Copropriété : Action en cessation d’un trouble de jouissance

par Pierre-Edouard Lagraulet, Avocat au barreau de Paris, Docteur en droit
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L’activité de location touristique de courte durée peut générer un trouble résultant du «roulement des locataires», générateur de bruits et d’éventuelles dégradations des parties communes. Dès lors, faute de pouvoir l’interdire au titre d’une violation de la destination de l’immeuble, une fois les preuves du trouble suffisamment réunies, une action pourra être engagée pour le faire cesser. Deux motifs peuvent être envisagés : le trouble de jouissance et le trouble anormal de voisinage. Le premier est favorable, lorsqu’il peut être envisagé, en ce qu’il n’est pas nécessaire de démontrer l’anormalité du trouble.

Article paru dans les Informations Rapides de la Copropriété numéro 700 de juillet 2024

Distinction du trouble anormal.-

L’article 9 de la loi de 1965 prévoit explicitement que l’usage des parties privatives et communes n’est libre que «sous la condition de ne porter atteinte (…) aux droits des autres copropriétaires». Sur ce fondement, il est possible d’insérer dans le règlement de copropriété une clause stipulant l’interdiction de toute activité bruyante ou gênante. Le cas échéant, le syndicat comme les copropriétaires pourront agir en cessation du trouble du jouissance qu’ils subissent, sans avoir à démontrer son caractère «anormal» (CA Paris, ch. 4-2, 4 juin 2009, n° 08/12397).

Exemples.-

Il a ainsi pu être qualifié de trouble de jouissance, pour en ordonner la cession sans constater une quelconque anormalité, l’aggravation des bruits résultant du changement de revêtement de sols de parties privatives (CA Dijon, 1re ch. civ., 27 mars 2012, n° 08/00280 ; CA Paris, ch. 4-9, 12 avr. 2012, n° 09/23650 ; Cass. 2e civ., 18 mars 1981, n° 80-10.379), ou du changement de distribution des pièces (Cass. 3e civ., 3 juin 2009, n° 08-14.859). La sanction paraît donc pouvoir être appliquée également en cas de suroccupation de locaux privatifs, ces situations ayant pu être constitutives, dans les cas les plus graves, d’un trouble anormal de voisinage (CA Paris, pôle 4, ch. 2, 21 mai 2014, n° 12/17679 ; CA Paris, pôle 4, ch. 2, 15 juin 2016, n° 15/18917).

Procédure.-

L’action en cessation du trouble de jouissance pourra être engagée tant par le syndicat des copropriétaires, lorsque le trouble est collectif (Cass. 3e civ., 12 oct. 1994, n° 92-17.284), que par les copropriétaires ou les occupants de l’immeuble.

L’action pourra être engagée devant le juge du fonds. Dans ce cas, on rappellera que si l’action est engagée contre un copropriétaire par le syndicat, le syndic devra être autorisé par l’assemblée (art. 55, D. 1967).

Enfin, si le trouble est «manifestement illicite» ou si sa cessation est «urgente», une action pourra être engagée devant le juge des référés (voir pour un trouble anormal de voisinage : CA Paris, pôle 01, ch. 08, 11 févr. 2022, n° 21/10676). Celui-ci pourra, par exemple, de manière proportionnée par rapport aux troubles constatés qu’une activité de location saisonnière touristique pourrait engendrer, ordonner la réalisation de travaux d’isolation.

Pierre-Edouard Lagraulet / ©Sebastien Dolidon / Edilaix

Pierre-Edouard Lagraulet, Avocat au barreau de Paris, Docteur en droit
©Sébastien Dolidon / Edilaix