[N°647] - les charges

par Gilles Frémont et Romain Dutrieux
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En ce lundi matin de janvier, chose exceptionnelle, je n’avais pas de rendez-vous extérieur, j’étais donc bien au chaud dans le bureau et, chanceux comme tout, je prenais les appels du service.

Ça sonne : «Monsieur le syndic, je reviens de vacances et je m’étonne que le remplacement de la porte d’entrée voté en juin, ne soit toujours pas fait !», me dit-il passablement agacé, «cela fait plus de six mois !», insiste-t-il. La semaine commence, c’est parti. Je laisse parler sans l’interrompre, puis je lance le disque : «Monsieur, je comprends votre impatience, c’est normal, mais sachez qu’après l’assemblée générale, j’ai attendu les deux mois de contestation, ensuite j’ai passé commande, s’en est suivi un délai de douze semaines de fabrication, puis la trêve des confiseurs, les gilets blancs, et la grippe des menuisiers». Je me dis qu’un peu d’humour ne fera pas de mal, ce n’est qu’une porte après tout.

Mais le trait d’esprit ne fait pas mouche, mon copropriétaire repart de plus belle : «Moi j’ai payé cette porte il y a trois mois, pendant ce temps-là, l’argent dort sur votre compte». A cet instant, je ne veux pas m’éloigner du sujet, mais j’hésite quand même à lui réexpliquer la différence entre compte du syndic et compte du syndicat, entre provisions et charges, entre exigibilité et paiement, entre dépense et quote-part. Non, pas de poupées russes, restons sur la commande : «Monsieur, vous savez, j’aurais pu tout aussi bien attendre de percevoir la totalité des fonds avant de passer l’ordre de service, mais dans ce cas, vu le nombre de mauvais payeurs dans la résidence, à cette heure je n’aurais toujours pas signé le devis. Mais finalement vous voyez, j’ai signé et j’ai même payé l’acompte. Alors tout compte fait (sans jeux de mots), on est plutôt rapide non ?».

Sur ce, je pensais l’affaire bouclée, mais voilà qu’il rebondit sur l’acompte. J’aurais dû me taire. «Moi, Monsieur, quand j’achète ma fenêtre sur Bricotruc, on ne me réclame pas d’acompte, et je suis livré en 24 heures chrono !». Je m’accroche, mais je commence à perdre patience aussi. Respire. «J’entends bien, mais je vous rappelle que cette porte est fabriquée sur-mesure, en chêne massif avec imposte cintré, que l’artisan l’a faite de ses mains en ateliers, selon le savoir-faire et les gestes transmis par ses aïeuls». Stop, je m’égare. «Bref, vous avez compris, on ne compare pas des choux avec des carottes». Il finit par se calmer, et me remercie, presque chaleureusement.

La répétition est l’âme de la pédagogie. En ce lundi matin, il n’était pas encore 10h que j’avais déjà passé en revue la moitié de la loi de 65. Finalement la porte arrivera un mois plus tard, mais une petite erreur de prise de côte la renverra aussitôt à l’atelier. Burlesque. La date initialement prévue ne sera jamais respectée, la loi de Murphy s’abattait sur moi, fallait-il en rire ou en pleurer ? Prochaine date disponible pour la pose : 1er avril.

Chronique assurée et rédigée par l’Association nationale des gestionnaires de copropriétéMembre de l'ANGC ? Abonnez-vous à la revue à un tarif préférentiel !
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