[N°660] Prévention de l’incendie : Les règles pour la rénovation de façade

par Sophie Michelin-Mazéran, journaliste juridique
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Le dramatique incendie de la tour Grenfell à Londres en 2017, où sont morts 79 habitants, qui s’était propagé par le bardage de l’immeuble de 24 étages, a provoqué une prise de conscience, qui s’est traduite par un durcissement de la réglementation en France.

L’article 30 de la loi ELAN du 23 novembre 2018 a créé la nouvelle catégorie des immeubles de moyenne hauteur. Son décret d’application du 16 mai 2019, suivi par deux arrêtés du 7 août 2019, a porté application de ces nouvelles exigences en matière de sécurité incendie. C’est en particulier le cas pour les travaux de rénovation de façade dont la déclaration préalable ou la demande de permis est déposée depuis le 1er janvier 2020. Le risque de propagation d’un feu par l’extérieur des logements devrait désormais être significativement réduit.


 

façadeNouvelle catégorie d’immeubles : IMH 

En plus de la catégorie déjà existante des immeubles de grande hauteur (IGH) soumise à des règles spécifiques en matière de sécurité et de protection contre l’incendie, la loi ELAN du 23 novembre 2018 est venue modifier l’article L. 122-1 du Code de la construction et de l’habitation en introduisant une nouvelle catégorie d’immeubles, non basée sur l’usage du bâtiment : les immeubles de moyenne hauteur, ou IMH, situés entre 28 à 50 mètres de haut.

Cette modification vise, entre autres, à améliorer la sécurité incendie pour cette tranche de hauteur en habitation, pointée du doigt comme étant le maillon faible de la réglementation au lendemain du sinistre londonien. En effet, les services de secours ont plus de difficultés à intervenir dans ces immeubles en cas d’incendie. Désormais, les travaux de rénovation de façade des IMH, dont la demande de permis de construire ou la déclaration préalable est déposée depuis le 1er janvier 2020, doivent répondre à des exigences renforcées visées par le décret du 16 mai 2020.

Ce texte définit les types de rénovation concernés par les règles nouvelles ainsi que les deux solutions de référence acceptables pour les systèmes de façades. Ainsi, de simples travaux de ravalement de façade sont exclus du cadre renforcé, contrairement à une rénovation qui concernerait au moins une façade et mettrait en œuvre des matériaux susceptibles de concourir au risque incendie.

 

Surtout, les travaux de rénovation ne doivent pas porter atteinte à la sécurité des occupants contre le risque d’incendie. Pour ce faire, le système de façade retenu pour les travaux de rénovation doit :

- soit être constitué de matériaux pratiquement incombustibles et permettre de neutraliser l’effet du tirage thermique s’il comporte des vides constructifs ;

- soit être constitué de matériaux pratiquement incombustibles à l’exception d’un sous-ensemble protégé par un écran thermique.

 

Un arrêté du 7 août 2019 parachève le dispositif en précisant les caractéristiques techniques de ces deux solutions de référence.

S’agissant de la première solution, chaque élément du système de façade est classé au moins «A2-s3, d0», selon les euroclasses de réaction au feu. Pour la seconde, le sous-ensemble du système de façade, non classé «A2-s3, d0», doit dans ce cas être protégé par un écran thermique de résistance au feu «EI30». La vérification de l’efficacité de la solution est, ensuite, assurée sur la base d’une appréciation de laboratoire.

Il convient d’ajouter que pour le Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique s’est prononcé en mars 2019 sur le projet d’arrêté IMH du 7 août 2019. Il a considéré que «les règles applicables aux façades des immeubles d’habitation s’en trouvent renforcées, mais les frais induits par ces nouvelles exigences demeurent minimes au regard des coûts très importants liés aux sinistres du bâtiment et à l’indemnisation des victimes».


Quelques gestes à connaître :

  • Maintenir fermées les portes coupe-feu des parties communes (portes palières des escaliers, des locaux poubelles, des caves, des sas parking...) ;

  • Ne pas stocker, ni encombrer les parties communes, en particulier au niveau des escaliers ;

  • Sensibiliser les occupants à la notion de confinement quand l’incendie n’est pas dans leur logement et proscrire l’utilisation des ascenseurs en cas de départ de feu ;

  • Appeler immédiatement les pompiers et donner aux secours les informations adéquates (adresse, localisation de l’incendie, présence ou non de gaz, nombre supposé de résidents, etc.).


 

Renforcement des exigences de performance

Les derniers grands principes de la réglementation incendie dans l’habitation en France remontent à 1986. Autant dire une éternité au regard des nouvelles méthodes de construction, des nouveaux équipement et matériaux, notamment liés à l’ITE (isolation thermique par l’extérieur), mis en œuvre depuis lors.

Ces dernières années ont notamment été marquées par une augmentation des surfaces de façade isolées par l’extérieur et des épaisseurs d’isolant associées, générant une augmentation importante des masses combustibles en façade.

Les pouvoirs publics ont donc profité de la définition de nouvelles règles applicables aux opérations de rénovation des façades des IMH pour réviser en parallèle les dispositions du règlement de sécurité incendie des bâtiments d’habitation du 31 janvier 1986.

C’est un arrêté, également daté du 7 août 2019, qui met à jour les exigences de performance contre l’incendie des revêtements de façade de tous les bâtiments d’habitation : 1re famille (maisons individuelles), 2e famille (maisons individuelles et petits immeubles) 3e et 4e familles (immeubles selon la hauteur du plancher bas le plus haut par rapport au sol). Par exemple, pour les immeubles de 3e famille (habitations jusqu’à 28 mètres de hauteur), soit la réaction au feu doit répondre à une incombustibilité totale du système de façade, soit l’efficacité globale des systèmes de façade est démontrée via une appréciation de laboratoire.

À l’inverse, la 2e famille (petits collectifs de type R+3) échappe à ce renforcement règlementaire de prévention contre les incendies.

Ces nouvelles règles sont entrées en vigueur en même temps que celles applicables aux IMH, soit pour les bâtiments dont la demande de permis de construire est déposée depuis le 1er janvier 2020.

 

Enfin, depuis l’arrêté du 3 août 2016 d’application obligatoire depuis le 1er septembre 2016, toute installation électrique d’un logement doit être conçue et réalisée de façon à limdétecteur incendieiter la propagation de l’incendie, mais aussi des fumées en cas d’incendie. Aujourd’hui encore, près de 19 millions de logements présenteraient des risques électriques, pointe l’Observatoire national de la sécurité électrique (ONSE).

 

À noter.- Tous les logements doivent être équipés d’un détecteur autonome avertisseur de fumées (DAAF) depuis le 8 mars 2015, conformément aux prescriptions de la loi ALUR du 24 mars 2014.

 


Textes officiels :

  • Loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (dite loi ELAN) ;

  • Décret n° 2019-461 du 16 mai 2019 relatif aux travaux de modification des immeubles de moyenne hauteur (IMH) ;

  • Arrêté du 7 août 2019 relatif aux travaux de modification des immeubles de moyenne hauteur et précisant les solutions constructives acceptables pour les rénovations de façade ;

  • Arrêté du 7 août 2019 modifiant l’arrêté du 31 janvier 1986 relatif à la protection contre l’incendie des bâtiments d’habitation.