II.- Le fonctionnement de la personne morale
C’est sur ce second point que se constatent les dérèglements les plus flagrants, une grande majorité des praticiens mesurant encore difficilement le caractère exclusif du régime de l’association syndicale libre, notamment lorsqu’une copropriété est comprise dans le périmètre d’une telle association.
Le régime de l’association syndicale est exclusif du statut de la copropriété
Il est de jurisprudence constante que le statut de la copropriété est étranger au régime des associations syndicales libres.
Certes, rien ne s’oppose, et le cas est usuel, à ce que les statuts de l’association s’inspirent du statut de la copropriété, en y prélevant une certaine «dose». Les statuts d’une association syndicale libre peuvent ainsi prévoir un délai de deux mois imparti à ses membres pour saisir le tribunal d’une action en contestation des décisions de l’assemblée générale, s’inspirant des dispositions de l’article 42, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1965.
Mais, si les statuts sont silencieux sur tel ou tel aspect, il est impossible de se référer utilement au droit de la copropriété, par une sorte de substitution. En illustration, le délai de l’article 42 de la loi de 1965 précité n’est pas applicable à une association syndicale libre dont les statuts n’en auraient rien dit.
Autre exemple, lorsqu’une clause des statuts d’une association syndicale libre fixe sans distinction le régime de la majorité en assemblée pour toutes les décisions, une modification de la répartition des charges doit être adoptée à cette majorité statutaire, même si, par réflexe, la tentation est grande pour les gestionnaires professionnels de s’inspirer des conditions de majorité posées par les articles 24, 25 ou 26 de la loi de 1965.
Il est tout particulièrement recommandé de se montrer attentif la rédaction de ces statuts qui, en cas de manque, ne pourront être complétés par le truchement du droit de la copropriété. Bien entendu, l’article 5 de l’ordonnance du 1er juillet 2004 prescrit un certain nombre d’objets, lesquels devaient auparavant être scrupuleusement transcrits dans les statuts. Il fut un temps où il était jugé que «les statuts de l’association syndicale libre, limités à l’acquisition, la gestion et l’entretien des équipements communs, ne lui conféraient aucun autre rôle, et notamment pas celui de faire respecter les documents contractuels».
Le droit a évolué, mais si l’association a été constituée en vue d’autres objets que ceux visés à l’article 5 précité, il importe toujours que mention en soit portée dans ses statuts, sauf à ce qu’ils soient privés de toute portée.
Par exemple, il a été récemment jugé «qu’aucune disposition de l’ordonnance du 1er juillet 2004 ne donne qualité aux membres de l’association syndicale libre pour agir pour la sauvegarde des droits afférents au patrimoine de l’association». Seuls les statuts peuvent l’envisager, et s’ils ne l’ont pas fait, toute action individuelle est irrecevable.
L’article 9 de l’ordonnance du 1er juillet 2004 dispose que «l’association syndicale libre est administrée par un syndicat composé de membres élus parmi les propriétaires membres de l’association ou leurs représentants dans les conditions fixées par les statuts», et un président élu en assure la représentation, quand ce n’est pas la direction. Mais, dans les associations regroupant de grands ensembles immobiliers, il est d’usage que les statuts prévoient leur gestion par un professionnel de l’immobilier, généralement un syndic de copropriété, lequel doit se montrer vigilant à ne pas amalgamer les deux ordonnancements juridiques.
La copropriété est comprise dans le périmètre d’une association syndicale
Des immeubles en copropriété sont souvent inclus dans le périmètre d’intervention d’une association syndicale libre. Il s’observe alors une certaine confusion entre l’appartenance à l’association qui est le propre des copropriétaires eux-mêmes, et non du syndicat, et la participation aux assemblées générales de l’association qui est, en général, réservée au syndicat, via son syndic, à l’exclusion des copropriétaires pris individuellement.
Sur cette simple circonstance, nombre de gestionnaires d’associations ne convoquent que le syndic de la copropriété à l’assemblée générale de l’association, ce qui est admissible, voire nécessaire, mais n’adressent ensuite le procès-verbal qu’à ce même syndic.
Or, les copropriétaires sont personnellement membres de l’association et sont, de ce fait, recevables à contester les décisions de son assemblée générale, sans qu’un quelconque délai éventuellement prévu par les statuts ne leur soit opposable si le procès-verbal ne leur a pas été notifié, erreur fréquente qui a pour conséquence de fragiliser la personne morale et d’en perturber le bon fonctionnement.
Pour conclure, il convient de se souvenir que dès lors qu’une association syndicale libre a été constituée, par exemple pour assurer l’entretien et la conservation d’une voie privée, elle est seule compétente pour faire exécuter les travaux afférents à cet objet, et un syndicat de copropriétaires, riverain de cette voirie, doit soumettre préalablement toute requête intéressant ce genre de travaux, à l’association.
De même, le syndicat de copropriétaires d’un immeuble compris dans le périmètre d’une association syndicale libre n’a pas qualité pour agir en réparation des désordres affectant les ouvrages communs «de l’ensemble immobilier dont il n’est qu’une partie».
En revanche, une association syndicale libre n’a pas qualité pour «solliciter l’indemnisation des préjudices subis par des copropriétaires, une telle demande devant être formulée et justifiée par chacun des copropriétaires concernés».
Il est exact que l’objet d’une association tient principalement à la réalisation et à la gestion d’ouvrages d’intérêt commun pour ses membres, aux termes de l’article 1er de l’ordonnance du 1er juillet 2004. Cette personne morale n’a, par voie de conséquence, aucune compétence pour rechercher l’indemnisation d’un préjudice subi par un copropriétaire, quand bien même ce préjudice serait supporté collectivement et trouverait sa source dans les ouvrages communs. Il est alors vain de s’appuyer sur ce que prévoit le droit de la copropriété, dont on sait qu’il autorise le syndicat des copropriétaires à réclamer l’indemnisation de ses membres pour un préjudice subi collectivement.
Ce petit vademecum, très incomplet, n’avait d’autre ambition que de rappeler quelques règles simples de gestion des ensembles immobiliers, que ceux-ci relèvent du droit de la copropriété ou s’inscrivent dans l’autre mode d’organisation que constitue l’association syndicale libre, afin que les différences substantielles entre les deux systèmes soient présentes à l’esprit des praticiens.
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