Qui contrôle celui qui contrôle ? Assister et contrôler la gestion du syndic, s’assurer de la bonne exécution des travaux, vérifier les comptes, endosser certains pouvoirs de l’assemblée générale…, le conseil syndical joue un rôle de plus en plus actif dans le bon fonctionnement d’une copropriété. À tel point qu’il est en train de glisser progressivement du statut d’organe consultatif à celui d’organe décisionnaire. Pourtant, il n’existe pas aujourd’hui de réels dispositifs de contrôle de son activité, plutôt des voies indirectes.
La citation du philosophe Alain, selon laquelle «tout pouvoir sans contrôle rend fou», pourrait-elle être contredite ? Il semblerait que oui. En témoigne un acteur-clé et sain d’esprit de la copropriété, à savoir le conseil syndical.
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Article paru dans les Informations Rapides de la Copropriété numéro 695 de janvier - février 2024
Absence de dispositifs de contrôle direct
Car bien que celui-ci assure une mission essentielle de contrôle et d’assistance du syndic, force est de constater que le législateur n’a prévu aucun réel mécanisme de contrôle de son activité, ni même de sanction.
Et cette situation trouve ses racines dans l’Histoire. Comme l’explique Agnès Lebatteux, avocate au barreau de Paris : «A l’origine, le conseil syndical est un simple organe consultatif. Comme il n’a pas de pouvoir, il ne peut pas en abuser. Dès lors, le législateur de 1965 n’a pas prévu de régime de contrôle, d’autant que les conseillers syndicaux étaient vus à l’époque comme des «bons pères de famille” gérant leur propre patrimoine».
Paradoxalement, ce crédit de confiance dont bénéficie le conseil syndical, contrairement au syndic qui est un professionnel extérieur à l’immeuble, se perpétue, alors même que ses prérogatives se sont renforcées ces dernières années, et singulièrement depuis l’ordonnance du 30 octobre 2019 : délégations spéciale et générale de pouvoirs, mise en concurrence des contrats de syndic, saisine du juge aux fins de désignation d’un mandataire ad hoc, etc.
Quelques garde-fous
Certes, des garde-fous sont toutefois prévus pour encadrer l’action du conseil syndical, mais ils ne sont pas enserrés dans un formalisme rigoureux.
Le conseil syndical agissant dans l’intérêt de l’assemblée générale, qui lui a délégué ses pouvoirs en vertu de l’article 21-1 de la loi de 1965, doit ainsi rendre compte chaque année de l’exercice de sa délégation devant l’assemblée votant l’approbation des comptes, nous dit le législateur sans plus de précision.
Pour informer les copropriétaires de ses diligences, il doit notamment rédiger un rapport (dont ni la forme ni le contenu ne sont encadrés par les textes), à transmettre en même temps que l’ordre du jour.
Pour autant, en l’état actuel des textes, il n’est pas prévu d’action spécifique pour contester les décisions du conseil syndical dans le cadre de cette délégation générale.
Le non-renouvellement de la délégation, à l’issue de la période de deux ans, semble être, en réalité, le seul recours ouvert contre le conseil syndical délégataire.
«Un manque dommageable, a fortiori si un budget important a été attribué au conseil syndical pour mettre en œuvre sa délégation», pointe l’avocate.
Indépendamment de toute délégation de pouvoir, le conseil syndical doit, en tout état de cause, rendre compte de sa mission chaque année lors de l’assemblée générale, comme le prescrit l’article 22 du décret de 1967.
Pour ce faire, il doit notifier, également au plus tard en même temps que l’ordre du jour, le compte rendu de l’exécution de sa mission, mais cette notification n’est pas imposée pour la «validité» des décisions de l’assemblée générale, simplement pour l’information des copropriétaires.
«Dans les faits, ce document n’est produit qu’au cours de l’assemblée générale, dans le but d’éviter tout risque de mise en cause du conseil. Et il est généralement présenté à l’oral par son président», commente Agnès Lebatteux.
Là encore, aucune action formalisée n’est ouverte aux copropriétaires pour contester l’activité du conseil syndical, si ce n’est de ne pas renouveler son mandat, voire de mettre en cause la responsabilité des membres du conseil.
La responsabilité des conseils syndicaux : une chimère ?
S’il est possible pour un copropriétaire ou le syndicat d’engager la responsabilité des conseillers pris individuellement (et non du conseil syndical dépourvu de la personnalité morale), les chances de réussite d’une telle action sont faibles.
En effet, les conseillers syndicaux étant des mandataires du syndicat, non professionnels et bénévoles, leur responsabilité pour des fautes commises dans l’exécution de leurs missions, est rarement admise par les juges. Ces derniers prennent soin d’appliquer l’alinéa 2 de l’article 1992 du Code civil, selon lequel la responsabilité relative aux fautes est appliquée moins rigoureusement à celui dont le mandat est gratuit.
À titre d’illustration, une négligence dans la surveillance des comptes du syndic ne constitue pas en soi une faute suffisamment grave pour engager la responsabilité du président ou d’un membre du conseil syndical (Cass. 3e ch. civ., 29 nov. 2018, n° 17-27.766).
Néanmoins, et c’est une bonne chose, la majorité des conseillers est couverte par une assurance de responsabilité civile, comprise dans la multirisques de l’immeuble.
Et en cas de délégation conventionnelle de pouvoirs accordée au conseil syndical, la loi prévoit explicitement l’obligation de souscrire, pour chacun des conseillers, une assurance de responsabilité civile.
À noter, enfin, que les conseillers peuvent aussi être poursuivis devant le juge pénal en cas d’infractions (détournement de fonds, abus de confiance, etc.).
Face à ce quasi-vide de régulation, couplé à une responsabilité incertaine des conseillers, il existe cependant certains leviers.
Des leviers indirects
L’organisation et le fonctionnement du conseil syndical reposent sur une grande liberté, à moins que le règlement de copropriété n’ait fixé des règles précises, ce qui est rarement le cas.
Or, ce règlement pourrait être mieux exploité, non seulement pour adapter la composition et le fonctionnement du conseil syndical aux caractéristiques de l’immeuble, mais encore pour fixer des mécanismes de contrôle indirects :
- nombre minimum de conseillers, si possible impair, en vue de faciliter l’obtention d’une majorité ;
- durée du mandat des conseillers ne pouvant légalement excéder trois ans ;
- tenue et périodicité des réunions du conseil ;
- obligation d’assurer la permanence de l’information donnée aux copropriétaires sur l’activité du conseil, en dehors de l’assemblée générale annuelle, etc.
À défaut, ces règles sont fixées ou modifiées par l’assemblée générale à la majorité de l’article 24. L’assemblée doit veiller, de manière générale, à maintenir le conseil syndical dans le rôle que lui a fixé la loi.
«Il appartient également au syndic d’être vigilant sur les diligences accomplies (ou non) par le conseil syndical. Un rôle difficile dans la mesure où le syndic doit souvent sa réélection au conseil syndical !», s’exclame Agnès Lebatteux.
Selon l’avocate : «Le meilleur contrôle consiste à avoir un conseil syndical comportant un nombre suffisant de membres afin qu’une forme d’autorégulation puisse s’instaurer entre les conseillers, voire paralyse des personnalités toxiques.»
En outre, il conviendrait idéalement de tenir compte des compétences diverses des copropriétaires candidats à l’élection de conseillers (droit, comptabilité, technique…), et de prévoir une exhaustivité des intérêts en présence (bailleurs, occupants, propriétaires de locaux professionnels ou commerciaux…).
Pour faciliter cette variété des compétences, la loi permet désormais de recueillir les candidatures, non seulement des copropriétaires, mais également de leurs ascendants ou descendants, leurs conjoints ou partenaires liés par un PACS.
Rappelons que la désignation des membres du conseil syndical se réalise à la majorité de l’article 25. Et un vote distinct est requis pour chacun.
Ultime levier lorsqu’un membre du conseil n’investit pas correctement ses attributions, voire outrepasse ses prérogatives ; sa révocation en cours de mandat. Elle relève de la compétence de l’assemblée générale statuant à la majorité de l’article 25.
«Et il peut effectivement arriver que de graves dissensions se fassent jour au sein du conseil syndical. Une partie des conseillers organisent alors une assemblée générale extraordinaire pour demander la révocation du mandat d’un ou de plusieurs autres conseillers défaillants», témoigne Agnès Lebatteux.
On le voit, à défaut de réels outils de contrôle, le choix réfléchi des conseillers en amont constitue finalement la meilleure parade à tout dysfonctionnement ultérieur.