[N° 559] - Maîtriser ses consommations d’eau et d’énergie avec les compteurs communiquants

par Paul TURENNE
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Bien compter pour savoir où l’on en est est un premier pas vers la sobriété énergétique... et vers les économies de charges ! Une fois fixé sur sa consommation et celle des parties communes, il sera alors temps d’agir.

Paul TURENNE

Qu’il s’agisse de l’eau, de l’électricité, du gaz ou du fioul, la règle est constante : l’individualisation de ces charges possède un effet incitatif sur la consommation finale de la copropriété. Car le meilleur moyen de sensibiliser reste encore le porte monnaie.
La loi Grenelle 2 grave d’ailleurs dans le marbre le principe d’individualisation des charges de chauffage, obligatoire dans tout immeuble chauffé collectivement depuis la Loi 74-908 du 29 octobre 1974. Une mesure qui permet une réduction d’environ 20 % des factures de chauffage selon une étude soutenue par l’Ademe, et une économie de deux millions de tonnes de CO2. Sous réserve, toutefois, d’être bien respectée ce qui, pour l’heure, n’est pas le cas en France contrairement aux autres pays européens où 95 % des immeubles sont équipés de systèmes individuels de comptage de l’énergie.


Télérelève ou radiorelevé ?

Avec la télérelève, un opérateur passe récupérer à distance les index des compteurs individuels sans avoir besoin d’un accès au domicile. Le radio relevé est encore plus précis. L’envoi du relevé de compteur se fait une ou deux fois par jour ce qui permet un suivi de la consommation en temps réel.
Les avantages de ces deux types de solutions sont nombreux par rapport à un « simple compteur ».
Finies les estimations. Seule la consommation réelle est facturée, y compris lorsque les occupants ne sont pas présents le jour où un technicien passe. La possibilité d’avoir un index par jour rend par ailleurs possible une répartition des charges précises en cas de mutations. Par ailleurs, certaines solutions permettent d’être averti par mail ou SMS en cas de détection de fuite par le compteur d’eau. Avec Web’Conso - l’offre de service proposée par la société Ista-CIS - le nouveau contrat peut même intégrer, selon certaines conditions, une clause d’engagement sur résultat. Une première dans le domaine du pilotage des charges. Enfin, les gestionnaires peuvent connaître les différences de consommations entre compteurs généraux et divisionnaires et être avertis en cas de fraude, qu’il s’agisse de compteurs inversés, déposés ou bloqués.


Ondes radio

Concrètement, les compteurs d’eau chaude, d’eau froide, de chaleur, ou bien encore de gaz et d’électricité sont équipés de petits modules de transmission radio, qui émettent vers un concentrateur local situé dans l’immeuble. Ce dernier va alors communiquer régulièrement les consommations à un serveur informatique via le réseau de téléphonie mobile. Autre possibilité : l’index du compteur est d’abord lu via un émetteur d’impulsion puis transmis par onde de radio longue portée à un récepteur radio. Celui-ci, installé en général sur le toit d’un immeuble collecte tous les index situés dans un rayon de 400 m en zone urbaine. Une solution qui a le mérite de  remplacer les nombreux répétiteurs
souvent inesthétiques sur les façades des immeubles.
Les gestionnaires peuvent alors disposer d’informations détaillées et de rapports sur la base des statistiques de consommation accumulées. En ce qui concerne la consommation de chaleur par appartement, il est facile de la mesurer avec un seul capteur, si chaque logement ne possède qu’une boucle de chauffe. Dans le cas de plusieurs colonnes montantes, un petit capteur-émetteur par radiateur sera indispensable, ce qui fatalement fera augmenter le coût final.


Des fuites pas si anodines...

Avec un compteur classique, détecter des fuites d’eau implique une surveillance régulière et s’avère plus qu’aléatoire. L’enjeu est pourtant de taille puisque ces fuites peuvent représenter 15 à 20 % des quantités d’eau consommées par les Français : un goutte à goutte représente ainsi 4 litres par heure soit 35 m3 par an, un mince filet d’eau, 16 litres par heure soit 140 m3 par an, tandis qu’une chasse d’eau qui coule augmentera la consommation de 25 litres par heure soit 220 m3 par an ! Parmi les solutions innovantes pour lutter contre ces gaspillages, on peut citer le Clip-Flow de la société Hydrelis. Son principe ? Celui d’un disjoncteur qui coupe automatiquement l’arrivée d’eau en cas de problème. Pour se faire, il analyse ainsi en permanence le flux d’eau pour détecter un débit stable anormalement long, signe d’une fuite. Plus le débit est important, plus la coupure va être rapide.

Par ailleurs, il détecte également les augmentations anormales de débit, signe d’une rupture de canalisation. Enfin, après 3 jours d’absence, le Clip-Flow coupe automatiquement l’arrivée d’eau, ce qui permet d’être couvert par les assurances en cas de fuite.
Ce système qui fonctionne de façon autonome et sans alimentation électrique dispose d’une autonomie de 10 ans grâce à une pile au lithium. Branché directement en tête du réseau d’eau potable près du compteur, il se réarme très facilement après une coupure en abaissant le levier. En option, un module de report radio placé à l’intérieur de l’habitation permet de surveiller facilement l’installation, et il est possible de configurer les conditions de déclenchement du Clip-Flow à l’aide d’un simple ordinateur individuel.


Les obligations des contrats de fournisseurs

Fabrice Haïat, PDG de Vizelia, éditeur de solutions informatiques de gestion de patrimoine immobilier :

En quoi consiste la solution Vizelia Green Building que vous proposez?

Vizelia Green Building est une application sur le web qui permet d’optimiser et de réduire les consommations d’eau, de gaz, d’électricité dans les bâtiments neufs et anciens en les collectant, diffusant, et analysant automatiquement, en temps réel. Le principe est assez simple. Il s’agit d’équiper un immeuble avec des capteurs qui vont permettre d’avoir un suivi des consommations de gaz, d’électricité et d’eau, ainsi que la température des logements pour pourvoir ensuite fournir au syndic la possibilité de superviser les consommations des parties communes et aux locataires de suivre leur propre consommation. Nous avons déjà équipé ainsi presque 20 000 logements.
Dans un logement existant, nous n’allons pas chercher à faire de la domotique avec par exemple des lumières qui s’adaptent à la luminosité ambiante. Nous allons plutôt nous focaliser sur du « monitoring énergétique ». Au travers des suivis de consommations, nous allons ainsi mettre en place des règles d’alerte. Ainsi, en cas de débit constant permanent pendant certains temps, une alerte fuite sera mise en place. Il en est de même des petites fuites qui peuvent représenter un poste de dépense important sur un an.
Deuxième étape : la définition de ratios, comme le nombre de personnes ou d’équipements électriques dans un logement, rapportés à la consommation d’eau ou d’électricité par exemple. Cela permet de donner des indicateurs aux copropriétaires sur leur consommation moyenne ramenée à une statistique nationale ou à une comparaison plus locale afin que chacun puisse se situer.Troisième levier : la comparaison qu’il est possible de faire entre l’utilisateur et les autres populations d’utilisateur.

Quels bénéfices chacun peut-il en retirer ?
Les bénéfices que nous avons pu observer sont, d’une part, des locataires beaucoup plus attentifs du fait des alertes de consommation. Par ailleurs, cela est intéressant, à la fois pour les syndic, en cas de volume de logements un peu significatif, pour identifier les consommateurs à cibler en priorité en vue d’actions de sensibilisation ou de mises à jour techniques afin de les aider à maîtriser leur consommation.
Le syndic va, par exemple, avoir la possibilité d’identifier des fuites entre le compteur général et les sous compteurs qui sont en général difficile à reventiler sur les locataires et donc grève sa rentabilité. L’idée est donc d’avoir une vision globale pour vérifier que les bâtiments ne se dégradent pas ou qu’il n’y a pas de problèmes techniques majeurs.

Comment se passe l’installation d’un tel système et à quel coût ?
Une première phase consiste à effectuer une analyse de l’existant, afin de déterminer le nombre de compteurs déjà en place et leur types, les postes de consommation majeurs qu’il convient d’instrumenter... S’agit-il de se focaliser sur le chauffage, sur l’eau, ou bien sur les deux ? En fonction de tous ces éléments, nous sommes capables de déterminer les points de mesure qu’il faudrait rajouter pour avoir une vision globale de la performance de l’installation, et deuxièmement le coût de ces instrumentations.
Il faut compter en premier un coût d’installation et de matériel et ensuite un coût d’abonnement à une plateforme puisque les données sont envoyées sur le web de façon sécurisée. Chacun a ensuite accès via un portail personnel à ses propres consommations. S’il n’est pas possible de visionner la consommation du voisin, en revanche, des outils statistiques permettent de positionner sa consommation par rapport à la moyenne des logements équivalents de l’immeuble. Pour l’un des premiers projets que nous avons réalisé, à savoir, l’OPAC de Moulin dans l’Allier, qui comportait une centaine de logements, le budget global de l’opération était d’environ 60 000 euros. Soit un coût moyen par logement de 600 euros. Pour donner une fourchette un peu large, le coût par logement va être compris entre 500 et 1 000 euros, suivant ce que l’on souhaite faire et s’il existe déjà des solutions installées.

Quid du contexte réglementaire ?
Des réglementations vont probablement bientôt voir le jour et accélérer le déploiement de ce type de solutions. Notamment, la visualisation des charges énergétiques au niveau des locataires.
Le Grenelle 2 doit ainsi rendre obligatoire la ventilation de répartition des charges de chauffage individualisées par locataire.
Car, si l’on veut répartir, il faut avant toute chose compter.
Agir sur le comportement des utilisateurs sans individualiser les charges ne marche pas. Tout l’enjeu consiste donc à responsabiliser l’ensemble de la chaîne.