Après une longue et lente descente aux enfers, l’îlot de logements des rues Jean Moinon, rue Sambre et Meuse et Sainte-Marthe, dans le Xe arrondissement de Paris, est en passe de devenir un exemple en matière d’administration judiciaire réussie. Le pari était pourtant loin d’être gagné initialement, tant ce bâti datant de la seconde moitié du XIXe siècle avait fini par se dégrader.
Par Paul TURENNE
Peu d’îlots de logements - tels que celui du quartier Jean Moinon - Sainte-Marthe dans le Xe arrondissement de Paris - sont passés par des phases si critiques avant de «renaître». Au final, pas moins de trois OPAH (cf. historique) auront été nécessaires pour venir à bout de cette rénovation en profondeur. La dernière aura été la plus longue et la plus coûteuse avec dix ans de travaux et plus de 22 millions d’euros, dont 19 de fonds publics.
La plupart des cinquante bâtiments composant l’îlot ont été préservés. Seuls sept immeubles, parmi les plus délabrés, ont été rachetés par la SIEMP, société immobilière d’économie mixte de la ville de Paris, pour être détruits et remplacés par des logements sociaux, dans le cadre d’une convention publique d’aménagement (CPA).
A l’origine de cette dégradation, une mauvaise gestion dans les années 80 et 90, associée à une structure juridique et foncière inappropriée :
- absence de répartition précise des dépenses d’eau, avec une dette cumulée de 600 000 euros ;
- pas de syndic, de conseil syndical, d’assemblée générale ;
- des syndicats secondaires spontanés, sans sécurité juridique ;
- pas de comptabilité tenue ;
Autre facteurs aggravants, les caractéristiques techniques particulières du bâti :
- absence de fondations pour certains immeubles ;
- non entretien des parties communes (réseaux, courettes, etc.) ;
- absence de raccordement au réseau d’évacuation des eaux usées pour certains immeubles ;
- insalubrité.
Vers une autonomie totale des copropriétés
Parallèlement à l’opération réussie de rénovation technique, des actions ont été entreprises pour donner à chacun des bâtiments son autonomie fonctionnelle. Objectif à terme : parvenir à une scission pour que les syndicats principaux deviennent sans objet et puissent disparaître. «Le travail de l’administrateur - très long et compliqué dans la mesure où il a fallu convaincre tout le monde - a été de faire voter aux assemblées générales de chacun des syndicats secondaires leur volonté de faire scission», précise René Bresson, opérateur dans le cadre de la mission d’administration provisoire.
Ces votes ont été acquis dans trois des quatre copropriétés où la situation est quasiment aboutie.
L’administrateur est désormais en phase finale de résolution du problème, en lien avec un notaire pour créer les règlements de copropriété finaux et permettre que chacune des copropriétés deviennent totalement autonomes. «Si jamais cela s’avérait trop difficile, nous n’excluons pas la possibilité d’une scission judiciaire sur la base d’un découpage parcellaire déjà réalisé avec un géomètre», souligne l’opérateur.
Au final, malgré les rénovations d’ampleur et une riche vie associative, l’ancienne cité ouvrière est restée populaire et n’a pas connu de phénomène de gentrification. Et pour cause, près de 60 % des logements ont une superficie inférieure à 25 m². Peu intéressant pour les investisseurs les plus aisés qui se risquent, par ailleurs, rarement à tabler sur un regroupement de lots voisins. Mais un “luxe” certain pour les ménages les plus modestes qui peuvent se loger pour 400 euros par mois en plein Paris dans des copropriétés saines à tout point de vue.
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