La crise des prix de l’énergie sera-t-elle l’occasion d’avancer vers davantage de sobriété énergétique ?
Si la question n’est pas encore, en tant que telle, dans tous les esprits, l’approvisionnement en énergie des copropriétés commence à interroger sérieusement.
15% de hausse des prix de l’électricité en février 2023 et du gaz en janvier 2023.
C’est l’annonce faite aux Français le 14 septembre par Elisabeth Borne, Première ministre. La hausse moyenne des factures sera ainsi de l’ordre de 25 euros par mois pour les ménages qui se chauffent au gaz, au lieu d’environ 200 euros par mois sans bouclier tarifaire. Et à une hausse moyenne de 20 euros par mois pour les ménages qui se chauffent à l’électricité, au lieu de 180 euros par mois sans bouclier tarifaire.
Bouclier tarifaire limité
Cette limitation de la hausse des prix ne concerne que les contrats de fourniture d’énergie au tarif réglementé du gaz naturel ou de l’électricité, ou bien ceux indexés sur celui-ci. Pour faire face à la flambée des prix de l’énergie depuis 2021, le gouvernement a, en effet, dans le cadre de ces tarifs, mis en place une mesure de protection des consommateurs, le bouclier tarifaire, qui sera donc modifié en 2023. D’ici là, les augmentations du tarif de vente du gaz naturel, après l’augmentation du 1er octobre 2021 de + 12,6 %, sont gelées et la hausse du tarif réglementé de vente de l’électricité est plafonnée à 4 %. Si elles respectent l’une des deux conditions citées plus haut, les copropriétés, quelle que soit leur taille, sont concernées.
En revanche, si la copropriété a contracté à un prix indexé sur les marchés ou avec un autre type d’évolution, l’augmentation du gaz et de l’électricité avoisine le «fois 4 ou 5», estime Maxime Scheffler, chargé de mission énergétique chez Amorce. La seule solution est de revenir, à l’échéance du contrat, vers les tarifs réglementés… possibilité ouverte jusqu’au 30 juin 2023, date à laquelle ceux-ci seront supprimés. Et de lancer des travaux de rénovation énergétique.
Une prise de conscience…
L’augmentation des prix de l’énergie génère, dans les copropriétés, une certaine «prise de conscience sur la nécessité de réaliser ces travaux», estime David Rodriguez, juriste à la CLCV. Alors même que, jusqu’à encore peu, la performance énergétique était loin de mobiliser, les propriétaires occupants réalisent que la valeur verte de leur logement, à savoir l’augmentation de sa valeur grâce à une meilleure performance énergétique et environnementale que celle d’un autre logement identique, pourra se négocier sur le marché immobilier. Quant aux propriétaires bailleurs, les récentes mesures – gel des loyers des logements étiquetés F ou G, interdiction progressive de mise en location des logements classés G, F et E respectivement en 2025, 2028 et 2034 – les secouent quelque peu.
«Le discours des pouvoirs publics sur la sobriété est audible quand il porte sur le comportemental», constate David Rodrigues. Un constat confirmé par une étude réalisée par l’institut IFOP pour EFFY entre le 7 et le 9 septembre 2022 auprès d’un échantillon de 1 006 Français âgés de 18 ans et plus. Selon ce sondage, les Français envisagent des efforts et des solutions de court terme : 74 % baisseront le chauffage, 64 % se priveront sur d’autres postes. Maxime Scheffler liste les actions de court terme : réduire la période de chauffe (- 15 % en ne chauffant que du 15 octobre au 15 avril), diminuer la température de 1° C (- 7 % sur la facture) ou installer une horloge pour baisser la température la nuit (- 7 % sur la consommation). «Les syndics pousseront ce message de baisser la température, explique Géraud Délvolvé, délégué général de l’UNIS, mais le climat délétère au sein des copropriétés rend parfois difficile de contrer un conseil syndical qui veut du chauffage». Il ajoute que «les clauses figurant dans les contrats des exploitants énergétiques ou dans les règlements de copropriété peuvent empêcher cette adaptation».
Le conseil syndical et son président peuvent promouvoir au sein de la copropriété un «ambassadeur des bons gestes» en vue d’inviter les autres occupants à purger régulièrement leurs radiateurs, à poser et utiliser des robinets thermostatiques, à supprimer les coffrages autour des émetteurs de chaleur et à baisser la température lors de l’aération du logement ou en cas d’absence.
«L’inquiétude sur les impayés grandit dans les copropriétés», alerte Géraud Delvolvé, se référant à un sondage réalisé auprès des adhérents de l’UNIS en juin 2022. Plus d’un tiers des cent-vingt syndics répondants notent des «problèmes temporaires liés à l’augmentation des coûts de chauffage» et 10 % se disent très inquiets. Malgré les appels de fonds exceptionnels, les niveaux de trésorerie atteindraient ainsi des montants très faibles. C’est que, quand elle s’applique, la procédure du bouclier tarifaire «manque de fluidité» et la compensation versée en raison de la hausse des prix sera «au mieux encaissée au premier trimestre 2023», indique-t-il. L’UNIS fait valoir, en outre, que la formule de calcul ne couvre pas la totalité de la hausse à compenser, que 10 % du parc consommant de l’électricité collective (plancher chauffant notamment) doit encore être intégré au mécanisme et qu’il revient au syndic d’une copropriété chauffée en collectif de donner à l’énergéticien le pourcentage de lots résidentiels, les bureaux et les commerces en étant exclus.
«Dans les copropriétés à tarif non réglementé, des appels de fonds ont été organisés avec l’accord du conseil syndical pour pallier les insuffisances de trésorerie», témoigne David Rodrigues. Le vote du prochain budget prévisionnel sera déterminant.
Rénovation énergétique compliquée
Dans ces conditions, la rénovation énergétique devrait avoir le vent en poupe ! Pourtant, selon le sondage cité plus haut, seuls 10 % des personnes interrogées envisagent de lancer de tels travaux. David Rodrigues se dit «désabusé». D’abord, en raison de la temporalité de la copropriété inscrite dans «un temps long». Il énumère : «l’investissement du conseil syndical, l’information des copropriétaires, trois ou quatre assemblées générales, la mise en concurrence des entreprises, le budget à affiner, les travaux en tant que tels …».
Ainsi ce n’est pas en trois ans que des travaux non réalisés en quinze ans (le premier Grenelle datant de 2009) seront effectués. Selon le juriste, la situation est «concrètement plus compliquée». Les audits énergétiques ne sont pas réalisés et leur entrée en vigueur obligatoire préalablement à la mise en vente de maisons ou d’immeubles classés F ou G a été reportée au 1er avril 2023, le diagnostic technique global (DTG) est encore dans les limbes et le plan pluriannuel de travaux, dans le meilleur des cas, reste une perspective lointaine … non contraignante. En outre, de tels travaux représentent un coût significatif.
Même si les aides de l’État – MaPrimeRénov’ Copropriété, MaPrimeRénov’ et les CEE [cf. n° 677] – couvrent une partie du coût des travaux, «le reste à charge pour un ménage est de l’ordre de 20 %», estime Maxime Scheffler. Reste l’éco-prêt à taux zéro.
Mais conclut David Rodrigues, «ça coince pour des raisons financières ou pour les primo-accédants déjà très endettés».