Poser des panneaux photovoltaïques sur la toiture de son immeuble pour revendre de l’électricité et ainsi réduire ses charges... une idée plus que tentante pour les copropriétés. A condition de bien monter le projet pour accélérer le retour sur investissement.
Paul TURENNE
“Une installation solaire ? Dans le Sud, oui ! Mais ailleurs...” Eh bien non, contrairement à ce que l’on pourrait croire, la productivité de capteurs solaires reste sensiblement la même du Nord au Sud de l’hexagone. A titre d’exemple, 120m2 de capteurs en région parisienne produiront autant d’énergie que 100 m2 à Toulouse. “Ce qui compte, ce n’est pas tant la situation géographique que l’inclinaison des panneaux solaires et leur orientation” souligne François Poquet, conseiller photovoltaïque à l’Ageden, association indépendante de promotion des énergies renouvelables en Isère.
Et bien sûr, les éventuels masques, tels que cheminées, arbres ou immeubles, qui pourraient littéralement faire de l’ombre aux panneaux solaires.
Mais concrètement, de quoi parle-t-on ici ? Un panneau solaire photovoltaïque est un capteur qui convertit la lumière du soleil en courant continu. Ce courant est ensuite transformé par un ou plusieurs onduleurs en courant alternatif, utilisable sur le réseau EDF. A bien différencier, donc, d’un panneau solaire thermique, dans lequel un fluide caloporteur se réchauffe avant de circuler autour d’un ballon d’eau chaude pour le réchauffer également. Si, dans les deux cas, ces installations permettent de réaliser des économies d’énergie et, in fine, de réduire ses charges, le photovoltaïque peut même devenir, à moyen terme, une source de revenu.
En France, l’électricité produite par des panneaux photovoltaïques peut, en effet, être revendue à EDF à un tarif très avantageux. Précisément à 60,176 centimes par kWh pour des capteurs intégrés, soit en moyenne cinq à six fois fois le prix du kWh payé par les particuliers à EDF. Reste que mettre en oeuvre une installation photovoltaïque dans une copropriété ne s’improvise pas. Et demeure un investissement lourd qui nécessite une étude approfondie des besoins et des désirs de chacun pour éviter les déconvenues.
S’informer et communiquer
Première étape préalable : préparer le terrain auprès de l’ensemble des copropriétaires. Plus ces derniers auront été tenus au courant de l’évolution du projet, plus celui-ci aura de chances de réussir. A fortiori s’il est porté par un ou plusieurs copropriétaires qui s’engagent davantage et communiquent sur le travail accompli. S’informer en contactant un espace info-énergie permet bien souvent d’enclencher le processus. Animées et gérées par l’Agence nationale de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), ces structures, le plus souvent locales ou départementales, vous permettront d’y voir plus clair dans votre projet. D’abord en vous conseillant gratuitement de manière objective, puis en vous fournissant des informations techniques et législatives. Enfin, en vous renvoyant vers des professionnels qualifiés. Vous pouvez obtenir ces conseils soit à titre personnel en tant que simple copropriétaire, soit en tant que représentant du syndicat de copropriétaires.
Pour des copropriétés jusqu’à 50 logements environ, les espaces info-énergie peuvent même réaliser gratuitement des études préalables en faisant le lien avec un installateur pressenti. Cette étude de faisabilité technique pourra toutefois être accélérée pour des copropriétés plus grandes, en faisant appel aux services payants d’un bureau d’études spécialisé. Pour une étude sur une installation photovoltaïque concernant une centaine de logements, comptez en moyenne environ 4000 euros. Les espaces info-énergie étant, là encore, à même de conseiller la copropriété sur le choix du bureau d’étude.
Mener une étude de faisabilité technique
Avec un professionnel qualifié, la copropriété pourra, tout d’abord, étudier les différentes possibilités qui lui sont offertes, suivant l’inclinaison du toit de l’immeuble, son orientation et la présence ou pas de conduits d’aération ou de cheminées. Par exemple, le toit doit idéalement être orienté Sud / Sud-Ouest et sa pente comprise entre 30 et 50° environ. Au-delà ou en deçà, le rendement du toit solaire diminue. Chaque copropriété étant unique, de par sa construction et son environnement, seul un installateur peut proposer la meilleure solution en tenant compte des contraintes ou des alternatives, comme la pose de panneaux photovoltaïques sur des brise-soleils ou sur des bardages en façade d’immeuble. L’idée étant bien sûr d’optimiser le rendement, mais aussi d’accélérer le retour sur investissement, en tenant notamment compte des critères d’attribution des différentes aides à la disposition des copropriétaires.
L’installateur proposera alors une évaluation du potentiel du toit solaire de la copropriété, avec la production moyenne attendue en kWh par kWc (cf. encadré p31). Le tout en confirmant ou pas la viabilité économique du projet. Attention ! Une étude bien faite doit intégrer le chiffrage de la consommation électrique de l’ensemble de la copropriété et des besoins incompressibles. “Poser des panneaux photovoltaïques sans réfléchir aux moyens de réduire sa consommation électrique n’a pas de sens”, rappelle Stanislas Guérini, gérant du fournisseur d’installations solaires et installateur Watt & Home. Lampes à incandescence ou halogènes, appareils ménagers gourmands en énergie ou en veille, ou bien encore chauffage électrique d’appoint à cause d’une mauvaise isolation thermique... La chasse aux gaspillages d’énergie peut s’avérer très fructueuse. Un véritable projet écologique aux retombées économiques non négligeables pour la copropriété.
Un vote en AG à préparer
Une fois la viabilité du projet assurée, reste à le voter en assemblée générale. Comme toutes les dispositions visant à économiser de l’énergie, le choix de mettre en place une installation photovoltaïque doit se faire, à la majorité dite de l’article 25, de tous les copropriétaires, si la rentabilité économique du projet ne dépasse pas dix années. A noter qu’il est alors possible de voter, en deuxième lecture, à la majorité de l’article 24 des seuls copropriétaires présents ou représentés. En revanche, dans les autres cas, la décision doit être prise à la majorité de l’article 26 des membres du syndicat représentant au moins les deux tiers des voix. Une fois le projet voté, le syndicat de copropriété peut devenir maître d’ouvrage d’une installation photovoltaïque et signer un contrat d’achat et un contrat de raccordement unique et commun à tous les copropriétaires. Les revenus de la production électrique peuvent alors venir en déduction des charges communes. Et, en cas d’excédent, être répartis au tantième de chaque propriétaire. A noter : les revenus issus d’une installation photovoltaïque de puissance inférieure ou égale à 3 kWc détenue par un particulier (personne physique) ne sont désormais plus imposables au titre de l’impôt sur le revenu.
Les demandes de subventions et l’aspect administratif du projet représentent peut être l’étape la plus lourde.
Une déclaration de travaux s’impose en mairie. De plus, il faudra obligatoirement obtenir l’avis positif de l’Architecte des bâtiments de France, pour un immeuble situé à moins de 500 mètres d’un monument historique.
Reste maintenant à constituer les dossiers de demandes de subventions et d’aides.
Des aides conséquentes
Un crédit d’impôt de 50 % du coût TTC du matériel uniquement ne profite qu’aux propriétaires occupants, déduction faite des autres aides perçues, avec un plafond de dépense de 8 000 euros par personne et de 16 000 euros pour un couple soumis à imposition commune. On peut considérer qu’une installation photovoltaïque dont le propriétaire est la copropriété est ni plus ni moins la somme de plusieurs petites installations appartenant à plusieurs propriétaires. Pour bénéficier du crédit d’impôt, il est par ailleurs nécessaire que chaque petite installation soit inférieure à 3 kWc ou ne produise pas plus du double de la consommation de l’habitation. Une limite de puissance qui s’applique alors pour chaque tantième d’installation.
En revanche, les propriétaires-bailleurs, dont le logement en question n’est pas l’habitation principale, ne peuvent bénéficier du crédit d’impôt. Si leur proportion est importante au sein de la copropriété, cela peut constituer un obstacle sérieux au projet, en rallongeant le retour sur investissement.
Autre aide : la TVA à taux réduit de 5,5%, pour travaux de rénovation des habitations principales, secondaires ou mises en location de plus de deux ans. Les travaux doivent toutefois être réalisés par un professionnel et faire l’objet d’une facture. Le mieux, pour être certain d’en bénéficier, est de contacter un espace info-énergie, afin de satisfaire l’ensemble des conditions d’attribution, comme par exemple une pose en intégration de toiture.
Enfin, de nombreuses collectivités comme des conseils régionaux et généraux ou des communes peuvent subventionner directement l’investissement consenti. Les montants sont variables, mais peuvent se cumuler avec l’ensemble des autres aides.
A titre d’exemple, la région Rhône-Alpes propose une aide plafonnée à 2400 € pour les particuliers, lorsque le système n’est pas intégré au bâti et de 1400 € lorsqu’il l’est.
kWc (kilo watt crête) :
Cette unité de mesure quantifie la puissance d’un système photovoltaïque. 1 kWc correspond à la puissance que peut délivrer un panneau solaire dans des conditions données d’ensoleillement maximum, soit 1000 watts par m2, à une température de 25°C. Concrètement, 10 m2 de panneaux photovoltaïques peuvent produire sur une année environ 1000 kWh d’électricité.
A titre de comparaison, la consommation d’une famille (hors chauffage) est d’environ 3000 kWh/an.
Différentes solutions pour intégrer les modules photovoltaïques
Les modules peuvent être directement fixés sur une toiture inclinée ou posés sur des châssis, sur une toiture-terrasse. Solution qui s’avère plus économique sur de l’ancien. Toutefois, à l’occasion de la réfection d’une toiture ou de travaux d’isolation, il devient intéressant de faire d’une pierre deux coups.
Les modules photovoltaïques peuvent alors être utilisés comme matériaux de construction. Ils deviennent ainsi des éléments de toiture ou de verrière, mais aussi murs ou panneaux extérieurs d’un vitrage isolant ou bien encore bardage ou pare-soleil. L’offre évolue très rapidement. Ainsi existe-t-il d’ores et déjà des solutions qui s’intègrent parfaitement aux toitures.
C’est notamment le cas des tuiles photovoltaïques qui remplacent des tuiles classiques en se posant sur des liteaux et ce, sans générer de surépaisseur.
Le coût est cependant plus élevé que pour des panneaux monocristallins classiques. Autre solution encore plus intégrée : une membrane de silicium amorphe qui se déroule sur une toiture et permet d’assurer l’étanchéité, tout en rallongeant la durée de vie de la couverture. Son rendement inférieur nécessite toutefois de doubler la surface de modules photovoltaïques par rapport à des panneaux classiques, pour un coût final équivalent.
De manière générale, il faut compter environ 650 euros / m2 de surface photovoltaïque installée, mais le plus important reste le prix de revient du kWh, à estimer avec l’installateur.
Les étapes d’une installation photovoltaïque en copropriété
1. Faire valider la faisabilité technique et la viabilité économique du projet.
2. Faire voter le projet en assemblée générale.
3. Réaliser les demandes d’aides et de financements.
4. Engager les procédures administratives (déclaration d’exploiter, assurance,contrat de raccordement, contrat d’achat etc.)
(Source Hespul)
Ce qu'il faut retenir :
Les panneaux photovoltaïques ont une durée de de vie de 20 à 30 ans et ne nécessitent quasiment aucun entretien.
Il faut juste prévoir de changer le ou les onduleur(s) tous les 10 ans environ, pour un coût moyen de 1000 euros.
Mieux vaut réaliser une installation photovoltaïque à l’occasion d’une réfection de toiture car de nombreuses aides sont plus conséquentes pour des installations intégrées.
La copropriété peut être amenée à supporter tout ou partie du coût de modification du réseau pour revendre l’électricité produite (de l’ordre de 60 000 euros pour une installation de 100 m2)
Pour cette même installation, les recettes seront de l’ordre de 6 000 euros par an (10 000 kWh X 0.60176 euros)
Pour aller plus loin :
Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) : www.ademe.fr 01 47 65 20 00
Association Hespul : www.hespul.org 04 37 47 80 90
Coordonnées des espaces info-énergie : 0810 060 050
(prix d’un appel local)
Guide des critères d’exigibilité des équipements de production d’électricité photovoltaïque pour le bénéfice de la prime d’intégration au bâti : www.industrie.gouv.fr
Le guide de l’Association des responsables de copropriétés (Arc) : “Copropriété : le temps des économies d’énergie et du développement durable”, 18 euros