Ce mois-ci dans la chronique : Le contentieux du mois
Pour certains, la procédure d'injonction de payer est sans intérêt, comme si elle était toujours vouée à l'échec. Elle produit pourtant de bons résultats, à condition que les copropriétaires poursuivis ne contestent pas leur dette, ce qui est fréquent. De plus, la toute dernière réforme de la procédure civile (d. n° 2021-1322, 11 oct. 2021) vient de simplifier et de renforcer l’efficacité du mécanisme en donnant à l’ordonnance rendue par le président du tribunal judiciaire (TJ) force exécutoire.
Article paru dans les Informations Rapides de la Copropriété numéro 674 de décembre 2021
L’utilité.- L’avantage de la procédure est de pouvoir être entièrement menée par le syndic qui pourra être rémunéré pour formuler la demande (art. 9.1, contrat type). En cas d’échec, la procédure aura permis au syndic de préparer les pièces et une synthèse qui seront dans tous les cas, utiles à l’avocat pour engager la procédure de recouvrement.
La requête.- Au moins jusqu’en septembre 2023, date à laquelle est prévue l’institution d’une juridiction nationale unique, la requête en injonction de payer sera portée devant le président du TJ du lieu de situation de l’im- meuble et non celui du lieu où demeure le débiteur poursuivi (art. 60, d. 17 mars 1967), par dérogation à l’alinéa 2 de l’article 1406 du Code de procédure civile (Cpciv.). La requête devra être «remise ou adressée» au greffe et devra contenir l'indication précise du montant de la somme réclamée avec le décompte des différents éléments de la créance ainsi que le fondement de celle-ci (art. 1407, Cpciv). Elle devra être accompagnée de tous les justificatifs (convocation contenant les comptes approuvés, PV d’AG, avis d’échéance, régularisation des comptes individuels, contrat de syndic, etc.). Il peut, enfin, être intéressant que le syndicat sollicite dans la requête le renvoi immédiat de l’affaire devant leTJ en cas d’opposition du débiteur (art. 1408, CPciv).
L’ordonnance.- Si la demande paraît fondée, en tout ou partie, le juge rend une «ordonnance» portant injonction de payer. S’il rejette la demande, le syndicat pourra alors exercer les voies de recours ordinaires. S’il écarte certaines créances, le créancier peut simplement ne pas signifier l’ordonnance et exercer, de la même manière, les voies de droit commun sur le tout.
La signification.- Une copie certifiée de la requête et de l’ordonnance revêtue de la formule exécutoire devra être signifiée au copropriétaire débiteur dans les six mois de sa date (art.141, Cpciv.). Nouveauté résultant du décret du 11 octobre 2021, les documents justificatifs produits à l’appui de la requête devront également être joints à la copie de la requête signifiée.
L’opposition du débiteur.- Le talon d’Achille de la procédure [mais c’est une faiblesse souhaitable dès lors que la demande consiste en une requête, ndlr] est la possibilité donnée au débiteur de s’opposer à l’ordonnance. Il peut simple- ment écrire à la juridiction dans un délai d’un mois suivant la signification de l’ordonnance, délai qui doit être mis en évidence à l’occsion de la signification (art. 1416, CPCiv). Le cas échéant, le créancier devra constituer avocat dans un délai de quinze jours après convocation par le TJ (art. 1418, Cpciv.) et l’affaire se poursuivra alors selon la procédure écrite ordinaire.
L’exécution.- Si la décision n’est pas contestée, le syndicat pourra alors faire exécuter l’ordonnance aussi efficacement qu’un jugement. En conséquence, l’ordonnance d’injonction de payer non contestée produira davantage d’effets qu’une simple ordonnance de référé puisqu’elle constituera un titre exécutoire. Elle permettra alors, si nécessaire, d’engager la procédure de saisie-vente du lot.
Pierre-Edouard Lagraulet, Avocat au barreau de Paris, Docteur en droit