[CCED N°1] - L'entretien avec Xavier Huertas

par Edilaix
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Président du Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires (CNAJMJ) depuis janvier 2014, Xavier Huertas exerce en région Provence-Alpes Côte d’Azur où il s’est investi dans le développement d’un cabinet intervenant en matière commerciale et civile.
Impliqué dans l’aspect social des copropriétés en difficulté, il a participé en qualité de président du CNAJMJ, à la préparation de la loi ALUR pour la partie des copropriétés en difficulté, et de son décret d’application.
Le CNAJMJ soucieux d’apporter son concours à toutes améliorations législatives, tend au travers de son conseil d’administration composé de huit administrateurs judiciaires et huit mandataires judiciaires, à proposer des solutions innovantes afin de rendre plus efficient le traitement des difficultés des administrés dont ils ont la charge.

Crédit DR ©CNAJMJ

Dans le cadre du rétablissement du fonctionnement des syndicats en difficulté, comment s’organise la collaboration entre l’administrateur provisoire et les instances publiques ou parapubliques ?
«Dès la prise de possession de sa mission, l’administrateur provisoire, désigné au visa de l’article 29-1 de la loi du 10 juillet 1965, prend systématiquement attache avec les pouvoirs publics afin, d’une part, de leur dresser un état de la copropriété au moment de sa désignation et, d’autre part, de les informer des moyens qui seront mis en œuvre pour que la copropriété retrouve son fonctionnement normal. En outre, tout au long de sa mission, l’administrateur provisoire, qui doit également pourvoir à la conservation de l’immeuble, pourra être amené à solliciter l’aide des pouvoirs publics, au travers notamment de subventions, avec l’appui d’associations à caractère social. Le concours actif des pouvoirs publics et l’étroite collaboration d’instances parapubliques permettent un redressement des copropriétés en grande difficulté financière (notamment celles faisant l’objet de plans de sauvegarde de l’habitat) de manière plus efficace».

Par ailleurs, comment votre désignation est- elle perçue par les copropriétaires eux- mêmes ?
«La désignation de l’administrateur provisoire est perçue différemment selon les copropriétaires. Cette désignation intervient d’ailleurs, dans la plupart des cas, à la requête de copropriétaires, satisfaits que des solutions aux difficultés rencontrées par leur copropriété puissent être apportées par un mandataire de justice. A contrario, il est bien évident que les copropriétaires débiteurs qui ont contribué à la dégradation, tant financière que matérielle (dégradation du bâti) de la copropriété, acceptent difficilement la mission confiée à l’administrateur provisoire qui dispose, contrairement au syndic, de pouvoirs plus étendus puisqu’il ne tire pas sa légitimité d’une assemblée générale mais d’un mandat judiciaire.
Toutefois, entre le début de sa mission et le terme de celle-ci, l’administrateur provisoire constate, de manière générale, une satisfaction croissante de la majorité des copropriétaires qui reconnaissent que la mission judiciaire de l’administrateur, conjuguée à sa connaissance de la copropriété et des techniques de restructura- tion, permettent un redressement de leur copropriété et donc une amélioration de leur cadre de vie».

Quels sont, d’après vous, les instruments les plus efficaces mis en place par la loi du 24 mars 2014 afin de redresser les copropriétés en difficulté ?
«Selon moi, un des instruments les plus efficaces mis en place par la loi ALUR pour redresser les copropriétés en difficulté, à l’instar des entreprises en difficulté, se trouve être la suspension de l’exigibilité des créances (autres que les créances publiques) pendant une période de 12 mois à compter de la désignation de l’administrateur provisoire. En outre, cette suspension pourra être prorogée jusqu’à 30 mois à la demande de l’administrateur provisoire, ce qui lui permettra, dans l’intervalle, de procéder à une gestion plus efficace de la trésorerie dans le traitement des copropriétés en difficulté.
Par ailleurs, la possibilité pour l’administrateur provisoire de demander au juge l’autorisation de réaliser les cessions d’actifs appartenant au syndicat, par dérogation au a) de l’article 26 de la loi du 10 juillet 1965, sans passer par l’assemblée générale, est une avancée très importante.
Je rappelle en effet que l’administrateur provisoire ne disposait pas, avant la loi ALUR, du pouvoir de vendre les actifs du syndicat pour apurer les dettes de celui-ci, sans autorisation de l’assemblée générale, et se trouvait donc confronté au blocage récurrent de copropriétaires de “mauvaise foi”, ce qui ne permettait pas de renouer plus rapidement avec une situation financière saine.
De façon générale, l’étendue des pouvoirs de l’administrateur provisoire est une avancée significative apportée par la loi ALUR, car elle permet de passer outre les blocages existant dans les copropriétés».

Qu’attendez-vous du décret annoncé com- plétant le dispositif instauré par la loi ALUR sur les copropriétés en difficulté ?
«J’espère que le décret annoncé, complétant le dispositif instauré par la loi ALUR, saura éclairer les professionnels sur la mise en œuvre des nouvelles dispositions de la loi et permettra une mise en pratique rapide, simple mais efficace, afin de procéder à un rétablissement du fonctionnement normal des copropriétés en difficulté dont le nombre ne cesse de croître».

Repères

• Article 29-1 C de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 (extrait)
I. - Pour exercer les fonctions de mandataire ad hoc prévues à l’article 29-1 A, le juge peut désigner un administrateur judiciaire inscrit sur la liste des administrateurs judiciaires mentionnée à l’article L. 811-2 du Code de commerce.
• Article 29-1 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 (extrait)
III. - Pour exercer les fonctions d’administrateur provisoire prévues au I, le juge peut désigner un administrateur judiciaire inscrit sur la liste des administrateurs judiciaires mentionnée à l’article L. 811-2 du Code de commerce.