Elle protège les propriétaires actuels et les futurs acquéreurs d’une éventuelle malfaçon pouvant affecter la structure de l’immeuble. Qui doit la souscrire ? Pour quelles raisons ? Que prend-elle en charge ? État des lieux des différentes règles en la matière. ©DR
Si l’immeuble est construit depuis moins de dix ans, le copropriétaire bénéficie de l’assurance obligatoire dommages-ouvrage souscrite par le constructeur ou le promoteur pour le compte des futurs propriétaires. Cette assurance garantit, notamment pendant dix ans, le financement de la réparation des malfaçons importantes.
Une assurance obligatoire, des garanties diverses
Obligatoire en cas de construction d’un bâtiment, mais aussi d’extension, de rénovation ou d’amélioration de ce bâtiment (article L. 111-30 du Code de la construction et de l’habitation), cette assurance permet au propriétaire de se faire rembourser et/ou réparer les malfaçons se produisant après la réception des travaux et engageant la responsabilité décennale des constructeurs.
La loi n° 78-12 du 4 janvier 1978, dite loi Spinetta, oblige le maître d’ouvrage (à savoir toute personne physique ou morale qui, agissant en qualité de propriétaire, de vendeur ou de mandataire du propriétaire du bâtiment, fait réaliser les travaux) qui souhaite effectuer des travaux de construction à souscrire une assurance dommages-ouvrage. «Elle doit être souscrite avant l’ouverture de chantier. Elle est très souvent packagée avec des garanties TRC (Tous Risque Chantiers) et RCMO (Responsabilité Civile du Maître d’Ouvrage) ainsi que CNR (Constructeur Non Réalisateur)» précise Stéphane Grandchamp, directeur de Verlingue Immobilier, courtier en assurances des entreprises. Elle est ainsi obligatoire pour tous les travaux de bâtiment susceptibles d’engager la responsabilité décennale de l’entreprise, à savoir la construction neuve, mais également les surélévations et adjonctions. Le simple entretien est exclu, mais la jurisprudence tend à étendre le champ de la garantie à tous les travaux de bâtiment (électricité, plâtrerie). L’assurance dommages-ouvrage garantit donc obligatoirement le financement de la réparation des dommages compromettant la solidité de l’immeuble ou le rendant inhabitable, ainsi que les éléments d’équipement indissociables de l’immeuble, que l’on ne peut remplacer sans détériorer la construction. Il s’agit le plus souvent de problèmes de charpente, de fissures sur un mur porteur, d’infiltration d’eau… Elle n’inclut pas les pertes de jouissance (impossibilité d’occuper le bâtiment pendant la durée nécessaire aux travaux de réparation ou perte de loyers, par exemple). Cette garantie débute après l’année de parfait achèvement et prend fin au bout de dix ans à compter de la réception. Cependant, elle est considérée comme acquise avant la réception lorsqu’après une mise en demeure inopérante, le contrat de louage d’ouvrage est résilié pour l’inexécution par l’entrepreneur de son obligation de payer. Elle est également acquise après réception, et avant la fin des dix ans lorsque, après une mise en demeure infructueuse, l’entrepreneur n’a pas exécuté, dans le délai fixé par le marché ou, à défaut, dans un délai de 90 jours, son obligation de réparer. La garantie des éléments d’équipement dissociables, quant à elle, débute après le délai de parfait achèvement et prend fin à l’expiration d’un délai de deux ans à compter de la réception. En option, le contrat d’assurance peut également garantir les dommages immatériels subis par le propriétaire ou les occupants du bâtiment, résultant directement d’un dommage apparu après la réception. Les diverses garanties de l’assurance dommages-ouvrage commencent dès la réception : «il faut donc être particulièrement vigilant sur le P.-V. de réception» conseille Stéphane Grandchamp. Avant de signer la réception, il est nécessaire de noter par écrit tous les défauts et non-conformités, et d’envoyer une copie du document à l’assureur.
En cas de défaut d’assurance dommages-ouvrage, il n’existe aucun recours possible à un fonds de garantie couvrant l’assurance construction. Contrairement au professionnel qui encourt des sanctions pénales en cas de défaut d’assurance (emprisonnement de dix jours à six mois et/ou amende de 75 000 euros), le particulier qui fait construire pour lui ou pour sa famille proche n’est pas sanctionné par la loi. «Mais attention plusieurs risques existent», explique Stéphane Grandchamp. «Le banquier a le devoir de vérifier si une assurance dommages-ouvrage a été souscrite et peut pour manquement à cette obligation refuser un prêt. De plus, en cas de revente dans la période de garantie décennale, le notaire peut refuser la vente ou bien appliquer d’office une décote. L’ouvrage peut être plus difficile à vendre si des malfaçons apparaissent. En effet, en cas de dommages, il n’y aura pas d’indemnisation avant que ne soient établies les responsabilités. Or, cette recherche de responsabilité et la décision de justice qui s’ensuit peuvent prendre plusieurs années.»
Des tarifs libres
Il existe une multitude d’assureurs, qui fixent librement les tarifs de ces assurances, notamment en fonction du coût de la construction, du volume et de la nature des travaux, de la qualification professionnelle et la réputation des constructeurs et de la présence d’une étude de sol. «Le montant de la prime à verser pour souscrire une assurance dommages-ouvrage représente en moyenne 2,5 à 3 % du montant des travaux. Les assureurs imposent généralement le paiement d’une prime minimale, fixée à un coût total des travaux minimum» note Stéphane Grandchamp. Il est donc conseillé de s’adresser à plusieurs compagnies afin de choisir celle qui fournira la meilleure garantie. Si les négociations sont ardues dans ce domaine, les copropriétaires auront peut-être intérêt à s’adresser à l’assureur de leur maître d’œuvre pour faire diminuer le montant de l’assurance. Si l’assureur refuse d’assurer le bâtiment, si le montant est exorbitant ou si un assureur ne répond pas à la demande, la copropriété pourra saisir le BCT (Bureau central de tarification) dans les quinze jours (par lettre recommandée avec accusé de réception), lequel pourra, le cas échéant, obliger l’assureur à fournir une assurance. Est assimilé à un refus, le fait, pour l’assureur saisi d’une demande de souscription d’assurance, de subordonner son acceptation à la couverture de risques non mentionnés dans l’obligation d’assurance ou dont l’étendue dépasserait les limites de l’obligation d’assurance et le silence de l’assureur pendant plus de quarante-cinq jours après réception d’une demande de garantie.
Un contrat cadré
Chaque contrat d’assurance dommages-ouvrage doit contenir certaines clauses types précisées dans le Code des assurances, qui concernent la durée et le maintien de la garantie, les exclusions de garanties, les obligations réciproques de l’assuré et de l’assureur. Ainsi, «l’assuré doit fournir à l’assureur, à la demande de celui-ci, les attestations d’assurance des constructeurs avec lesquels il a traité ; lui déclarer les réceptions des travaux et remettre, dans le mois de leur prononcé, le ou les procès-verbaux et le relevé des observations ou réserves non levées du contrôleur technique ; lui adresser un dossier technique comportant au moins les plans et descriptifs de l’ensemble des travaux effectivement réalisés, dans le délai maximal d’un mois à compter de leur achèvement ; lui notifier, dans le délai maximal d’un mois à compter de leur achèvement, le constat de l’exécution des travaux éventuellement effectués au titre de la garantie de parfait achèvement, ainsi que le relevé des observations ou réserves restées non levées du contrôleur technique ; lui déclarer le coût total de construction définitif.»
En cas de sinistre
L’assurance dommages-ouvrage couvre les vices et malfaçons menaçant la solidité de la construction, même s’ils découlent d’un vice du sol, et des désordres remettant en cause la destination de la construction. Il s’agit, par exemple, de défauts d’isolation thermique des murs, de l’affaissement des planchers, de fissures importantes sur les murs ou encore d’infiltrations d’eau. Ne sont cependant pas couverts le non-achèvement des travaux dans les délais prévus (généralement couvert par d’autres garanties) et les sinistres apparaissant pendant les travaux et relevant de l’assurance professionnelle de l’entrepreneur, comme un incendie, par exemple.
Il faut prévenir l’assureur le plus tôt possible, et être le plus précis possible dans la description du sinistre. Il appartient à l’assuré de faire une déclaration dans le délai fixé par le contrat (qui ne peut être inférieur à cinq jours ouvrés), par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. «L’assureur se charge ensuite de faire un recours contre le ou les constructeurs responsables afin de recouvrer l’indemnité versée au maître d’ouvrage, en fonction des responsabilités incombant à chaque constructeur qui a contribué à l’acte de construire. Elle offre la garantie supplémentaire d’être indemnisé, même si l’entreprise responsable des dommages a déposé le bilan ou cessé son activité» précise Stéphane Grandchamp. En copropriété, c’est le syndic qui dispose du contrat d’assurance dommages-ouvrage de l’immeuble. Il lui reviendra donc de réaliser la déclaration si les dommages affectent les parties communes de l’immeuble, même s’ils ont des conséquences dommageables sur les parties privatives. D’où l’utilité de signaler au syndic la moindre malfaçon. La déclaration de sinistre doit comporter certains éléments obligatoires : le numéro du contrat d’assurance ; le nom du propriétaire et l’adresse de la construction endommagée ; la date d’apparition, la description et la localisation des dommages ; la date de la réception ou, à défaut, celle de la première occupation des locaux ; la copie de la mise en demeure effectuée au titre de la garantie de parfait achèvement si la déclaration est effectuée pendant l’année qui suit la réception des travaux. Si la déclaration est incomplète, l’assureur dispose de dix jours (à compter de la réception de la déclaration) pour requérir les renseignements manquants. L’assureur peut notifier son offre d’indemnité ou son refus de garantie dans un délai de quinze jours (à compter de la déclaration complète de sinistre) si le dommage n’est pas justifié ou s’il est inférieur à 1 830 €. Au-delà de ce montant, un expert sera désigné. Il doit, dans les soixante jours à compter de la réception de la déclaration, adresser un rapport indiquant si la garantie est acquise ou non. Il constate et évalue les dégâts et dommages. L’assuré peut le récuser dans les huit jours. L’expert réalise deux rapports. Le premier précise les mesures conservatoires à mettre en œuvre pour empêcher l’aggravation des dommages et l’estimation du coût des travaux. A l’issue de ce rapport, l’assureur se prononce sur le droit à garantie et doit motiver son refus d’indemnisation. Le second indique les mesures définitives à prendre pour bénéficier de la réparation entière des malfaçons, ainsi que l’estimation de leur coût. L’assureur doit, dans les soixante jours au maximum après réception de la déclaration de sinistre, faire expertiser les dommages, communiquer le rapport de l’expert et préciser si l’assurance joue. Ce délai est de soixante-dix jours si l’expert a été récusé une fois, et quatre-vingt-dix jours s’il l’a été deux fois. Lorsque l’assuré accepte l’offre, l’assureur devra verser l’indemnité dans les quinze jours.
Pour aller plus loin ...
- BCT (Bureau central de tarification) : il peut être saisi par toute personne physique ou morale assujettie à une obligation d'assurance qui s'est vu refuser la garantie par une entreprise d'assurance dont les statuts n'interdisent pas la prise en charge de ce risque. www.bureaucentraldetarification.com.fr
- FFSA (Fédération française des sociétés d'assurances) : elle informe sur les assurances et participe à la promotion des actions de prévention. www.ffa-assurance.fr
- Service-public.fr : le site contient des modèles de documents afin de demander à son assureur la mise en oeuvre de son assurance dommages-ouvrage, et d'informer son assureur des réparations engagées à la suite d'une déclaration de sinistre.