La loi de 2018 et l’ordonnance du 30 octobre 2019 consacrent et éclaircissent la notion de lot transitoire.
Quel est l’impact de ces mesures sur la pratique rédactionnelle des notaires ?
Sébastien Maurette :
«Il s’agit d’un très bel outil juridique inséré à l’article 1er de la loi du 10 juillet 1965 permettant d’anticiper une construction future en déterminant, dès l’établissement du règlement de copropriété, le gabarit de la construction à venir, de telle manière que le propriétaire de ce lot transitoire n’aura pas à convoquer une assemblée générale des copropriétaires statuant à la majorité de l’article 25 b) de la loi de 1965 pour l’autoriser à réaliser lesdits travaux portant nécessairement sur l’aspect extérieur de la copropriété.
Pour autant, la rédaction de la définition du lot transitoire nécessite de connaître suffisamment la consistance de ce droit à construire en le définissant par exemple de la manière suivante :
«Ce lot est constitué :
- du droit d’utiliser une superficie de +++ mètres carrés au sol, telle que désignée au plan sous teinte +++, correspondant à l’emplacement et à l’emprise d’un demi-chalet en duplex avec balcons à édifier sur la dalle des parkings des lots +++ ;
- du droit de construire à l’emplacement ci-dessus défini un demi-chalet en duplex de +++ sur les deux niveaux, dont le gabarit est également défini au plan annexé (à voir pour une côte NGF).
(Avec les tantièmes généraux).
(Et les tantièmes spéciaux).»
La définition du lot transitoire dans un règlement de copropriété sera prévue à la majorité de l’article 24, s’agissant d’une adaptation du règlement de copropriété rendue possible par les dispositions législatives. Pour autant, la création d’un lot transitoire nécessairement extrait des parties communes, va nécessiter la majorité de l’Article 26.
Et, dès lors que les travaux seront réalisés, ce lot transitoire aura vocation à disparaître et il faudra alors modifier l’affectation du lot et les tantièmes généraux y attachés. S’agissant de la modification des charges générales de l’alinéa 2 de l’article 10 de la loi du 10 juillet 1965, cela nécessitera l’unanimité. Ainsi, il est préférable de prévoir, dès la création du lot transitoire, une définition du lot définitif comportant en partie privative la désignation du lot après réalisation des travaux et les tantièmes généraux calculés selon les coefficients de pondération du règlement de copropriété. En prévoyant par avance ce lot définitif, il sera possible de rester sur la même majorité de l’article 26 en évitant ainsi l’unanimité pour la modification des tantièmes généraux : «lorsque des travaux ou des actes d’acquisition ou de disposition sont décidés par l’assemblée générale statuant à la majorité exigée par la loi, la modification de la répartition des charges ainsi rendue nécessaire peut être décidée par l’assemblée générale statuant à la même majorité» (article 11 de la loi du 10 juillet 1965).»
Eliane Frémeaux :
«Les notaires se sont beaucoup penchés sur le lot transitoire et avaient déjà fait évoluer en pratique, sa consistance. L’article 1. I, alinéa 2, de loi de 65 est désormais le guide ; la «consistance du lot transitoire» résulte de l’addition de «la partie privative constituée d’un droit de construire précisément défini quant aux constructions qu’il permet de réaliser et d’une quote-part de parties communes correspondante». En pratique, il convient de déterminer la consistance des deux éléments. D’une part, la partie privative constituée du droit de construire «précisément défini» : ce qui conduit à s’interroger sur le degré de précision à donner aux constructions. Le problème est de trouver la bonne mesure. Il peut être suggéré d’indiquer les caractéristiques suivantes : l’enveloppe et le périmètre dans lequel doit s’inscrire la construction ; le nombre de bâtiments, la surface de plancher maximale.
D’autre part, la quote-part de parties communes «correspondante» : cette rédaction vise à éviter que soit attribuée au lot transitoire, une quote-part de parties communes sans rapport avec l’importance des droits de construire. La quote-part de parties communes affectée au lot transitoire doit être calculée au regard de la définition des constructions qu’il est permis de réaliser, et en application des mêmes critères de calcul retenus pour les autres lots, ces critères étant ceux énoncés par l’article 5 de la loi du 10 juillet 1965.
Il existe indiscutablement des difficultés rédactionnelles liées à ces contraintes mais il me semble que celles-ci s’imposaient déjà au regard des obligations pesant sur le vendeur et découlant de diverses législations. Le promoteur qui entend réaliser par tranches un programme immobilier, doit savoir qu’il est tenu par la définition de son droit de construire et que son espace de liberté est limité. S’il entend faire évoluer la construction définie, il peut être tenu pour exercer son droit de construire, de requérir l’autorisation de l’assemblée générale à la majorité de l’article 25 b). Le lot transitoire n’a jamais constitué un blanc-seing donné au promoteur.
Le lot transitoire est une création de la pratique pour répondre à des situations liées souvent à une période de crise. Sa construction juridique a évolué avec la jurisprudence, la loi ELAN l’a consacré et cadré. Laissons les praticiens trouvé la juste mesure, rappelons aux promoteurs les contraintes liées au lot transitoire et n’annonçons pas que le lot transitoire a perdu une grande partie de son utilité.»
Sylvie Bouchet :
«La jurisprudence avait consacré la pratique du lot transitoire en lui donnant la définition suivante «un lot privatif composé pour sa partie privative du droit exclusif d’utiliser le sol pour édifier une construction et d’une quote-part de parties communes».
La loi élan consacre cette pratique (et cette définition) en lui donnant la précision souhaitable que désormais les constructions envisagées doivent être précisément définies. En effet, comment définir (de façon juste) les tantièmes de chacun si la future construction n’est pas précisément envisagée ? Il appartiendra donc au notaire de veiller à cette exigence de précision, a minima par référence au dossier de permis de construire. De la même manière, le texte renvoyant au règlement de copropriété et non à l’état descriptif de division, il sera de bonne pratique de mentionner ce lot dans l’EDD également.»