économie.