Personnage central et intemporel de la vie des immeubles, le gardien a bien failli disparaître avant que le gouvernement ne décide de dispositions plus favorables au maintien de la profession.
Le concierge en copropriété a fait l’objet d’une étude juridique dans le numéro de mai (IRC, n°578). Mais, en pratique, comment ces gardiens sont-ils recrutés et quel est vraiment leur rôle ? Voici une enquête terrain appuyée de quelques retours d’expérience d’employeurs et d’employés.
Photo : Visuel de la campagne des pouvoirs publics en faveur de la professionnalisation des métiers de concierges et gardiens d’immeubles Crédit DR
Un enjeu de taille
Entre 1998 et 2008, près de 2000 postes ont disparu en région parisienne, là où la profession de concierge est pourtant la plus représentée à l’échelle du territoire. Motif soulevé ? Le métier n’attire plus autant qu’avant. Face à la pénurie de gardiens, le gouvernement décide de réagir et professionnalise l’emploi en participant à la création, en novembre 2011, d’une école des gardiens, animé de la volonté de voir l’agent, porteur d’un véritable service à la personne.
«Le nombre de gardiens (46 450 en 2010) a chuté de 23% au cours des dix dernières années alors que le nombre de logements s’est accru. D’autre part, l’âge moyen des gardiens en activité s’élève. D’ici 2013, 25% des gardiens actuellement en activité partiront à la retraite», déclarait Benoist Apparu, secrétaire d’État en charge du logement dans le précédent gouvernement, à la presse lors de l’inauguration de cette école (IRC, n°570, p. 7).
Pour revaloriser le métier, le gouvernement a adopté aussi un certain nombre de mesures dont le lancement d’une campagne de communication en juin 2011 destinée à redorer le blason de la profession. En outre, depuis une loi publiée au Journal officiel le 23 mars 2012, les gardiens d’immeubles du parc HLM disposent d’un droit de priorité d’acquisition de même rang que celui des locataires quand un bailleur social propose un logement à la vente (IRC, n°579, p. 4). Avec l’entrée en vigueur de la loi Warsmann le 22 mars 2012 et selon les dispositions de l’article L. 31-10-3 du Code de la construction et de l’habitation, si les travaux conduisent à des économies d’énergie, les concierges qui rénovent leur loge peuvent bénéficier de l’Eco-prêt à taux zéro (Eco-PTZ) et des aides de l’Anah (Agence nationale de l’habitat) (IRC, n°572, p. 8).
Comment devient-on gardien ?
Une formation existe pour apprendre la profession de gardien d’immeuble. Un CAP (Certificat d’aptitude professionnelle) de gardien d’immeuble a été créé en 2010. La formation est dispensée dans différents Greta de France (pour en savoir plus : http://www.agissons.developpement-durable.gouv.fr). Le CAP se compose de périodes de formation théorique et de formation pratique par l’immersion en milieu professionnel et aujourd’hui 10% des gardiens d’immeuble possèdent le CAP.
Parallèlement à cette formation, le 7 novembre 2011, l’école Égérie a ouvert ses portes dans le XVème arrondissement de Paris, afin de former de futurs gardiens d’immeuble. C’est le cas de Jean Michel Garros, stagiaire de la première promotion sortante et qui a obtenu un poste de gardien à Marseille. «Issu professionnellement de l’univers hôtelier, je ne me destinais pas à cette profession. J’avais le projet de m’installer au Québec mais cela n’a pas fonctionné. A mon retour en France en 2011, j’ai découvert dans un article de presse le lancement d’une école pour devenir gardien. L’appel à candidature nécessitait d’être demandeur d’emploi ce qui était mon cas et d’obtenir auprès d’un futur employeur une promesse d’embauche en région parisienne. Ces conditions remplies, la formation était alors prise en charge. (…) Celle-ci inclut quatre mois de formation théorique et un stage de deux semaines en immersion» commente M. Garros. L’objectif de l’Ecole est d’offrir une seconde vie professionnelle à des personnes d’horizons professionnels très différents mais aussi de redorer le blason de la profession qui va bien au-delà du fait de savoir tenir un balai ou un chiffon. La première promotion a permis à huit élèves en reconversion professionnelle de se former au gardiennage. La seconde promotion va permettre à vingt nouveaux candidats de suivre, entre autres, des cours de secourisme, de gestion des risques sanitaires, de gestion des conflits ainsi qu´une formation informatique pour faciliter la communication entre les différents intervenants sur le bâtiment. «On apprend une manière d’être sur le terrain et le projet pédagogique mis en place est l’aboutissement d’une réflexion menée pendant sept ans auprès des copropriétés et des immeubles pour cerner quelles étaient leurs besoins» commente Lionel Lopes, directeur pédagogique de l’école.
Photo : Photo de famille de la promotion 2011 de l’école Égérie Crédit DR
Un métier en mutation
Les employeurs, syndicats de copropriétaires, constatent (voir à ce sujet l’étude de Caroline Jaffuel, IRC, n°578, p. 21) une évolution du métier de gardien d’immeuble qui tend vers davantage de tâches administratives et sociales tout en conservant les tâches traditionnelles liées à l’entretien général de l’immeuble. «Au cours de ces vingt dernières années, le métier de gardien est passé du stade d’agent d’entretien au stade d’acteur central qui gère, entretient et sécurise l’immeuble. (…) Il se tient disponible et à l’écoute du résident, il gère l’imprévu, donne l’alerte en cas d’absence prolongée et visiblement anormale d’une personne âgée, développe le lien social entre les résidents en organisant les évènements du type arbre de noël, fête des voisins…» détaille Lionel Lopes.
En effet, les compétences du gardien se sont accrues et élargies. «Avec l’utilisation d’Internet, de la vidéosurveillance, de la messagerie électronique pour communiquer avec les syndics, mais aussi le maniement des détecteurs de fumées, des défibrillateurs et l’entretien des digicodes ou encore la participation aux petits travaux de maintenance, le gardien accompagne les prestataires extérieurs qui interviennent sur place et est aux yeux des résidents un référent» confirme Olivier Lacazin, syndic et directeur de l’agence Foncia Vieux Port, à Marseille.
A qui profitent les gardiens ?
La question du service rendu et de son coût reste centrale. “Concierge“ du latin “convervius“ signifie “avec service“. Mais justement, combien, le copropriétaire est-il prêt à mettre pour obtenir que lui soit rendu un certain nombre de services ? Comment savoir que l’appel à un prestataire extérieur ne sera pas moins onéreux par exemple ?
«Il faut tout d’abord savoir sur combien de lots ce coût est amorti. Il est certain que pour une centaine de lots, le coût d’un couple de gardien ou d’une personne seule avec entreprise est plus compétitif à l’embauche que celui d’une externalisation totale» comment Sébastien Lloret responsable du service clients Loiselet et Daigremont.
«En outre, avec un gardien salarié de la résidence, il y a une souplesse de fonctionnement qui n’existe pas avec une société prestataire. Mais cette souplesse suppose d’une part, que le gardien soit suffisamment encadré, et d’autre part, que le titulaire du poste soit suffisamment autonome. En effet, l’autonomie et l’esprit de responsabilité sont des qualités indispensables qu’il faut évaluer chez les candidats au moment du recrutement pour un poste de gardien. Le cœur du problème est dans le rapport entre le coût du gardien et le service rendu. La question n’est donc pas de dire “comment faire pour que le gardiennage coûte moins”, mais “comment faire pour que le gardien rende enfin un bouquet de services qui va donner aux résidents le sentiment qu’ils ont un réel retour sur leur investissement”» ajoute Sébastien Lloret.
Le coût de revient du poste est donc bien une question central. Le copropriétaire saturé par les charges a de plus en plus de mal à comprendre de manière concrète ce que le poste de gardien représente, exceptée une charge pour son portefeuille. «Tout l’enjeu réside dans notre capacité en tant que professionnels œuvrant pour la revalorisation de ce métier à démontrer que la gardien génère de manière directe et indirecte une forte valeur ajoutée sur la résidence donc sur le bien du copropriétaire» commente Lionel Lopes, directeur général délégué de l’organisme de formation At Patrimoine.
Cet avis est partagé par Philippe Larrue, président d’un conseil syndical d’une copropriété de plus de soixante lots, en région lyonnaise. Il reconnait volontiers que les enjeux concernant le poste de gardien ne sont pas toujours bien compris par l’ensemble des copropriétaires (voir entretien ). A prestations égales, les copropriétaires comparent le coût immédiat occasionné par un gardien avec celui engendré par l’appel à une société prestataires de services. Or, selon le cahier des charges confié, (le ménage et l’entretien des espaces verts reste des prestations très onéreuses lorsqu’on les externalise), le gardien justifie son coût par une présence constante sur la copropriété, par de la réactivité. Il s’agit d’un véritable métier de service contrairement aux prestations minimales (entretien, sortie des poubelles) réalisées par des prestataires extérieurs.
Lorsque les contextes sociaux sont difficiles, les gardiens deviennent les garants de la bonne marche de la vie en communauté. Ils sont un relais à la fois pour les copropriétaires mais aussi pour le syndic, qui sur place, pourra faire appel à eux. «L’occupation des postes de gardiens d’immeuble a une durée de vie relativement longue et lorsque la copropriété est satisfaite de son concierge, elle fera tout pour le garder sans craindre d’y mettre le prix car la relation de confiance ainsi établie prend le dessus» explique Olivier Lacazin.
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Qui sont les gardiens d’immeuble ?
Effectif 2010 : 46 450 gardiens, dont 85 % de femmes
Moyenne d’âge : 48,5 ans
Formation : certificat d’aptitude professionnelle (CAP) de gardien d’immeuble depuis 2010
Compétences : grande expérience et adaptabilité quotidienne
Coût annuel : 30 000 euros en moyenne pour une copropriété
Logement : un logement de fonction au sein de la résidence et une loge facultative
Source : Ministère de l’écologie, du développement durable et de l’écologie, février 2012.
Témoignage : «Rien ne pourra remplacer la proximité d’un gardien»
Philippe Larrue, président du conseil syndical de la résidence “Les Jardins de Justine“, copropriété de 64 lots neufs, en région lyonnaise, revient sur le contexte dans lequel, la décision du gardiennage a été collectivement, prise.
Crédit DR
La décision de faire appel à un gardien a-t-elle suscité le débat au sein de la copropriété ?
Le document du promoteur annonçant les journées portes ouvertes en 2004 pour lancer la vente du programme les Jardins de Justine précisait à deux reprises que le programme était doté d’une maison de gardien en particulier dans un chapitre ayant trait à la sécurité de la résidence au même titre que les portes palières blindées, les alarmes, le contrôle d’accès..... Lors de la première assemblée générale, un débat a eu lieu pour ou contre, un gardien dans la résidence. Une large majorité des propriétaires résidents a voté pour la présence d’un gardien, et ne comprenait pas le débat instauré d’autant qu’aucune étude technico-économique sur une sous traitance des activités, n’avait pu être menée. Dans notre cas, le promoteur a usé de l’argument du gardien, ou plus subtilement de la maison du gardien, dans le contexte plus général, de recherche de conditions de sécurité maximale.
Sur quels critères vous êtes-vous basés pour son recrutement? Quelles étaient vos exigences et a t’il suivi une formation particulière ?
Les critères de choix ont porté essentiellement sur l’expérience professionnelle dans le domaine et en particulier sur l’entretien des espaces verts, en effet la résidence possède un 1 ha à entretenir, ainsi que sur l’entretien de la piscine, sur l’aspect relationnel, sur l’organisation du travail, sur la motivation à ce type d’emploi, sur la capacité à travailler en relative autonomie et à prendre des initiatives en accord avec le syndic.
Quels sont pour vous les avantages d’avoir fait appel à un gardien ?
Rien ne pourra remplacer la proximité d’un gardien, la rapidité de son intervention, les services apportés et les relations qu’il peut établir avec les résidents. La difficulté principale étant de trouver la juste distance dans ses relations avec les résidents. Un des axes d’amélioration pourrait porter sur une plus grande professionnalisation en particulier sur les petits travaux journaliers, et son rôle social. Un moyen pour valoriser cette profession pourrait consister à proposer un dispositif de formation sur le métier sous forme d’académie traitant à la fois des savoir-faire et des savoir-être.
Pour aller plus loin
Est paru récemment, un “Portrait statistique commenté“ de la branche professionnelle des gardiens, concierges et employés d’immeubles. Réalisé par le cabinet Ambroise Bouteille et associés à la demande de l’Agefos, organisme de financement de la formation professionnelle, ce rapport de 130 pages, a été publié fin janvier 2012. Il est consultable sur le site http://www.agefos-pme.com/site-national/actualites.