La copropriété à l’heure de l’écologie

par Paul TURENNE, rédacteur
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©Ivan KurmyshovFace aux enjeux environnementaux et au dérèglement climatique, les solutions passent (aussi) par des actions à l’échelle locale. Meilleure utilisation de l’énergie, réduction des déchets, incitation à la pratique du vélo ou aux transports plus «verts»…
De nombreuses mesures peuvent être mises en œuvre au sein des copropriétés. Encore faut-il, dans un premier temps, vaincre l’inertie propre aux groupes tels que ceux des syndicats des copropriétaires, comme nous l’explique Nabil Zenasni de l’Agence Parisienne du Climat.  

Article paru dans les Informations Rapides de la Copropriété numéro 675 de janvier-février 2022


Favoriser les projets

Que faire face à une situation de blocage, par exemple des copropriétaires majoritaires qui bloquent un gros projet favorable à la transition écologique ?

Nabil Zenasni de l’Agence Parisienne du Climat : «Face à une situation de blocage ou à des copropriétaires dubitatifs, il faut faire mûrir le projet et ne pas rester seuls avec sa bonne idée. Le mieux est ainsi de s'y prendre le plus tôt possible et de créer une dynamique de groupe. Notamment en formant un groupe de travail, un collectif de copropriétaires qui va se répartir les tâches et créer de la discussion.

«Faire appel aux espaces France Renov’ (ex-espaces FAIRE), disponibles partout en France, ou à la plateforme CoachCopro s'avère ainsi le meilleur moyen pour bénéficier d'une assistance sur les aspects aussi bien financiers que techniques, en bénéficiant de conseils et d'accompagnements personnalisés. Ces professionnels vont pouvoir fournir de nombreuses ressources sur la rénovation des copropriétés, notamment avec des retours d'expérience de projets menés à bien. Les conseillers peuvent, en outre, se déplacer et répondre directement aux questions des copropriétaires. Mais aussi les aider à monter en compétence, tout en favorisant la dynamique de groupe avec des réunions en amont.

Autant d'éléments qui vont permettre de faire en sorte que le projet rencontre un meilleur accueil au moment de l'assemblée générale. A défaut, les copropriétaires, peu ou mal informés, auront tendance à choisir la prudence et à rejeter le projet.»

 

Écologie rime-t-elle forcément avec économie ?
Par exemple, un projet d'isolation bénéfique sur le moyen/long terme, peut se révéler coûteux à court terme pour certains copropriétaires.
Comment y remédier ?

«Les subventions, notamment pour la réalisation de projets de rénovation énergétique, sont particulièrement foisonnantes. Mais, revers de la médaille, il n’est pas toujours simple de s’y retrouver ou de les mobiliser pleinement. Encore une fois, faire appel à un conseiller France Renov’ va permettre d'y voir plus clair et de monter le plan de financement le plus optimisé possible afin de diminuer au maximum le reste à charge des copropriétaires. Généralement, cela passe par des projets de rénovation globale.

Sur des projets d'envergure, il est également fortement recommandé de faire appel à un bureau d'études pour une prestation d'ingénierie financière. Ce dernier va ainsi estimer très précisément les subventions mobilisables pour chaque copropriétaire à hauteur de sa quote-part. Ce qui permet de mieux se projeter et ainsi de favoriser l'acceptation du projet.

«L'aspect non financier ne doit également pas être oublié. Entretien et valorisation du bien, amélioration du confort thermique d'hiver et d'été... Autant d'éléments positifs qui entrent dans la balance. Y compris pour les bailleurs qui vont en bénéficier, avec notamment moins de turnover de locataires et de charges.

Désormais, la question écologique est présente dans tous les esprits. Et tout l'enjeu est de montrer, notamment par l'exemple, qu'une transition écologique juste et soutenable pour tout le monde va de pair avec une amélioration de la vie au quotidien, avec moins de charges et un meilleur confort thermique».

 

Comment mobiliser durablement les copropriétaires à la pratique d’éco-gestes individuels et collectifs ?

«Si la réalisation de gros chantiers de rénovation demeure indispensable pour parvenir à des résultats tangibles, l'impact des éco-gestes du quotidien mis bout-à-bout ne doit pas être négligé. Tout l'enjeu est donc de savoir comment continuer à mobiliser l'ensemble des copropriétaires, aussi bien propriétaires occupants que locataires.

«C'est d'abord une question de bonne organisation. Il est ainsi fortement conseillé de désigner des référents ou de constituer des groupes de travail sur différents sujets : économies d'énergie, gestion des déchets, entretien des espaces verts… Autre levier d'action, la communication. Il peut s'agir de mails, d'affichettes, de conversations informelles, voire d'un groupe sur une messagerie en ligne type WhatsApp. L'objectif visé ? Pouvoir communiquer de façon souple et fluide.

«Le tout en n'oubliant pas d'inclure les publics spécifiques : les bailleurs, mais aussi les locataires qui ont un rôle important à jouer en tant qu'occupants de l'immeuble. On peut ainsi prévoir un rappel des éco-gestes de base et les bonnes règles, notamment à leur arrivée.

«Quoi qu'il en soit, ces actions doivent être menées dans un état d'esprit positif et convivial, sans se limiter aux temps d'assemblée générale. Il convient ainsi d'organiser des moments plus festifs, afin de recréer un lien de voisinage propice à l'échange et bénéfique sur tous les plans».


Déchets : réduire, recycler et composter !

Ils constituent un tiers de nos déchets ménagers, provoquent de mauvaises odeurs dans les locaux poubelles et dégradent les performances des incinérateurs car ils brûlent mal… Les déchets organiques présents dans nos poubelles n’ont pas forcément bonne presse. Pourtant, ils constituent une richesse le plus souvent inexploitée. Mais pour ce faire, il faut les composter.

Certaines villes, comme Paris, ou métropoles, comme Grenoble, expérimentent d’ores et déjà la collecte sélective des déchets alimentaires, via des sacs de tri spécifiques mis à disposition des habitants. Ces derniers doivent, ensuite, déposer ces matières organiques dans des poubelles spécifiques. De quoi permettre la fabrication de terreau ou de biogaz.


Éco-gestion des immeubles : un guide en ligne 

L’Agence Parisienne du Climat (APC), association membre du réseau national France Renov’, vient de publier en ce début 2022 un guide baptisé La gestion durable des immeubles.

Ce dernier se divise ainsi en six chapitres traitant de sujets majeurs pour l’éco-gestion des copropriétés :

- sobriété énergétique, pour maîtriser ses consommations et ses charges ;

- gestion de l’eau ;

- gestion des espaces verts et végétalisation ;

- gestion des déchets ;

- mutualisation et usage des espaces communs ;

- adaptation aux vagues de chaleur.

A la fois complet et synthétique, il récapitule l’ensemble des bonnes pratiques à mettre en application pour une éco-gestion des immeubles. Le tout sur la base de conseils concrets, avec «des retours d’expérience inspirants d’actions mises en place dans des copropriétés franciliennes».

La gestion durable des immeubles de Nabil Zenasni, édité par l’Agence Parisienne du Climat.
A télécharger sur www.apc-paris.com


Lombricomposteur : idéal en appartement©TwilightArtPictures

Le compostage impossible dans les immeubles résidentiels privés de jardin et générateur de nuisances ? Que nenni ! Certes, certains grands bacs de compostage nécessitent a minima un espace en extérieur. Mais d’autres solutions, comme le lombricomposteur, peuvent tout à fait être mises en place en intérieur, que ce soit à l’initiative d’un seul ou de plusieurs copropriétaires. Et bien utilisé et entretenu, un compost ne génère aucune mauvaise odeur, ni n’attire des nuisibles, type rats, mouches ou cafards.

Généralement fabriqué à partir de plastique recyclé, le lombricomposteur est un dispositif individuel permettant de composter les déchets d’un foyer. Concrètement, le lombricompostage utilise le travail des lombrics (plus communément appelés vers de terre) qui se nourrissent des déchets organiques. En s’accumulant, les déjections des lombrics constituent un compost solide sous forme de terreau sans odeur, très efficace pour rempoter les plantes. Le lombricompostage produit également un jus appelé lombrithé. Ce dernier s’utilise comme un engrais liquide après avoir été dilué dix fois. Si les lombricomposteurs comportant trois plateaux peuvent répondre aux besoins d’un foyer jusqu’à quatre personnes, au-delà, il est conseillé d’ajouter un ou deux plateaux supplémentaires.

 

Que mettre (ou pas) dans un composteur ?

©savoieleysseLes végétaux.- Si les végétaux, tels que les épluchures de fruits et de légumes, fournissent de l’azote bénéfique pour le compost, certains sont toutefois à éviter, voire à proscrire totalement. De manière générale, les vers de compost apprécient beaucoup les fruits et légumes, avec ou sans peau : pomme, poire, salade, kiwi, céleri, fenouil, poireau, haricots, concombre, carotte, radis... Aucun souci également pour les peaux de banane, bien découpées toutefois. Tout comme les fruits à coques, type noix ou noisettes, broyés très finement.

 

Certains végétaux, comme l’artichaut, l’asperge et l’avocat, sont en revanche extrêmement difficiles à manger pour les lombrics. Il convient donc de les éviter, ou à la limite de les couper très finement en les incorporant avec d’autres aliments. Idem pour les épluchures et les pommes de terre entières qui ont tendance à pourrir et risquent de générer des odeurs.

Les noyaux d’avocat doivent, en revanche, être proscrits car très longs à se décomposer, tout comme les feuilles d’ananas, trop dures pour les vers. Autres éléments à éviter absolument : les agrumes possédant des vertus antiseptiques et qui sont très acides et irritants pour les vers. Vermifuges naturels, l’ail, l’oignon, l’échalote et la rhubarbe sont également, sans surprise, à bannir.

 

Les produits animaux.- De manière générale, les produits animaux ne doivent pas être mis dans un composteur. Ainsi, les produits laitiers, nid à parasites et sources de mauvaises odeurs, sont à proscrire. Tout comme la viande, dont les os se décomposent très lentement, et les poissons, également sources de mauvaises odeurs. Idem pour les litières d’animaux qui vont, en outre, accroître la fermentation et faire monter la température mettant ainsi en danger les lombrics.

 

Autres déchets.- Cela ne semble pas évident à première vue, mais les coquilles d’œufs sont particulièrement recommandées. En effet, elles contribuent à équilibrer le pH du compost en réduisant l’acidité du milieu, tout en apportant du calcium. Attention, il convient toutefois au préalable de les piler très finement, voire de les broyer au mixeur avant de les disposer.

Marc, filtres de café et sachets de thé sont également excellents pour le compost. Tout comme le papier, le sopalin, le carton - notamment les rouleaux de papiers toilette et boîtes à œufs -, matières carbonées idéales pour équilibrer le duo azote/carbone. Ils permettent également une bonne aération du substrat. Enfin, les ongles (sans vernis) et les cheveux peuvent également être dégradés dans un compost.

D’autres déchets alimentaires peuvent être ajoutés mais en petite quantité. C’est le cas des féculents, (pâtes, riz, farine, pain) et plutôt humide pour ce dernier. En revanche, les déchets gras et les sauces sont à éviter au maximum.

 

Petit guide de lombriculture.- Pour une meilleure digestion par les vers, l’idéal est de disposer des morceaux coupés finement dans les bacs. L’apport de carton ou de papier va également leur faciliter la tâche et permettre de limiter les risques de mouches ou de trop grande humidité.

Mieux vaut éviter d’ajouter des graines de cucurbitacées (courge, courgette, potiron, melon, pastèque, tomate, du reste très acide pour cette dernière…) qui peuvent facilement germer dans le bac, au milieu des vers.

Les papiers et cartons colorés doivent être évités car ils contiennent des encres chimiques potentiellement toxiques pour les vers.

Les plantes et fleurs fraîches ou fanées constituent un bon apport pour le composteur, sous réserve de couper les feuilles et ne pas en abuser. Les résidus de tonte de gazon sont par contre à proscrire car ils ont tendance à fermenter.


Les producteurs de biodéchets bientôt obligés de les valoriser.- Tous les producteurs ou détenteurs de biodéchets, devront obligatoirement trier à la source ou mettre en place une collecte sélective visant à valoriser les biodéchets, au plus tard le 31 décembre 2023. Cette obligation s’applique aussi aux collectivités territoriales dans le cadre du service public de gestion des déchets et aux établissements privés et publics qui génèrent des biodéchets.
Source : article L. 541-21-1 du Code de l’environnement, issu de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (dite loi AGEC) du 10 février 2020.


Transports : favoriser les cycles et l'électrique

©Kirill GorlovLe vélo

Pour inciter à son usage, pas de miracle, il faut en faciliter la pratique. Ainsi, une copropriété sans aucun aménagement ou local permettant de stocker des vélos, va forcément décourager certains résidents de s’en servir au quotidien.

Pour ce faire, les solutions peuvent être multiples, depuis le simple ajout de dispositifs d’accroche dans un espace commun, jusqu’à l’aménagement d’un local à vélo dans un espace inoccupé.

Mais dans la mesure où la place est très souvent limitée, mieux vaut prévoir, une fois par an, un nettoyage de printemps pour éliminer les «épaves». Également, en prévention, rédiger et diffuser une charte de bons usages.

A (re)lire : Copropriété : organiser le local à vélos, Informations Rapides de la copropriété, n° 672

Les bornes de recharges électriques

En matière électrique, la législation entend également favoriser les nouveaux usages, notamment en facilitant la prise de décision pour électrifier les places de parking. Pour autant, en copropriété, il convient d’anticiper, sous peine de se retrouver sans plan B pour recharger sa voiture hybride ou électrique.

A (re)lire : Bornes de recharge : le temps de la maturité, Informations Rapides de la copropriété, n° 666

France Rénov’ .- Créé par la loi Climat et Résilience, le service public France Rénov’ est le point d’entrée unique pour tous les parcours de travaux de rénovation. Piloté par l’ANAH, ce service est organisé territorialement sur toute la France.


Économies d'énergie : MISE À JOUR DU DISPOSITIF CEE 

Pilier majeur du financement des travaux de rénovation énergétique, à côté des aides publiques telle que ma «MaPrimeRénov’», le dispositif des certificats d'économie d'énergie (CEE) entre dans sa cinquième période de mise en œuvre. Sa durée, fixée à quatre ans, est comprise entre le 1er janvier 2022 et le 31 décembre 2025.

Pour mémoire, ce dispositif aux rouages sophistiqués est monté en puissance progressivement depuis son lancement en 2016. En pratique, il repose sur une obligation triennale ou quadriennale de réalisation d’économies d’énergie, imposée par les pouvoirs publics, à certains fournisseurs d’énergie et de carburant, appelés les «obligés» que sont EDF, Total ou encore Antargaz.

Pour respecter leurs obligations et éviter de payer de lourdes sanctions financières, les obligés incitent les maîtres d’ouvrage particuliers et professionnels, dont les syndicats de copropriétaires, à réaliser des travaux d’économies d’énergie en leur proposant des avantages, qui prennent souvent la forme de primes en euros. Depuis le 1er janvier 2022, la cinquième période est donc active, mais selon un cadre réglementaire ajusté qui vise à renforcer l'efficience générale du dispositif des CEE.

Ainsi, le volume total d’obligations est fixé à 2500 térawattheures cumulés actualisés (TWhc) sur quatre ans, dont 730 TWhc pour des opérations en faveur des ménages en situation de précarité énergétique. Alors que cette obligation est en hausse de 17 % par rapport à la quatrième période, la part des bonifications se trouve désormais limitée à 25% du volume total des certificats  délivrés, avec notamment l’arrêt des «coups de pouce» pour l’installation de chaudières gaz et des opérations d’isolation à un euro pour les combles et planchers, en raison des dérives que ces derniers ont pu générer.

En revanche, les coups de pouce visant à remplacer un système de chauffage polluant par un équipement à énergie renouvelable (PAC, chaudière biomasse ou solaire thermique) et les coups de pouce «Rénovation performante de bâtiment résidentiel collectif» sont prolongés jusqu'à fin 2025, ce qui est une bonne nouvelle pour les copropriétés.

Par ailleurs, un assouplissement du calendrier de demande de la prime CEE est introduit. Concrètement, la demande de prime CEE doit, en principe, être effectuée avant la signature des devis de travaux, mais une tolérance de quatorze jours est créée pour les ménages et les syndicats de copropriétaires.

Autre évolution, la pression sur les acteurs des CEE en matière de contrôle va aller croissante lors de cette cinquième période. Il s’agit non seulement de vérifier que la qualité des travaux d’économie d’énergie est bien au rendez-vous, mais aussi de détecter d’éventuelles fraudes liées aux CEE.

Enfin, depuis le 1er janvier 2022, les espaces conseils «Faire» et les points rénovation information service, deviennent les espaces conseils baptisés «France Rénov’». Le but de ce nouveau service public «unique» : mieux accompagner les maîtres d’ouvrage dans les travaux de rénovation énergétique de leurs bâtiments (S. M.-M.).