Copropriété : le rooftop

par Gilles Frémont , Chronique assurée et rédigée par l’Association nationale des gestionnaires de copropriété
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Qui n’a jamais rêvé d’une terrasse privée sur le toit de son immeuble, un petit jardin d’Éden perché, arboré, sol en teck, jacuzzi et vue dégagée sur la Tour Eiffel ? Un luxueux rooftop pour pool party endiablées, disc-jockey, champagne et compagnie ?

Ce matin, je reçois un appel téléphonique de jeunes mariés qui viennent tout juste d’acheter au dernier étage. Des étoiles plein les yeux, ils sortent de chez le notaire. «Bonjour, nous sommes la famille Bellevue, nous voulons faire une extension de notre appartement sur le toit ; il a du potentiel. La famille s’agrandit et ce projet nous tient à cœur». Pour la petite histoire, je précise qu’il s’agit d’une toiture-terrasse d’environ 100 m2, au 8e étage d’un immeuble cossu de la banlieue ouest. «Quelles sont les démarches Monsieur le syndic ?». Je connais bien l’endroit, il y a les édicules d’aération et la machinerie ascenseur, les garde-corps sont neufs.

article paru dans les Informations Rapides de la Copropriété numéro 662 d'octobre 2020

«Bonjour et bienvenue dans la copropriété. Vous devez présenter votre projet à la prochaine assemblée générale, avec des plans d’architecte, une étude de faisabilité d’un BET, un projet de modificatif de l’état descriptif de division par un géomètre-expert pour la création d’un nouveau lot. Vous devrez aussi faire purger le droit de priorité de votre voisin de palier, et surtout, formaliser une offre de prix pour le rachat du droit à construire appartenant au syndicat des copropriétaires. Je vous conseille, dans un premier temps, avant d’engager tous ces frais, de consulter de façon informelle le conseil syndical pour prendre la température, vous verrez ce sont des gens charmants».

Trois jours plus tard, la présidente du conseil syndical, une femme pêchue qui est là depuis 40 ans, me téléphone. La conversation est brève: «Bonjour Monsieur, le nouveau propriétaire vient de m’appeler, c’était juste pour vous dire que nous n’étions pas d’accord»

- «Ah, très bien, mais vous le lui avez dit ?»

- «Non, je lui ai répondu que je n’avais pas le temps, que je partais en vacanCes et qu’on verrait ça plus tard»

- «D’accord Madame, mais il faudrait peut-être lui dire la vérité non ?»

- «Eh bien, vous le lui direz, vous ?». La monarchie de la copropriété avait tranché, ce sera niet, sans assemblée générale ni autre forme de procès. Peine perdue pour nos jeunes mariés.

La réalisation de projets individuels en copropriété est un parcours du combattant ; mieux vaut, si l’on ne veut pas voir ses rêves se briser, prendre son bâton de pèlerin et négocier avec les bonnes personnes. Il est conseillé, surtout, de se renseigner avant d’acheter, et de s’enquérir auprès du syndic des rapports de voisinage. Car malgré la surinformation de l’acheteur, il n’existera jamais ni carnet ni diagnostic pour prévenir des relations humaines. Cruelle copropriété, la famille Bellevue n’aura pas son petit coin de paradis, mais elle aura, si cela peut la consoler...un bon syndic.

Gilles Fremont

Gilles Frémont, directeur copropriété / Président ANGC

 

 

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