S’il vise à limiter la surprise de gros travaux urgents, le projet de plan pluriannuel de travaux (PPPT) s’établit en fonction de l’état du bâti.
Article paru dans les Informations Rapides de la Copropriété numéro 706 de mars 2025
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À la dernière assemblée générale de la copropriété nantaise de la rue Saget (douze lots), le syndic a proposé une résolution relative à la «réalisation d’un projet de plan pluriannuel (PPPT) de travaux incluant le diagnostic de performance énergétique collectif (DPEC)». Membre du conseil syndical, Mariette Héraud témoigne : «nous l’avons rejetée. D’abord nous n’avons pas su pourquoi elle était proposée et les informations trouvées sur internet n’étaient pas claires ; ensuite, le syndic nous a présenté qu’un seul devis de 4 200 € TTC.»
L’anecdote est révélatrice de deux constats tirés par Bernard Lancien, président de l’Union nationale des copropriétaires et colotis (URCC) Ouest, affiliée à la Fédération nationale des associations de copropriétaires et de colotis (FNACC) : «nous sommes beaucoup interrogés par nos adhérents sur le PPPT», relève-t-il. «Les syndics sont extrêmement présents pour le faire voter en assemblée générale mais les copropriétaires sont complétement perdus.»
Obligation
Depuis le 1er janvier 2025 et dès lors que plus de quinze ans se sont écoulés depuis la date de réception des travaux de construction de l’immeuble (art. 14-2, loi n° 65-557 du 10 juillet 1965), toutes les copropriétés, quel que soit le nombre de lots, doivent se prononcer à la majorité relative de l’article 24 de la loi de 1965 sur l’élaboration d’un projet de plan pluriannuel de travaux. Une obligation sans sanction. La copropriété de Mariette à Nantes ne sera nullement punie de son refus ; son syndic devra en revanche remettre à l’ordre du jour de la prochaine assemblée générale annuelle la réalisation du projet de plan pluriannuel de travaux.
«Les syndics respectent plutôt la loi», commente Bernard Lancien. Mais il ne suffit pas d’inscrire une résolution à l’ordre du jour d’une assemblée générale, encore faut-il que le syndic apporte des éléments d’explication sur cette obligation (loi n° 2021-1104 du 22 août 2021, dite loi Climat et résilience). «La copropriété a appris l’existence du PPPT l’an dernier quand le notaire l’a réclamé à un copropriétaire qui vendait son lot. Notre syndic n’en avait jamais parlé et les copropriétaires ont débarqué quand nous l’avons évoqué en assemblée», remarque Hervé Tissot, président du conseil syndical de la résidence Le Nymphéa à Lyon 7e. Peut-être parce qu’à l’époque, l’immeuble de 48 lots principaux n’était-il pas encore concerné…
Anticipation et planification
Toujours est-il que le président a pris le taureau par les cornes : «je m’y suis mis, le PPPT a été présenté en AG et un bureau d’études a été mandaté pour l’effectuer en même temps que le diagnostic de performance énergétique collectif. La facture est de 8 000 €.»
Malgré ce coût, le vote du PPPT a été facile dans cette copropriété lyonnaise : «il est indispensable pour vendre et il n’y a pas de grosses craintes sur ses conclusions», rapporte Hervé Tissot. «La copropriété a beau avoir vingt ans, le toit terrasse et les fenêtres n’ont pas de problème, les façades sont propres, et nous sommes équipés de pompes à chaleur et d’une station de géothermie ; tout est bien entretenu !» Car l’objectif est d’anticiper et de planifier sur dix ans les travaux dans les parties communes et les dépenses qui en découlent, afin de prévenir le vieillissement de l’immeuble, de protéger la santé et la sécurité des habitantes et des habitants, de réaliser des économies d’énergie et de réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Responsabilité
Quand bien même le PPPT révèlerait-il d’importants travaux à effectuer, le plan pluriannuel de travaux qui en découle n’est, lui, pas obligatoire. C’est une des raisons évoquées par Pierre-Jean Perbet, membre du conseil syndical de la copropriété Le château dans le quartier de La Duchère à Lyon 9e (136 lots) : «avec une réhabilitation énergétique de moins de deux ans et la mise aux normes de nos ascenseurs, nous ne sommes pas les plus en retard. On verra ça à la prochaine AG».
Car le sujet doit être débattu en assemblée générale et, donc, la question doit figurer à l’ordre du jour établi par le syndic. Ce dernier devra ensuite la remettre à l’ordre du jour de chaque assemblée générale ultérieure jusqu’à l’adoption de tout ou partie de travaux. Cette absence d’obligation légale est néanmoins toute relative si l’on considère l’éventuelle responsabilité du syndicat des copropriétaires qui se serait opposé à la réalisation d’un plan pluriannuel de travaux sur les parties ou équipements communs, avec pour conséquence le mauvais classement énergétique d’un logement en copropriété loué, ou encore un sinistre.
De même les copropriétaires garderont à l’esprit que la commune ou le préfet, dans le cadre de l’exercice de la police de la sécurité et de la salubrité des immeubles, peut, à tout moment, demander au syndic la transmission du PPT adopté afin de vérifier que les travaux programmés garantissent la sauvegarde de l’immeuble et la sécurité de ses occupants. En cas de manquement ou d’insuffisance, le PPPT peut être élaboré ou actualisé par la collectivité ou l’administration, en lieu et place du syndicat des copropriétaires et à ses frais. Dès sa notification, le syndic convoque l’assemblée générale, en vue de la discussion et de l’adoption ou non de tout ou partie du plan proposé.
Action concertée
Alors qu’un conseil syndical bien formé et informé est un rouage essentiel dans la programmation d’un PPPT puis du PPT et des travaux subséquents, Bernard Lancien pose la question de «la difficulté à comprendre les termes techniques du PPPT et de la qualité du PPPT», dénonçant en outre «une aubaine» pour certains prestataires. «Il convient que le conseil syndical s’assure que le syndic transmet au prestataire tous les éléments, le dernier PV d’AG par exemple, les travaux réalisés récemment comme un ravalement, ou encore le résultat du contrôle quinquennal des ascenseurs. Il faut aussi que le prestataire puisse avoir accès à tous les locaux.» A défaut, le PPPT ne sera qu’un pâle reflet de la situation de l’immeuble. Et dans dix ans, tout restera à faire…