L’ordonnance du 30 octobre 2019 a développé les atteintes à l’unité du statut de la copropriété des immeubles bâtis, par l’institution d’un régime dérogatoire pour les petites copropriétés, d’une part, et les syndicats à deux copropriétaires, d’autre part.
Dans cette seconde hypothèse, il a été substitué à un régime égalitaire faisant courir le risque de la paralysie, un régime inégalitaire pouvant conduire au risque d’abus de majorité : les voix du majoritaire ne sont en effet plus réduites au nombre de voix du minoritaire lorsque les voix du syndicat ne sont partagées qu’entre deux copropriétaires (art. 41-16 et s., L. 1965).
Article paru dans les Informations Rapides de la Copropriété numéro 698 de mai 2024
Afin de tenter de rééquilibrer ce système, et surtout d’éviter d’autres phénomènes de blocage pouvant résulter de la position dominante du copropriétaire majoritaire, il est prévu un second mécanisme d’exception afin de permettre au minoritaire de se voir autoriser à «passer seul un acte pour lequel le consentement de l’autre copropriétaire serait nécessaire, si le refus de celui-ci met en péril l’intérêt commun» (art. 41-21, L. 1965). Curieusement, aucune précision n’est faite au décret du 17 mars 1967 relativement à cette procédure. Il faut donc considérer que cette demande doit suivre le régime de droit commun et être introduite soit devant le juge du fond, soit en cas d’évidence ou d’urgence devant le juge des référés. Dans tous les cas, puisque c’est une règle générale fixée par l’article 61-1 du décret de 1967, la procédure sera introduite devant la juridiction du lieu de situation de l’immeuble.
Il pourra également être judiciairement autorisé à prendre «toutes les mesures urgentes que requiert l’intérêt commun» (art. 41-22, L. 1965). Le cas échéant, le texte précise que le copropriétaire demandeur pourra être autorisé à «percevoir des débiteurs du syndic ou de l’autre copropriétaire une provision destinée à faire face aux besoins urgents». Cela lui permettra donc de financer les mesures urgentes, dont il aura démontré l’utilité commune. À cette fin, toujours selon l’article 41-22 de la loi de 1965, le juge pourra prescrire les conditions de l’emploi des fonds. Dans cette hypothèse, il est précisé par l’article 42-12 du décret de 1967 que le juge compétent est le président du tribunal judiciaire. Celui-ci statuera selon la procédure accélérée au fond, davantage connue pour le recouvrement des charges (art. 19-2, L. 1965), et parfois sous le petit nom de «PAF» (v° notre chronique, n° 684, déc. 2022). La procédure sera ainsi traitée dans un circuit de référé, quoi que le magistrat statue au fond. Il rendra donc une décision contradictoire et revêtue de l’autorité de la chose jugée. Elle aura force de chose jugée une fois les voies de recours expirées.
Ces procédures ont le mérite d’exister, mais il faut bien constater que lorsqu’il faut les envisager, le demandeur ne pourra que regretter de se trouver dans un syndicat de seulement deux copropriétaires !
Pierre-Edouard Lagraulet, Avocat au barreau de Paris, Docteur en droit
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