[CCED N°1] - Veille jurisprudentielle

par Edilaix
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Index de l'article

État de carence déclaré avant l’entrée en vigueur de la loi MOLLE.
- CE, 28 novembre 2014, n° 362910.- Les dispositions de l’article L. 210-1 du Code de l’urbanisme, permettant au préfet d’exercer le droit de préemption sur le territoire de communes ayant fait l’objet d’un état de carence dans l’atteinte de leurs objectifs de construction de logements sociaux ont pour finalité de contribuer à la mise en œuvre de l’objectif que la commune concernée s’est elle-même fixé dans son programme local de l’habitat ou qui lui avait été fixé par le programme local de l’habitat de l’établissement public de coopération intercommunale dont elle est membre. Ce transfert de l’exercice du droit de préemption, qui constitue l’un des effets d’un arrêté de carence, ne présente pas le caractère d’une sanction et la loi MOLLE ne présente pas le caractère d’une loi répressive plus sévère insusceptible en vertu du principe de nécessité des peines de s’appliquer à des faits commis avant son entrée en vigueur. [G.G.]

Conséquences de l’inoccupation d’un immeuble frappé d’un arrêté d’insalubrité.
- CE, 15 avril 2015, n° 369548, tables Rec. Lebon.- Les dispositions des articles L. 1331-26 et L. 1331-28 du Code de la santé publique n’ont ni pour objet ni pour effet de permettre à l’autorité administrative de prescrire la réalisation de travaux par le propriétaire de locaux à la fois inoccupés et libres de location et dont l’état ne constitue pas un danger pour la santé des voisins. Le juge administratif, saisi d’un recours de plein contentieux contre un arrêté d’insalubrité, doit tenir compte de la situation existant à la date à laquelle il se prononce et peut, au besoin, modifier les mesures ordonnées par l’autorité administrative. Lorsqu’il constate que, postérieurement à l’intervention de l’arrêté qui lui est déféré, le bail a été résilié et que les locaux, qui ne menacent pas la santé des voisins, se trouvent désormais à la fois inoccupés et libres de location, il lui appartient d’annuler l’arrêté en tant qu’il ordonne la réalisation de travaux par le propriétaire et de ne le laisser subsister qu’en tant qu’il interdit l’habitation et, le cas échéant, l’utilisation des lieux.

Renvoi d’une QPC.– Distribution d’eau.- Résidence principale.- Résiliation de contrat.
- Cass. 1ère civ., 25 mars 2015, n° 14-40.056.- Par cette décision, la Cour a résolu de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité relative à la dernière phrase de l’alinéa 3 de l’article L. 115-3 du code de l’action sociale et des familles, introduite par l’article 19 de la loi n° 2013-312 du 15 avril 2013. La Cour a en effet estimé que la question posée présente un caractère sérieux dès lors que la disposition contestée, qui interdit, dans une résidence principale, l’interruption, y compris par résiliation du contrat, pour non-paiement des factures, de la distribution d’eau tout au long de l’année, est susceptible de porter une atteinte excessive à la liberté contractuelle, à la liberté d’entreprendre et à l’égalité des citoyens devant les charges publiques, en ce qu’elle interdit aux seuls distributeurs d’eau, à la différence des fournisseurs d’électricité, de chaleur ou de gaz, de résilier le contrat pour défaut de paiement, même en dehors de la période hivernale, sans prévoir aucune contrepartie et sans que cette interdiction générale et absolue soit justifiée par la situation de précarité ou de vulnérabilité des usagers bénéficiaires. [G.G.]


Procédure de carence.- Tierce opposition.- Recevabilité.- Convention européenne des droits de l’Homme.- Accès au juge (oui).
Cass. 3e civ., 28 janvier 2015, n° 13-19.080, publié au bulletin.- Il est assez rare que le droit de la copropriété soit l’occasion de faire application des grands principes consacrés par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales. En l’occurrence, le président du tribunal de grande instance de Thionville, statuant en application de l’article L. 615-6 du Code de la construction et de l’habitation (CCH) a, à la requête du président de la communauté d’agglomération du Val de Fensch, constaté la carence d’une copropriété. Deux sociétés, copropriétaires, ont formé opposition à cette ordonnance. Pour déclarer irrecevable la tierce opposition des sociétés, la cour de Metz avait retenu que la procédure de l’article L. 615-6 est une procédure qui concerne le syndicat des copropriétaires en sa qualité de personne morale représentant la collectivité des copropriétaires, doté de la personnalité civile et ayant qualité pour agir ou défendre en justice et que l’ordonnance prononçant l’état de carence est opposable aux copropriétaires pris individuellement.
Au demeurant, si lorsque l’expropriation porte uniquement sur des parties communes à l’ensemble des copropriétaires (constitution de réserve foncière, opération de voirie, …), elle est valablement poursuivie et prononcée à l’encontre du syndicat représentant les copropriétaires et titulaires de droits réels immobiliers (L. 1965, art. 16-2, al. 2), lorsque l’expropriation porte sur l’immeuble bâti, le groupe d’immeubles bâtis, elle est diligentée et prononcée lot par lot à l’encontre des copropriétaires et, éventuellement, des titulaires de droits réels immobiliers concernés (L. 1965, art. 16-2, al. 1er ; voir par exemple, Paris, pôle 4, 7e ch., 27 mars 2014, RG n° 11-12766, Juris-Data n° 2014-006901).
Partant, la Cour de cassation a décidé que le syndicat ne représentant pas les copropriétaires dans la procédure engagée sur le fondement de l’article L. 615-6 du Code de la construction et de l’habitation et qui pouvait aboutir à l’expropriation de l’immeuble en vue de sa réhabilitation ou de sa démolition, la cour d’appel, qui a privé les sociétés copropriétaires de leur droit d’accès au juge, a violé, non seulement les dispositions du CCH mais aussi l’article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

[J.-M.R.]