Copropriété : L’action en diminution du prix de vente d’un lot de copropriété

par Pierre-Edouard Lagraulet, Avocat au barreau de Paris, Docteur en droit
Affichages : 1744

Ce mois-ci dans la chronique : Le contentieux du mois

L’article 46 de la loi du 10 juillet 1965 impose, depuis la loi du 18 décembre 1996 dite Carrez, la mention de la superficie de la partie privative du lot à la promesse unilatérale de vente ou d’achat ou à tout contrat réalisant ou constatant la vente d’un lot ou d’une fraction de lot (à l’exception des caves, garages, emplacements de stationnement et lots ou fractions de lots de moins de 8 m2). Les articles 4-1 et 4-2 du décret du 17 mars 1967 précisent les modalités de calcul de cette superficie.

Ces dispositions, d’ordre public, emportent des conséquences assez graves pour ceux qui les enfreignent. En l’absence de mention, l’acte peut être purement annulé. En cas de mention erronée, et c’est le point qui nous intéresse, l’acquéreur pourra agir contre le vendeur en diminution du prix (art. 45, al. 7, L. 1965).

Article paru dans les Informations Rapides de la Copropriété numéro 667 d'avril 2021

Cette action lui est personnellement attitrée. En conséquence, cette action n’est pas transmise aux sous-acquéreurs, sauf peut-être en cas de cession spécifique à l’instar de l’action en contestation de l’assemblée générale du syndicat.

En outre, deux conditions de recevabilité doivent être réunies afin que l’acquéreur puisse l’exercer :

- il faut d’abord que la superficie mentionnée soit inférieure de plus d’1/20e à celle exprimée dans l’acte authentique ;

- il faut ensuite que l’action soit intentée par l’acquéreur dans un délai d’un an à compter de l’acte authentique constatant la réalisation de la vente, à peine de déchéance. Ce délai, régie par l’article 2220 du Code civil, peut toutefois être «interrompu» par une demande en justice (Ch. mixte, 24 nov. 2006, n° 04-18.610), y compris en référé – par exemple, en référé expertise afin de faire constater la différence de surface (Civ. 3e civ., 12 nov. 2015, n° 14-18.390). Le délai ne sera toutefois pas «suspendu» par cette demande, en ce qu’il est de forclusion (Civ. 3e, 2 juin 2016, n° 15-16.967).

Par ailleurs, cette action devra être exercée sur le fondement des articles 46 de la loi de 1965, et 4-1, 4-2 et 61-1 du décret de 1967, devant la juridiction du lieu de la situation de l’immeuble et non sur le fondement de l’article 1604 du Code civil qui est inapplicable à cette situation selon la Cour de cassation (Civ. 3e, 26 nov. 2015, n° 14-14.778 et 14-28.394).

Enfin, pour assurer le succès de son action, le demandeur devra rapporter la preuve de l’erreur de surface, peu important qu’il en ait eu conscience avant l’acte (Civ. 3e, 5 déc. 2007, n° 06-19.676). Pour cela, la Cour de cassation a précisé qu’une expertise non contradictoire pouvait suffire (Civ. 3e, 5 mars 2020, n° 19-13.509).

Pour conclure, notons que cette action en diminution du prix n’est pas exclusive d’une action en responsabilité, le plus souvent exercée par le vendeur, contre le professionnel qui a procédé au mesurage erroné. Cette action ne pourra toutefois pas conduire à la restitution d’une partie du prix de vente au profit du vendeur (Civ. 3e, 11 sept. 2013, n° 12-23.772) mais seulement à l’indemnisation de sa «perte de chance de vendre le bien au même prix pour une surface moindre» (Civ. 3e, 28 janv. 2015, n° 13-27.397).

Pierre-Edouard Lagraulet

 

 

Pierre-Edouard Lagraulet, Avocat au barreau de Paris, Docteur en droit