Le chantier du déploiement de la fibre optique en France continue de progresser mais à petits pas ; et avec de fortes disparités entre copropriétés situés dans les zones très denses et les autres.
Fibre dans la rue - Crédit : Arcep
Faible taux d’abonnement en très haut débit
Malgré la hausse régulière du nombre d’immeubles éligibles à la fibre optique (1,7 million, soit une augmentation de 45% en un an), les abonnements ne suivent pas. Selon les derniers chiffres de l’Observatoire haut et très haut débit de l’Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques et des postes), 245 000 foyers étaient abonnés au 30 juin 2012, soit 25 000 recrutements supplémentaires en trois mois. Bien loin des objectifs initiaux, ce d’autant plus que la tendance est à peu près la même depuis un an.
Jean-Ludovic Silicani, président de l’Arcep impute ce faible taux d’abonnement à «la très bonne qualité de l’ADSL et la faible promotion des offres très haut débit par les opérateurs jusqu’en 2011». Concernant ce premier point, la fibre optique a en effet d’abord été déployée dans les grandes villes, là où l’ADSL est de bonne qualité. La lenteur des décisions au sein des syndicats de copropriété est également avancée ; le vote pour accepter qu’un opérateur fibre un immeuble ne pouvant intervenir qu’une fois par an, lors de l’assemblée générale.
Mais, pour certaines associations de consommateurs, à commencer par l’ARC devenue très virulente avec les opérateurs, ces seules explications sont loin d’être satisfaisantes. Et de mettre ainsi en avant la convention cadre de fibrage qui engage les copropriétés pour 25 ans avec un opérateur, les expériences décevantes de nombreux copropriétaires avec les opérateurs. Sans oublier, le coût des abonnements très haut débit plus cher que les abonnements ADSL, a contrario des discours sur la gratuité du passage à la fibre optique.
Les zones “non rentables“ délaissées
Le 3 juillet dernier, deux associations œuvrant pour le développement de la fibre optique en France ont lancé un appel à Valence. Objectif : inciter les opérateurs à respecter leurs engagements en matière de déploiement de la fibre optique, notamment en zones rurales.
Selon eux, «le déploiement du FTTH [Fiber to the home, ndlr] n’est pas, en France, à la hauteur des ambitions affichées sur le plan politique». De fait, les chiffres sont mauvais. Avec 140 000 prises FTTH au 3e trimestre 2011, 125 000 au 4e trimestre, 105 000 au 1er trimestre 2012, on constate que les opérateurs ont réduit leurs investissements. «Un déploiement conforme aux engagements des opérateurs nécessiterait sept fois plus d’investissements qu’actuellement, soit trois millions de prises par an», affirment-ils.
Ces derniers critiquent aussi la poursuite de la pérennisation du réseau téléphonique filaire en cuivre avec l’annonce de la commercialisation en 2013 du VDSL2 (ADSL «boosté» jusqu’à 50 Mb/s). «Cette technologie contribuera à l’accroissement de la fracture numérique : toujours plus pour ceux qui ont déjà un bon service et rien de plus pour ceux qui n’ont rien».
Le serpent de mer France Fibre
“France Fibre“ serait-elle sur le point de voir le jour ? Si Orange ne veut pas en entendre parler, SFR et Bouygues Telecom militent plus que jamais pour la création de cette structure qui serait chargée de mutualiser le développement de la fibre optique dans les zones peu denses. Maladresse ou tentative de forcer la main au gouvernement, Stéphane Roussel, le PDG de SFR, déclarait ainsi en septembre dans Le Figaro «Les ministres y sont tous favorables, mais rien n’avance. Car c’est Orange qui a le plus à perdre». Fleur Pellerin, ministre de l’économie de numérique, s’est empressée de démentir dans un communiqué «les propos formulés par la direction de SFR selon lesquels le gouvernement serait favorable à la mise en place d’un opérateur mutualisé unique en charge du déploiement du très haut débit sur l’ensemble du territoire». Et d’enfoncer le clou : «Les travaux du gouvernement sont en cours et la feuille de route permettant de couvrir l’intégralité du territoire en très haut débit d’ici dix ans n’est pas arrêtée à ce jour». Affaire à suivre, donc.
La fibre optique pour tous ?
Rien n’est moins sûr. Si le plan national très haut débit mis en place par la précédente majorité prévoyait que la totalité du territoire français soit couvert par un réseau fibre optique en 2025, les difficultés de financement rencontrées par les opérateurs et les collectivités locales ont remis en cause ce modèle économique. Fleur Pellerin s’est ainsi prononcée en septembre dernier pour un mix technologique où coexisteront fibre optique pour les zones denses et moyennement denses, et 4G (réseau mobile) ou VDSL2 pour le reste des territoires. Le tout d’ici 2022, soit un peu plus rapidement que prévu, mais avec de fortes disparités en terme de débit.
Ce choix stratégique a été largement critiqué par l’Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l’audiovisuel (Avicca), partisan inconditionnel de la fibre, seule technologie capable d’assurer de bons débits même dans des zones éloignées. A contrario, l’Arcep soutient le mix-technologique. «Même si l’accès de tous, à terme, au FTTH doit être notre horizon, il est nécessaire de recourir à des technologies comme à des solutions économiques complémentaires pour répondre au mieux aux besoins variés de chaque territoire», a ainsi déclaré Jean-Ludovic Silicani, président du «gendarme des télécoms».
Photo : Prise terminale optique - © AParis Habitat
Paul TURENNE
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