Copropriété | Éviter la spirale de la copropriété en difficulté

par Nathalie LEVRAY, journaliste
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copropriété - AdobeStock_76722975Il est possible de repérer tant les dérives financières que les autres dysfonctionnements d’une copropriété suffisamment tôt pour agir efficacement.

Article paru dans les Informations Rapides de la Copropriété numéro 705 de janvier/février 2025
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À la fin février 2024, l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) signalait 166 385 copropriétés - plus de 28 % des copropriétés françaises ! – qui connaissent des impayés et à des niveaux importants. Rénovations lourdes donc coûteuses d’un parc de logements vieillissant, entretien au quotidien générant des frais de maintenance en augmentation, enchérissement des coûts de l’énergie et des matières premières, pouvoir d’achat en berne chez les copropriétaires, etc. sont autant d’explications à ces situations difficiles.

En prévention des dégradations, la loi ALUR a prévu une procédure d’alerte déclenchée lorsque les impayés de charges de copropriété atteignent 25 % des sommes exigibles résultant du budget prévisionnel et du fonds de travaux, taux réduit à 15 % pour les copropriétés de plus de 200 lots. Censés détecter les signes de fragilité financière, ces seuils ne semblent pourtant pas éviter le pire : selon l’ADEME (Agence de la transition écologique), le nombre de copropriétés où les impayés de charges sont supérieurs à 20 % du budget a doublé entre 2021 et 2022.

Préserver une trésorerie saine

Mesurer les dérives financières à l’aide d’un taux arrêté à un instant précis semble insuffisant. Ainsi, auditionné en mars dernier au Sénat dans le cadre de la commission d’enquête sur la paupérisation des copropriétés immobilières, Loïc Cantin, président de la FNAIM, regrettait-il «une photographie sans indication sur la persistance de la dette». «Ce n’est pas le critère qui est important mais son évolution dans le temps», renchérit Olivier Safar, président de Quali-SR.

D’autres moyens peuvent permettre de détecter des difficultés et y faire face. Cette tâche appartient au syndic mais pas seulement. Le conseil syndical doit vérifier régulièrement les comptes de la copropriété et suivre les impayés des copropriétaires. Un niveau élevé doit l’alerter : cela signale soit des difficultés financières, soit un manque de rigueur dans la gestion des recouvrements. Au conseil syndical de saisir le syndic pour examiner les moyens de résoudre rapidement ces problèmes. Une communication ouverte et une collaboration efficace entre le syndic, le conseil syndical et les copropriétaires est ainsi une première voie pour préserver une trésorerie saine et éviter la dégradation des comptes de la copropriété.

Prévenir les dérives financières …

La prévention par le contrôle peut s’accompagner, selon les capacités des membres du conseil syndical ou les compétences du gestionnaire, d’une surveillance un peu plus poussée via des indicateurs pouvant révéler des débuts de dérives financières. La copropriété peut-elle, grâce aux réserves qu’elle s’est constituée, faire face à des dépenses imprévues ou à des travaux importants ? Existe-t-il des écarts significatifs entre les dépenses réelles et celles budgétées ? Si oui, cela est-il dû à des erreurs de gestion ou à des imprévus. Le montant du passif comptable de la copropriété englobant les emprunts contractés pour des travaux est un indicateur intéressant : un taux d’endettement élevé peut limiter les capacités financières futures. Autre point à surveiller : la copropriété peut-elle facilement honorer ses engagements à court terme, payer ses factures courantes, avec ses actifs disponibles, c’est-à-dire ses encours bancaires. Si non, attention ! Ce peut être le signe de problèmes de trésorerie imminents. De même un déficit récurrent indique souvent des dépenses supérieures aux recettes, nécessitant des ajustements budgétaires. Enfin, le pourcentage des lots inoccupés dans la copropriété constitue une alerte.

… s’attacher aux dysfonctionnements

Plus prosaïquement, Olivier Safar insiste sur «le besoin d’autres indicateurs» qui permettent de réagir au plus vite, bien avant les seuils de déclenchement de la procédure d’alerte. Il attire l’attention sur des indicateurs de fragilité plus simples à appréhender. Avec un bémol toutefois : «ils sont intéressants si l’analyse peut être conduite sur plusieurs années», remarque-t-il. Dans la liste de ces dysfonctionnements, l’absence de syndic ou son changement tous les ans, un turn-over annuel des membres du conseil syndical ou pire l’absence de conseil syndical, le défaut d’approbation des comptes de la copropriété pendant deux années consécutives, une augmentation des impayés sur deux ou trois ans, la modification sociologique de la composition des copropriétaires, la déqualification de l’environnement urbain, etc. D’autres signaux ont trait aux ventes des lots : «une augmentation des ventes avec un décrochage dans les prix n’est pas un bon signe». Enfin, le bâti et son entretien au fil des ans constituent des éléments à ne pas négliger. Un bâti dégradé est déjà un handicap, un refus de vote de travaux urgents en assemblée générale, un mauvais signal. Ainsi le carnet d’entretien est-il un moyen pour vérifier ce qui a été réalisé dans le passé, le plan pluriannuel de travaux, un outil d’anticipation. Des montants très élevés de travaux à entreprendre dans les dix ans sont inquiétants, surtout lorsque les possibilités d’emprunt des copropriétaires sont faibles, voire inexistantes…

Un guide pour les gestionnaires

Dans la prévention des processus de dégradation des copropriétés, la bonne gestion est primordiale. Le rôle du syndic de copropriété est donc majeur. Ce que reconnaît Olivier Safar : «il faut former à comprendre et à identifier les copropriétés en difficulté au plus tôt». Il se réjouit d’un travail commun, mené notamment avec l’Agence pour l’amélioration de l’habitat (ANAH). Outre un rapport relatif au repérage des copropriétés fragiles, le groupe de travail prévoit la sortie d’«un guide à destination des gestionnaires», organisé en quatre parties (gestion, finance, valeur des biens, bâti et entretien). L’attribution de notes en fonction des indicateurs retenus dans ce projet de guide leur permettra d’appréhender et d’analyser le patrimoine qu’ils gèrent. Et de repérer, le plus tôt possible, les signes avant-coureurs de la dégringolade.