Copropriété : L’action ut singuli en droit de la copropriété

par Pierre-Édouard LAGRAULET, Docteur en droit, avocat au barreau de Paris
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Généralités.- Afin de permettre d’engager, au nom du syndicat des copropriétaires, une action en responsabilité contre le syndic en exercice, l’ordonnance du 30 octobre 2019 a introduit un nouveau mécanisme pouvant être mis en œuvre soit par le président du conseil syndical, soit par des copropriétaires à défaut de conseil syndical. Dans le premier cas, l’action peut être comparable à une action «ut universi», nous y reviendrons dans une prochaine chronique, et dans le second, à une action «ut singuli». Ce sont les articles 15 de la loi du 10 juillet 1965 et 49-1 du décret du 17 mars 1967 qui en déterminent son régime.

Article paru dans les Informations Rapides de la Copropriété numéro 699 de juin 2024

Objet.- L’action visée par l’article 15 de la loi a pour but d’obtenir la «réparation du préjudice subi par le syndicat des copropriétaires, du fait de la carence ou l’inaction du syndic». La demande ne paraît donc pas concerner toutes les fautes du syndic : l’action fautive n’est pas visée (en ce sens, P.-E. Lagraulet, Le syndic de copropriété¸ Edilaix, 2021, § IV.3.9). En outre, l’action n’a pour but que de permettre l’indemnisation du préjudice subi par le syndicat des copropriétaires, et non la cessation de la situation, une autre procédure pouvant être mise en œuvre à cette fin (art. 18, V, L. 1965).

Finalité.- Comme le précise l’alinéa 4 de l’article 15, les dommages et intérêts auxquels le syndic pourra être condamné seront alloués au syndicat, et non aux demandeurs. En revanche, si l’action a été jugée bien fondée, la charge des frais non supportés par le syndic sera «répartie entre tous les copropriétaires proportionnellement aux quotes-parts de parties communes afférentes à leur lot».

Comment.- L’action sera introduite devant le président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond, conformément aux dispositions de l’article 49-1 du décret de 1967. Il s’agit ainsi d’une procédure d’exception ayant pour but d’aller vite ; ce qui reste très théorique compte tenu de l’engorgement de la plupart des juridictions [l’État devrait être plus souvent poursuivi en réparation du dommage causé par le fonctionnement défectueux du service de la justice -nda]

Contre qui.- L’action est introduite contre le syndic, ainsi que le précise l’article 15. Néanmoins, selon l’article 49-1 du décret, lorsqu’elle est introduite par un ou plusieurs copropriétaires (et non par le président du conseil syndical), le président du tribunal judiciaire saisi désigne un mandataire ad hoc représentant les intérêts du syndicat. Cela suppose donc qu’il faille assigner le syndicat, en plus du syndic, ce qui se comprend dans la mesure où, in fine, il bénéficiera des dommages et intérêts auxquels le syndic sera condamné.

Par qui.- Le texte exige d’abord la qualité de copropriétaire. Un tiers, même intéressé, ne pourra donc agir. De plus, il est exigé que le demandeur représente, seul ou à plusieurs, au moins un quart des voix de tous les copropriétaires. À défaut, la demande sera irrecevable.

 

Pierre-Edouard Lagraulet / ©Sebastien Dolidon / Edilaix

 Pierre-Edouard Lagraulet, Avocat au barreau de Paris, Docteur en droit
©Sébastien Dolidon / Edilaix