Tout à la fois enjeu écologique et économique, la maîtrise de la consommation d’eau en copropriété est plus que jamais primordiale. Surveillance des fuites, recyclage ou bon comptage… les réponses sont multiples.
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La présence de compteurs individuels pour l’eau froide n’est obligatoire que pour les copropriétés dont la demande de permis de construire est postérieure au 1er novembre 2007. Cependant, depuis la loi SRU du 13 décembre 2000, la pose de compteurs d’eau froide ne doit plus se voter qu’à la majorité de l’article 25 de la loi de 1965. Une façon de faciliter la prise de décision et ainsi de faire en sorte que la très grande majorité des copropriétés anciennes non équipées optent pour l’individualisation des charges d’eau froide.
En ce qui concerne l’eau chaude, la question ne se pose pas puisqu’en cas de production d’eau chaude collective, la pose de compteurs individuels est obligatoire, sauf en cas de présence de plus de deux colonnes d’eau par logement.
Attention à l’usure !
Impuretés dans l’eau, entartrage, forte pression dans le réseau, périodes prolongées de non-utilisation, ou tout simplement usure des pièces mécaniques… Nombreuses sont les raisons qui finissent par entraîner un sous-comptage sur les compteurs les plus anciens. Un compteur de classe C, plus précis et doté d’une meilleure fiabilité qu’un compteur de classe A ou B possède ainsi une durée de vie de douze ans en moyenne pour l’eau chaude sanitaire, et de quinze ans environ pour l’eau froide, en fonction de son utilisation. Ainsi, il convient en premier lieu de vérifier l’année de fabrication qui est donnée par les deux premiers chiffres du numéro du compteur. Par exemple, si le numéro commence par 08, cela signifie que le compteur a été fabriqué en 2008. Au delà de quinze ans, mieux vaut effectuer un test simple. Après avoir coupé toutes les sources de consommation d’eau, il suffit de remplir un seau d’une contenance connue, puis de vérifier si le nombre de litres consommés correspond sur le compteur. En cas de différence importante, mieux vaut agir sans tarder car le sous-comptage peut avoir plusieurs conséquences insidieuses et néfastes pour les copropriétaires.
A commencer par des comportements de gaspillage, car les habitants vont avoir l’illusion de peu consommer et ne vont donc pas être incités à réaliser des économies. D’autre part, les charges collectives vont très vite augmenter. En effet, si chacun paye moins que ce qu’il consomme réellement, la différence entre la consommation globale facturée à la copropriété par l’exploitant et la somme des consommations individuelles, va être transférée en charges communes. Cette différence appelée «delta» () peut pourtant être contrôlée facilement. Il suffit pour cela de faire en sorte que le compteur général soit relevé en même temps que les compteurs divisionnaires. Au delà de 5% d’écart, ou en cas de fortes variations, il y aura lieu de s’interroger sur les causes : absence de relevés corrects, fraude, compteurs vieillissants, voire fuite.
Agir sur la consommation d’eau
Au-delà du comptage, la réalisation d’économies passe aussi par une consommation moindre d’eau provenant du réseau. Quelle logique y a-t-il en effet à utiliser une eau de plus en plus chère, notamment du fait des traitements qu’elle a subis, pour arroser des espaces verts ou pour les chasses d’eau ? La récupération de l’eau de pluie, si elle n’est pas forcément évidente à mettre en œuvre, permet cependant de réaliser des économies très importantes, dès lors qu’elle a été bien pensée.
La toiture inclinée d’un immeuble en matériau lisse permettra de récupérer la quantité la plus importante, sachant que les pertes peuvent être de 30% pour les gravillons et de plus de moitié en moyenne pour une toiture végétalisée. Cette eau va ensuite devoir être stockée. Plusieurs possibilités s’offrent alors. Première option, le réservoir situé au dessus du dernier étage va alimenter tous les WC par gravité, sans que cela entraîne la moindre consommation d’énergie. Reste que cette solution ne peut parfois pas être mise en œuvre du fait de la configuration des lieux.
La deuxième solution est de la stocker en sous-sol. L’installation d’une pompe ou d’un sur-presseur sera alors indispensable, ce qui va entraîner une consommation d’électricité supplémentaire. Par ailleurs, un appoint d’eau potable devra être permis via une connexion des deux réseaux nécessitant l’utilisation d’un disconnecteur ou d’une vanne trois voies, pour éviter toute «contamination».
Dernière solution, un stockage en citernes. L’eau y sera conservée à l’abri de la lumière et à une température constante d’environ 12°C pour éviter le développement de micro-organismes. Outre l’opération de terrassement que cet aménagement nécessite à la base, des systèmes de filtration devront être placés en amont afin d’éliminer les débris venant des toitures, mais aussi en aval pour limiter les matières en suspension.
Toutefois, qu’il y ait ou non récupération d’eau de pluie, il restera toujours possible de diminuer la consommation par l’installation systématique de chasses d’eau à double flux, de mitigeurs thermostatiques ou de brise-jets limiteurs de débit.
Paul TURENNE
Un nouveau compteur volumétrique
Petit et intelligent !
C’est le dernier de chez Techem, leader européen du comptage individuel.
Comme tous les compteurs de classe R160, ce compteur a l’avantage de compter de manière précise les gouttes à gouttes et autres fuites. Le module radio est totalement intégré au compteur sans antenne supplémentaire. Sa forme très compacte facilite les travaux de pose, notamment dans le cadre du remplacement d’un ancien compteur relevé manuellement. Grâce à son intelligence embarquée, le compteur enregistre les consommations et restitue les historiques. Le jour de relevé peut être réalisé tous les ans à la même date (ex : 31 décembre). Seul bémol : son prix sur le modèle eau chaude.
Les différents types de compteurs et les solutions existantes en matière de radio et télé-relevé : IRC n° 567.
Les règles pour un bon contrat d’entretien
L’obligation de relever la totalité des compteurs sur la même période pourra tout à fait être mentionnée dans le contrat souscrit avec la société chargée du comptage. Idem pour ce qui concerne l’obligation de parvenir à un taux de relevés d’au moins 90%, alors que dans certaines copropriétés 30 à 40% des compteurs ne sont pas relevés. Pour y parvenir, il est possible de faire appliquer des forfaits dissuasifs en assemblées générales, en fixant un nombre de m3 forfaitaire applicable aux copropriétaires absents, à la majorité de l’article 24 de la loi de 1965.
Par ailleurs, mieux vaut fixer contractuellement le remplacement périodique des compteurs, tous les 15 ans au moins, voire avant pour des compteurs de type A ou B. Et bien sûr vérifier qu’il s’agit de compteurs neufs et non pas révisés.
Concernant le coût des relevés, l’Association des responsables de copropriété (ARC) les estime, en ce qui concerne les relevés manuels à :
• 4 à 6 € HT par compteur pour quatre relevés
• 3 à 4 € pour deux relevés
• 1,5 à 3 € pour un relevé, sachant que, pour des relevés radio, le coût est environ divisé par deux.
Enfin, il est vivement recommandé de faire installer des clapets anti-retour, afin d’éviter que dans certains cas les compteurs ne tournent en sens inverse.
Entretien : «Le bien fondé de l’information régulière d’une famille n’est plus à démontrer»
Jean-Philippe Platt, responsable marketing métiers de l’eau chez Ista-Cis
Le comptage de l’eau est aujourd’hui rentré dans les mœurs ?
Aussi surprenant que cela puisse paraître aujourd’hui, la démarche de comptage n’était pas du tout généralisée jusqu’au début des années 70 et la répartition de la facture globale se faisait uniquement en fonction de la surface des logements. Il a fallu attendre 1974 et les effets de la crise pétrolière pour que le comptage de l’eau chaude soit rendu obligatoire. L’arrivée des compteurs d’eau dans le logement collectif a alors permis de responsabiliser l’usager quant à sa consommation.
Il faut dire que les enjeux économiques sont loin d’être négligeables pour les foyers, puisque la consommation d’eau représente en moyenne 300 € pour l’eau chaude, et 300 € pour l’eau froide, même si la consommation de cette dernière est quasiment le double de celle de l’eau chaude. Or, un compteur d’eau, qui équivaut à 4 ou 5 m3 par an en terme de coût, va entraîner dans le même temps des économies moyennes d’une bonne vingtaine de m3. L’incidence positive sur la facture globale est donc claire.
Quelles sont les sources de blocage encore constatées ?
Le principal frein au déploiement des solutions de comptage est le sentiment parfois perçu par le gestionnaire d’une complication de sa gestion, avec l’introduction de données variables. Il lui apparaît en effet plus simple de gérer une facture globale, plutôt que la répartition des charges en fonction de la consommation individuelle. Le déploiement du comptage individuel dans le collectif a ainsi été ralenti par la nécessité pour les opérateurs de rentrer chez les copropriétaires pour relever les compteurs. En dépit d’un travail de relevés sérieux, on constatait fréquemment un taux d’échec de l’ordre de 15 à 20%, ce qui nécessitait des solutions de forfaitisation, d’estimation de consommation, avec des erreurs sources de contestation. De plus en plus, notamment avec la prise de conscience environnementale, des solutions d’économies de plus en plus sophistiquées se mettent en place.
Quel a été l’apport de la technologie ?
A la fin des années 80, on a commencé à voir apparaître des compteurs télé-relevés qui nécessitaient la mise en place de câbles et de fils pour récupérer les données sur le palier. Cette contrainte technologique était relativement insurmontable car cela provoquait plus de problèmes que cela n’en résolvait.
A la fin des années 90, la technologie radio a commencé à se démocratiser. Puis les compteurs ont profité de l’évolution technologique de l’électronique et de la communication, avec l’apparition, à partir du début des années 2000, de solutions tout à fait fiables.
Le premier avantage a été de s’affranchir de l’obligation de pénétrer dans les logements, réduisant ainsi les estimations et donc les aléas dans la répartition. Ensuite, nous nous sommes aperçus qu’en multipliant le nombre de relevés et en organisant l’information des usagers avant la répartition finale, on pouvait arriver à une importante baisse de la consommation.
Comment y parvenez-vous techniquement parlant ?
Il est désormais possible de récupérer automatiquement les données sur un terminal, sans qu’un technicien n’ait à se déplacer. Il s’agit de solutions avec des concentrateurs et une carte Sim. Les informations sont ensuite transmises via le réseau téléphonique à des serveurs. Les informations sont ainsi traitées quasiment en temps réel. Depuis 2008, 2009, de nouveaux services de surveillance de biens et de consommation ont ainsi pu se développer, avec des systèmes d’alertes, par exemple en cas de consommation élevée continue.
Les relevés sont donc très affinés ?
Oui. Les compteurs télé-relevés permettent un maillage particulièrement performant, avec des échéances de relevés rapprochées, ce qui permet d’éviter les dérives de consommation. Avant, les compteurs se relevaient une ou deux fois par an, désormais le rythme est mensuel.
Actuellement, la consommation moyenne est de 120m3 par an et par foyer, soit une consommation de 10m3 par mois. Si l’on compte 3 ou 4 € par m3 d’eau froide, et 8 € pour l’eau chaude, les dépenses d’un foyer sont donc de l’ordre de 50 €. Or, une grosse fuite avec une chasse d’eau, par exemple, va représenter 20 m3 par mois, soit une soixantaine d’euros. A ce niveau, cela vaut la peine de prévenir l’utilisateur, avec éventuellement un service de maintenance. Le tout est de trouver le bon niveau à partir duquel mettre en place un seuil d’alerte.
Enfin, jusqu’à présent, le distributeur d’eau facturait son eau en fonction des données figurant sur le compteur général et le syndic facturait l’eau en fonction de nos relevés effectués dans les appartements. Mais personne ne faisait le lien entre les deux systèmes de comptage. La réduction des écarts entre les compteurs généraux et divisionnaires permet de réduire considérablement les pertes d’eau dans les parties communes.
Ce genre de services n’est-il pas trop lourd à mettre en place ?
Il apparaît que les bailleurs sociaux sont un peu plus rapides à s’emparer des innovations. Les gestionnaires privés peuvent être innovants mais il faut qu’ils soient suivis par les copropriétaires ce qui ralentit la prise de décision. Qui plus est, les régulations de charge mensuelles sont encore souvent jugées trop lourdes par les gestionnaires privés qui préfèrent des appels de charge trimestriels et des régularisations annuelles. Pour eux, cela passe plutôt par la sensibilisation avec, par exemple, des affichages dans les halls d’immeuble.
Quels sont les autres enjeux à venir ?
150 000 logements passent le cap des 50 ans. Ce sont donc autant de tuyaux et de réseaux qui vieillissent. Il faut d’ailleurs noter que les règlements sanitaires départementaux imposent aux copropriétés de surveiller et d’entretenir leurs réseaux. Or, bon nombre de copropriétés ne savent pas comment s’y prendre et se retrouvent très démunies après un dégât des eaux, par exemple, pour prouver aux assureurs qu’elles ont bien pris un certain nombre de dispositions pour s’en prémunir.
* Ista-Cis est une société de services de comptage pour la maîtrise de l’énergie et de l’eau.