[N° 578] - Maîtrise des charges d’eau : Enjeux et solutions - Entretien : «Le bien fondé de l’information régulière d’une famille n’est plus à démontrer»

par Paul TURENNE
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Entretien : «Le bien fondé de l’information régulière d’une famille n’est plus à démontrer»

Jean-Philippe Platt, responsable marketing métiers de l’eau chez Ista-Cis

Le comptage de l’eau est aujourd’hui rentré dans les mœurs ?
Aussi surprenant que cela puisse paraître aujourd’hui, la démarche de comptage n’était pas du tout généralisée jusqu’au début des années 70 et la répartition de la facture globale se faisait uniquement en fonction de la surface des logements. Il a fallu attendre 1974 et les effets de la crise pétrolière pour que le comptage de l’eau chaude soit rendu obligatoire. L’arrivée des compteurs d’eau dans le logement collectif a alors permis de responsabiliser l’usager quant à sa consommation.
Il faut dire que les enjeux économiques sont loin d’être négligeables pour les foyers, puisque la consommation d’eau représente en moyenne 300 € pour l’eau chaude, et 300 € pour l’eau froide, même si la consommation de cette dernière est quasiment le double de celle de l’eau chaude. Or, un compteur d’eau, qui équivaut à 4 ou 5 m3 par an en terme de coût, va entraîner dans le même temps des économies moyennes d’une bonne vingtaine de m3. L’incidence positive sur la facture globale est donc claire.

Quelles sont les sources de blocage encore constatées ?
Le principal frein au déploiement des solutions de comptage est le sentiment parfois perçu par le gestionnaire d’une complication de sa gestion, avec l’introduction de données variables. Il lui apparaît en effet plus simple de gérer une facture globale, plutôt que la répartition des charges en fonction de la consommation individuelle. Le déploiement du comptage individuel dans le collectif a ainsi été ralenti par la nécessité pour les opérateurs de rentrer chez les copropriétaires pour relever les compteurs. En dépit d’un travail de relevés sérieux, on constatait fréquemment un taux d’échec de l’ordre de 15 à 20%, ce qui nécessitait des solutions de forfaitisation, d’estimation de consommation, avec des erreurs sources de contestation. De plus en plus, notamment  avec la prise de conscience environnementale, des solutions d’économies de plus en plus sophistiquées se mettent en place.

Quel a été l’apport de la technologie ?
A la fin des années 80, on a commencé à voir apparaître des compteurs télé-relevés qui nécessitaient la mise en place de câbles et de fils pour récupérer les données sur le palier. Cette contrainte technologique était relativement insurmontable car cela provoquait plus de problèmes que cela n’en résolvait.
A la fin des années 90, la technologie radio a commencé à se démocratiser. Puis les compteurs ont profité de l’évolution technologique de l’électronique et de la communication, avec l’apparition, à partir du début des années 2000, de solutions tout à fait fiables.
Le premier avantage a été de s’affranchir de l’obligation de pénétrer dans les logements, réduisant ainsi les estimations et donc les aléas dans la répartition. Ensuite, nous nous sommes aperçus qu’en multipliant le nombre de relevés et en organisant l’information des usagers avant la répartition finale, on pouvait arriver à une importante baisse de la consommation.

Comment y parvenez-vous techniquement parlant ?
Il est désormais possible de récupérer automatiquement les données sur un terminal, sans qu’un technicien n’ait à se déplacer. Il s’agit de solutions avec des concentrateurs et une carte Sim. Les informations sont ensuite transmises via le réseau téléphonique à des serveurs. Les informations sont ainsi traitées quasiment en temps réel. Depuis 2008, 2009, de nouveaux services de surveillance de biens et de consommation ont ainsi pu se développer, avec des systèmes d’alertes, par exemple en cas de consommation élevée continue.

Les relevés sont donc très affinés ?
Oui. Les compteurs télé-relevés permettent un maillage particulièrement performant, avec des échéances de relevés rapprochées, ce qui permet d’éviter les dérives de consommation. Avant, les compteurs se relevaient une ou deux fois par an, désormais le rythme est mensuel.
Actuellement, la consommation moyenne est de 120m3 par an et par foyer, soit une consommation de 10m3 par mois. Si l’on compte 3 ou 4 € par m3 d’eau froide, et 8 € pour l’eau chaude, les dépenses d’un foyer sont donc de l’ordre de 50 €. Or, une grosse fuite avec une chasse d’eau, par exemple, va représenter 20 m3 par mois, soit une soixantaine d’euros. A ce niveau, cela vaut la peine de prévenir l’utilisateur, avec éventuellement un service de maintenance. Le tout est de trouver le bon niveau à partir duquel mettre en place un seuil d’alerte.
Enfin, jusqu’à présent, le distributeur d’eau facturait son eau en fonction des données figurant sur le compteur général et le syndic facturait l’eau en fonction de nos relevés effectués dans les appartements. Mais personne ne faisait le lien entre les deux systèmes de comptage. La réduction des écarts entre les compteurs généraux et divisionnaires permet de réduire considérablement les pertes d’eau dans les parties communes.

Ce genre de services n’est-il pas trop lourd à mettre en place ?
Il apparaît que les bailleurs sociaux sont un peu plus rapides à s’emparer des innovations. Les gestionnaires privés peuvent être innovants mais il faut qu’ils soient suivis par les copropriétaires ce qui ralentit la prise de décision. Qui plus est, les régulations de charge mensuelles sont encore souvent jugées trop lourdes par les gestionnaires privés qui préfèrent des appels de charge trimestriels et des régularisations annuelles. Pour eux, cela passe plutôt par la sensibilisation avec, par exemple, des affichages dans les halls d’immeuble.

Quels sont les autres enjeux à venir ?
150 000 logements passent le cap des 50 ans. Ce sont donc autant de tuyaux et de réseaux qui vieillissent. Il faut d’ailleurs noter que les règlements sanitaires départementaux imposent aux copropriétés de surveiller et d’entretenir leurs réseaux. Or, bon nombre de copropriétés ne savent pas comment s’y prendre et se retrouvent très démunies après un dégât des eaux, par exemple, pour prouver aux assureurs qu’elles ont bien pris un certain nombre de dispositions pour s’en prémunir.

* Ista-Cis est une société de services de comptage pour la maîtrise de l’énergie et de l’eau.