Dépassement de charges, augmentation du prix de l’énergie, température de 19°, performance énergétique, relations avec les syndics...
Confrontés à des sujets influant à la fois sur le porte-monnaie des copropriétaires et leur confort, les conseillers syndicaux font-ils face ?
Quand on demande à Pierre-Jean Perbet, membre du conseil syndical de la résidence Le Château située à Lyon (136 lots) depuis une vingtaine d’années, comment il va et si la conjoncture actuelle complique l’exercice de son mandat, il répond «avoir été longtemps président et avoir ressenti être trop impliqué suite à l’arrivée d’une propriétaire au conseil syndical». Il a préféré quitter la présidence, il y a deux ou trois ans. De son côté, Bernard Lancien, président du conseil syndical d’une copropriété de 32 lots à Saint-Nazaire, n’est pas inquiet. Et s’il coiffe sa casquette de président de l’Association régionale des copropriétaires Nantes-Atlantique (ARC-NA), il ne note ni épuisement ni abandon de poste chez les présidents de conseil syndical. Et pourtant…
Temps à donner
Pierre-Jean Perbet est actif, notamment dans la réhabilitation énergétique de sa copropriété. «J’ai tenu le choc ; j’ai assisté à quasiment toutes les réunions de chantier», confie-t-il, racontant que d’autres copropriétaires étaient venus puis repartis «tant ils étaient saoulés». Lui n’est pas essoufflé. Quand il rencontre des difficultés, c’est dans le faire. «La jeunesse d’aujourd’hui donne des idées, il claque des doigts pour illustrer son propos, mais il n’y a personne pour les mettre en œuvre !». Il s’y colle donc… Etre au conseil syndical, «c’est donner de son temps». Il se désole des nouveaux venus qui s’engagent plus pour «ce qui les intéresse» que pour «le bien de la collectivité». Lucas Jourdain, président du conseil syndical dans une copropriété de Saint-Ouen-sur-Seine (93) opine «d’une manière générale, l’engagement tient davantage à un intérêt personnel à un moment donné, et cela, quel que soit son âge». Et, quand l’envie disparaît, les bonnes volontés disparaissent avec. «Il faut s’adapter, commente Pierre-Jean Perbet, philosophe, on ne peut changer pas les gens, mais on peut essayer de comprendre leur fonctionnement.»
Gestion collective
Une nécessité dans la mesure où une copropriété ne se gère pas en solitaire. Ce sont toujours les mêmes «mécontents» et «depuis tout le temps». Si le conseil syndical œuvre pour tous les copropriétaires, «il diffère selon que ses membres ont plus de 50 ans ou qu’y siègent des trentenaires». Ce président du conseil syndical parle d’un «décalage». Ce qui ne signifie pas, s’empresse-t-il de préciser, que la jeune génération n’apporte rien. «Elle est indispensable dans un conseil syndical même si ses objectifs diffèrent» de ceux des seniors. Envers et contre tout, le même continue de penser qu’il faut «faire avancer la copropriété, un bien commun qui valorise chaque lot privatif». Ce qui coûte forcément de l’argent… Pourtant la recherche d’économies ne mobilise pas autant qu’il le faudrait. Il sourit : «c’est comme ça, la vie des copropriétaires récents est plus difficile par rapport à celle des plus anciens dont l’appartement est payé», mais il reconnaît que «ça met sous tension».
Du côté de l’ARC-NA, la dernière réunion organisée sur le thème de la transition énergétique a accueilli une bonne cinquantaine de participants. «L’intérêt est fort en raison des nombreuses interrogations». L’association a expliqué les leviers pour améliorer les performances énergétiques des copropriétés : diagnostics, plans pluriannuels de travaux, aides, etc. En la matière, «ce n’est pas le coût qui bloque mais le délai de retour sur investissement de 10 ou 15 ans». Les discussions vont bon train sur les possibilités de lever «les réticences» des copropriétaires «peu enclins à dépenser 12 ou 15 000 euros pour des travaux lourds». L’argument de «la transmission d’un patrimoine et de la valeur verte emporte la décision.
Dialogue à ouvrir
En matière de charges, la situation de la copropriété Le Château «n’est pas plus difficile alors même que les appels de fonds ont été élevés ces douze derniers mois pour payer la réhabilitation énergétique». La réduction espérée du poste «chauffage» a été absorbée par le coût de l’opération et l’augmentation du prix du combustible. «Ce qu’on arrive à expliquer en assemblée générale», se satisfait Pierre-Jean Perbet. Depuis qu’il est au conseil syndical, il incite les copropriétaires en délicatesse financière à chercher une solution avec le conseil syndical et à prendre contact avec le syndic au plus tôt «pour ouvrir un dialogue».
Bernard Lancien ne relève pas de tensions sur le plan économique. Une situation qui pourrait toutefois évoluer, dans les copropriétés chauffées au gaz ou à l’électricité, quand les trésoreries auront été en grande partie siphonnées, que les appels de fonds exceptionnels «énergie» pour 2023 et les régularisations de l’exercice 2022 auront été envoyés aux copropriétaires.
Président du conseil syndical du Nymphéa à Lyon (46 lots), Hervé Tissot sait déjà qu’il faudra augmenter le budget prévisionnel à voter en juin 2023. De son côté, Yves Scheidecker à Strasbourg, est serein dans sa copropriété chauffée au fioul : «les dépenses sont maîtrisées».
Duo à travailler
La rénovation globale de la copropriété Le Château, «une première pour le syndic», a tendu les rapports. «Il nous quitte après vingt-deux ans de services, un peu trop tôt», soupire Pierre-Jean Perbet qui aurait souhaité que la décision n’intervienne qu’à la toute fin de l’opération de réhabilitation. Dans l’Est, Yves Scheidecker estime que la rénovation énergétique prendra des années. «Il faut des entreprises fiables, des personnes qualifiées et de bonne volonté au conseil syndical, et un syndic avec qui discuter». Bernard Lancien a, lui, plutôt de la chance : huit copropriétaires sont au conseil syndical dont certains sont «spécialistes de la copro.» Résultat : le syndic a un «faible degré d’autonomie». S’il parle au nom de l’ARC-NA, il relève qu’une bonne implication du conseil syndical et sa propre formation apaisent les relations avec le syndic. «Ils doivent travailler ensemble», conclut-il.
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