Le groupe de recherche sur la copropriété (GRECCO), réunissant des praticiens et des universitaires, a pour objectif de développer une réflexion pérenne sur l’application et l’évolution du droit de la copropriété. Après débats, le GRECCO rédige des propositions destinées à faciliter l’interprétation des textes du droit de la copropriété, à suggérer des pratiques professionnelles et à susciter des modifications législatives et règlementaires. Préconisation du GRECCO n° 10 du 20 octobre 2020.
L’article 206 II de la loi ELAN précise que les syndicats des copropriétaires disposent d’un délai de trois ans à compter de la promulgation de la loi, soit jusqu’au 23 novembre 2021, pour mettre, le cas échéant, leur règlement de copropriété en conformité avec les dispositions relatives au lot transitoire de l’article 1er de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis.
A cette fin et si nécessaire, le syndic inscrit à l’ordre du jour de chaque assemblée générale des copropriétaires organisée dans ce délai de trois ans la question de la mise en conformité du règlement de copropriété.
La décision de mise en conformité du règlement de copropriété est prise «à la majorité des voix exprimées des copropriétaires présents ou représentés» (art. 206 II, al. 2, de la loi ELAN). Compte tenu de la modification, postérieure à la loi ELAN, de l’article 24 I de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, il apparaît pouvoir être compris qu’il s’agit de «la majorité des voix exprimées des copropriétaires présents, représentés ou ayant voté par correspondance». [Sur ce point, lire la tribune ci-contre, Ndlr]
Article paru dans les Informations Rapides de la Copropriété numéro 663 de novembre 2020
1.- L’objet de la mise en conformité du règlement de copropriété : les lots transitoires
L’article 1 I, alinéa 3, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 consacre la notion prétorienne de lot transitoire. «Ce lot peut être un lot transitoire. Il est alors formé d’une partie privative constituée d’un droit de construire précisément défini quant aux constructions qu’il permet de réaliser et d’une quote-part de parties communes correspondante».
Le lot transitoire est ainsi désormais érigé au rang de lot de copropriété, dont le droit de construire constitue à lui seul la partie privative et auquel une quote-part de parties communes doit être attachée.
Il convient donc de distinguer deux hypothèses :
> Soit la partie privative du lot est exclusivement constituée d’un droit de construire auquel une quote-part de parties communes est attachée. Alors il s’agit sans aucun doute d’un lot transitoire au sens de l’article 1 I, alinéa 3 (par ex. un «lot promoteur»).
> Soit le droit de construire n’est que l’accessoire d’une partie privative (par ex. un lot comprenant un appartement et le droit de construire une véranda). La lettre de l’article 1 I, alinéa 3, semble exclure qu’il s’agisse d’un lot transitoire.
Remarque : Il pourrait en aller différemment si le droit de construire constituait l’essentiel de la valeur de la partie privative du lot. Dans ce cas, il ne peut être exclu que le juge le requalifie de lot transitoire (par ex. un hangar avec un droit de construire toute construction). Pour cette raison il peut être raisonnable de faire mention de son existence dans le règlement (v. infra sur les modalités de la mise en conformité).
2.- Le délai de la mise en conformité du règlement de copropriété
En vertu de l’article 206 II de la loi ELAN, les syndicats des copropriétaires disposent d’un délai de trois ans à compter de la promulgation de ladite loi. Les règlements de copropriété doivent donc être mis en conformité, au plus tard, le 23 novembre 2021.
En conséquence, l’assemblée générale doit avoir approuvé le modificatif du règlement de copropriété avant cette date.
En revanche, le texte de l’article 206 II de la loi ELAN ne semble pas imposer une publication du modificatif avant cette date.
3.- Le contenu de la mise en conformité du règlement de copropriété
En vertu de l’article 1 I, alinéa 4, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, la consistance du lot transitoire est stipulée dans le règlement de copropriété.
a. Les cas de mise en conformité du règlement de copropriété
La mise en conformité est nécessaire :
> Si le lot transitoire n’est mentionné que dans l’état descriptif de division, étant rappelé que si matériellement l’état descriptif de division est inclus dans le règlement de copropriété, il demeure un document juridiquement distinct de ce dernier (art. 3, décret du 17 mars 1967).
> Si le lot transitoire est mentionné dans le règlement de copropriété, mais que le droit de construire n’est pas «précisément défini quant aux constructions qu’il permet de réaliser».
Remarque : La mise en conformité ne peut être utilisée pour créer un nouveau lot transitoire lorsque celui-ci n’est mentionné ni dans l’état descriptif de division, ni dans le règlement de copropriété.
De même, la mise en conformité ne peut être utilisée pour transformer une ancienne convention de l’article 37 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 en un lot transitoire.
b. La mise en conformité du règlement de copropriété
Selon l’article 1 I, alinéa 4, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, la «consistance du lot transitoire» est stipulée dans le règlement de copropriété.
La «consistance du lot transitoire» semble résulter de l’addition de «la partie privative constituée d’un droit de construire précisément défini quant aux constructions qu’il permet de réaliser et d’une quote-part de parties communes correspondante».
En conséquence, la mise en conformité suppose :
> La stipulation dans le règlement de copropriété d’un droit de construire, «précisément défini quant aux constructions qu’il permet de réaliser» selon les termes de l’article 1 I, alinéa 3.
Ici, deux situations peuvent se présenter :
- Soit le droit de construire est déjà «précisément défini quant aux constructions qu’il permet de réaliser», dans les termes de l’article 1 I, alinéa 3, il convient alors de le reproduire tel quel dans le règlement de copropriété ;
- Soit le droit de construire est mentionné dans l’état descriptif de division et/ou le règlement de copropriété n’est pas «précisément défini quant aux constructions qu’il permet de réaliser» dans les termes de l’article 1 I, alinéa 3. Dans ce cas, il convient de le préciser.
Pour ce faire, il peut être suggéré d’indiquer les caractéristiques suivantes :
- L’enveloppe et le périmètre dans lequel doit s’inscrire la construction ;
- Le nombre de bâtiments, le cas échéant ;
- La surface de plancher maximale.
> La stipulation d’une «quote-part de parties communes correspondante»
Cette exigence implique que soit déterminé ce qu’il convient d’entendre par le terme «correspondante», dans la mesure où une telle exigence n’est pas requise dans la définition du lot de copropriété de l’article 1 I, alinéa 3.
Il semble que cette nouvelle rédaction vise à permettre d’éviter que soit attribuée au lot transitoire une quote-part de parties communes sans «correspondance» avec l’importance des droits de construire.
En conséquence, la quote-part de parties communes affectée au lot transitoire doit être calculée au regard de la définition des constructions qu’il est permis de réaliser, et en application des mêmes critères de calcul retenus pour les autres lots, ces critères étant le plus souvent ceux énoncés par l’article 5 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965.
4.- Les modalités de la mise en conformité du règlement de copropriété
a. Préconisations au syndic
L’approbation par l’assemblée générale du modificatif du règlement de copropriété suppose, au préalable :
> De procéder à une analyse des documents de la copropriété, afin d’identifier l’existence de lots transitoires au sens de l’article 1 I, alinéa 3. A cette fin, le syndic peut proposer au conseil syndical de solliciter «un professionnel de la spécialité», dans les termes de l’article 27 du décret du 17 mars 1967 ;
> De prendre contact avec le(s) copropriétaire(s) concerné(s) pour l’(les) informer de la nécessité d’une mise en conformité du règlement de copropriété et de son inscription à l’ordre du jour de la prochaine assemblée générale ;
> De procéder à la définition de la «consistance du lot transitoire» en concertation avec le(s) copropriétaire(s) concerné(s), éventuellement après avoir missionné, avec l’accord du conseil syndical ou de l’assemblée générale, un «professionnel de la spécialité» ;
> D’inscrire à l’ordre du jour de chaque assemblée générale des copropriétaires organisée dans le délai de trois ans, la question de la mise en conformité du règlement de copropriété.
b. Préconisations aux copropriétaires
En vertu de l’article 206 II, alinéa 1er, de la loi ELAN, le syndicat des copropriétaires met en conformité le règlement de copropriété.
En vertu de l’article 206 II, alinéa 2, de la loi ELAN, la décision de mise en conformité du règlement de copropriété est prise à la majorité des voix exprimées des copropriétaires présents ou représentés.
Par conséquent, la mise en conformité du règlement de copropriété constitue une obligation du syndicat des copropriétaires. L’assemblée générale ne peut rejeter, sans engager sa responsabilité, une mise en conformité, dès lors qu’elle répond aux exigences de l’article 206 II de la loi ELAN.
5.- La sanction de l’absence de mise en conformité
Aucune sanction spécifique n’est prévue par le législateur, dans l’hypothèse où la mise en conformité ne serait pas réalisée, au plus tard, le 23 novembre 2021. Il en résulte des incertitudes quant aux conséquences de l’absence d’une mise en conformité dans les termes de l’article 206 II de la loi ELAN.
Deux situations peuvent néanmoins se présenter :
> L’absence totale de mention de la consistance du lot transitoire dans le règlement de copropriété.
Dans ce cas, le lot transitoire pourrait être considéré comme inexistant ou, tout en conservant son existence, n’aurait plus pour effet de conférer le droit de construire au profit du titulaire du lot transitoire.
> Le règlement de copropriété mentionne un lot transitoire mais sa consistance n’est pas précisément définie au sens de l’article 1 I, alinéa 3.
Dans ce cas, la clause pourrait être réputée non écrite par une juridiction si elle devait être saisie.
Pour aller plus loin : lire Inf. rap. copr. n° 662, p. 19 et p. 45 et s.
Message à l’attention du législateur
Compte tenu de la crise sanitaire qui a retardé la tenue des assemblées générales de l’année 2020, de la lourdeur de la mise en œuvre, et de la gravité des sanctions possibles, il est indispensable de reporter le délai de mise en conformité au 31 décembre 2023 au plus tôt, en lieu et place du 23 novembre 2021.
Pour ce faire, il conviendrait donc de modifier l’article 206 II de la loi ELAN.