Le contentieux de la responsabilité du syndic est, contrairement à une idée communément admise, proche du zéro. Selon les chiffres du ministère de la justice les plus récents, ce contentieux représente seulement 276 saisines annuelles des juridictions du premier degré sur les 41 687 saisines relatives au contentieux de la copropriété. Un syndic, professionnel ou non, a donc relativement peu de chance de voir sa responsabilité engagée. Celui qui la verrait engagée jouerait même, au regard de ces chiffres, de malchance. Toutefois, ce n’est pas ici de cette chance dont il est question. En effet, à bien étudier la jurisprudence récente, y compris celle de la Cour de cassation, une tendance semble se dégager sur la qualification du préjudice causé par le syndic.
Ainsi, certains arrêts retiennent que la faute du syndic cause un préjudice qualifié de perte de chance, consistant en la disparition actuelle et certaine d’une éventualité favorable, justifiant d’évaluer le montant de l’indemnité selon un pourcentage. Il semble que la perte de chance, au regard de sa définition se qualifie selon la conséquence de la faute. Pourtant, lorsque la perte de chance est retenue, il est notable de constater que le syndic a commis une faute dans l’exercice de ses fonctions : récemment, un syndic a pu être condamné à indemniser la perte de chance d’un copropriétaire de renoncer à l’acquisition d’un bien ou à en négocier le prix en raison de l’oubli, fautif, d’inscription de l’objet d’une procédure en cours sur l’état daté. Il a dû indemniser le copropriétaire à hauteur de 40 % du préjudice estimé (CA Paris, 19 juin 2019). Ce raisonnement suit l’invitation formulée par la Cour de cassation à distinguer entre la perte de chance de négociation du prix et le préjudice certain résultant d’une telle faute (Civ. 3e, 27 janv. 2015). Dans un autre cas récent (CA Paris, 8 novembre 2019), un syndic avait empêché un copropriétaire de réaliser l’extension de son appartement et de mettre celui-ci en location pendant cinq ans, du fait de la convocation tardive, de l’absence d’inscription à l’ordre du jour du projet, etc. La cour a retenu que le syndic avait commis une faute générant une perte de chance dont l’indemnisation fut quantifiée à 20 % du montant de gains escomptés.
D’autres arrêts, au contraire, retiennent l’indemnisation totale du préjudice qui est alors considéré comme certain, et non comme étant la perte d’une éventualité favorable. Dans ce cas, il est intéressant de constater que, bien souvent, le syndic aura agi en dehors des limites de ses fonctions, c’est-à-dire sans pouvoir. Ainsi, la cour d’appel de Paris (25 sept. 2019) a pu condamner un syndic qui avait commandé des travaux sans autorisation de l’assemblée générale, outrepassant ses pouvoirs, à indemniser le syndicat pour les sommes totales qu’il a dû acquitter, soit 46 018 euros ! Tout récemment la Cour de cassation (Civ. 3e, 23 janv. 2020) a pu valider, explicitement, le raisonnement d’une cour d’appel qui avait retenu l’évaluation du préjudice causé par le syndic ayant engagé des travaux irrégulièrement, au coût total de ces travaux.
Il semblerait que l’on puisse établir un lien entre la nature certaine du préjudice, le dépassement de pouvoir. Le juge pouvant alors rechercher la nature de la violation de la norme contractuelle afin de qualifier la nature du préjudice. Il convient donc de parfaitement chiffrer le préjudice estimé par le syndicat ou par les tiers afin de demander une indemnité au syndic et, surtout, de motiver, en demande ou en défense, au mieux la nature du préjudice : perte de chance ou préjudice certain, en caractérisant par exemple, la violation des limites des pouvoirs du représentant du syndicat !
Pierre-Edouard Lagraulet, Docteur en droit