Copropriété : l'autogestion

par Gilles Frémont , Chronique assurée et rédigée par l’Association nationale des gestionnaires de copropriété
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"La précipitation est presque toujours suivi du repentir".

Assis à mon bureau, je les regarde rentrer dans la salle, ces jeunes couples novices, fraîchement propriétaires, sûrs d’eux-mêmes et décidés à vouloir changer le monde. Une copropriété est le reflet de la société ; il y a toujours un meneur, des seconds et une masse, des gentils et des méchants. Les rapports de force et les jeux de pouvoirs se créent naturellement, des clans se forment, des têtes émergent et d’autres tombent. L’immeuble est un microcosme, et au milieu du village, le paratonnerre, le syndic.
L’assemblée générale démarre, l’ordre du jour est assez banal, seule une question détonne : nomination d’un syndic bénévole.

Tiens, quelle drôle d’idée ?

article paru dans les Informations Rapides de la Copropriété numéro 661 de septembre 2020

autogestionMes copropriétaires, enivrés par le parfum de la nouveauté, sont convaincus de leur destinée. «Nous avons bien réfléchi et nous avons décidé de faire des économies. On s’est déjà réparti les tâches entre nous ; on en a parlé samedi à l’apéro. Il y a une bonne ambiance dans l’immeuble et nous avons plein de projets en commun, l’aménagement de la cour pour les vélos, un potager, un compost et peut-être des abeilles ; on a une application pour se partager l’appareil à raclette, la tondeuse et la baby-sitter, comme ça chacun pourra proposer son aide et donner son avis. En plus ma femme est juriste donc pas de problème». Je ne dis rien, j’écoute. «Voilà, vous comprenez, nous voulons une copropriété verte, connectée et conviviale».

Leur exposé fini, je reprends la parole. «Savez-vous que vous pouvez faire tout cela avec moi ? Et je dirais même mieux, vous pouvez vous consacrer entièrement à ces projets qui vous tiennent à cœur, un récupérateur d’eau, une boîte à lire et un mouton, pendant ce temps-là je m’occuperai des tâches besogneuses, des mauvais payeurs et des refoulements d’égouts. N’y voyez surtout pas une tentative de dissuasion de ma part, mais il me semble que vous faites fausse route, la vie en communauté n’est pas qu’un enchantement. Elle renferme aussi son lot de querelles et de désillusions. Ce que vous économiserez en syndic, vous le perdrez en temps et en énergie. Ce que vous économiserez en syndic, vous le perdrez avec les conseils. Un jour ou l’autre, vous aurez besoin d’un médiateur pour vous séparer du voisin de palier qui vous ruine l’existence. Un jour ou l’autre, vous aurez besoin de vous occuper d’autre chose. Mais vous m’avez l’air convaincus et je ne voudrais pas briser vos rêves, alors tentez l’expérience».

Le jeune père de famille veut s’imposer et avoir le dernier mot. «Merci pour cette mise en garde mais on sait ce qu’on fait. Tout est déjà organisé, même le planning pour le ménage et la sortie des poubelles que nous ferons d’ailleurs nous-mêmes». À cet instant une copropriétaire au dernier rang se lève et intervient vertement : «Comment ça le planning pour le ménage ?». Ça commence mal.

 

Gilles Fremont

Gilles Frémont, directeur copropriété / Président ANGC

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