04.- Arrêt de travail pour maladie.- Nécessité de remplacer définitivement le salarié

par Joël COLONNA et Virginie RENAUX-PERSONNIC, Maîtres de conférences, Aix Marseille Université
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CA Dijon, ch. soc., 29 avr. 2021,  n° 19/00491

Article paru dans les Informations Rapides de la Copropriété numéro 671 de septembre 2021

La maladie d’un concierge ou d’un gardien d’immeuble, surtout si elle se prolonge - en l’espèce, le gardien était absent depuis quinze mois -, perturbe nécessairement le fonctionnement d’une copropriété et place le syndicat des copropriétaires dans l’obligation de procéder au licenciement du salarié. Mais il lui appartient alors de rapporter la double preuve à la fois de la perturbation de la copropriété et de la nécessité de remplacer définitivement le gardien. En effet, ainsi que le rappelle l’arrêt de la cour d’appel de Dijon du 29 avril 2021, si un salarié ne peut être licencié en raison de son état de santé, son absence prolongée ou ses absences répétées peuvent, cependant, constituer un motif réel et sérieux de rupture du contrat de travail en raison de la situation objective de l’entreprise dont le fonctionnement est perturbé, obligeant l’employeur à pourvoir au remplacement définitif de l’intéressé (Cass. soc., 13 mars 2001, n° 99-40.110.- Cass. ass. plén., 22 avr. 2011, n° 09-43.334). Source fréquente de contentieux, cette dernière condition soulève trois difficultés.

Elle suppose, d’abord, que l’employeur ne puisse recourir à une solution temporaire. Pour décider que tel était le cas en l’espèce, la cour d’appel relève que :

- le syndicat des copropriétaires établit avoir fait remplacer le gardien de l’immeuble par plusieurs entreprises extérieures ;

- il produit des attestations de copropriétaires faisant état de ce que l’absence prolongée de l’intéressé a provoqué des incivilités au sein de l’immeuble (vols, détériorations, agressions, squat dans les escaliers, dépôts d’ordures au sous-sol, intrusions diverses générant de l’insécurité) ;

- ces perturbations ne pouvaient être totalement palliées par les interventions ponctuelles d’entreprises extérieures qui ne pouvaient offrir la même prestation qu’un salarié présent dans l’immeuble en permanence ; l’embauche par contrat à durée déterminée d’un autre gardien se heurtait à l’absence d’un deuxième logement de fonction disponible.

Le remplacement définitif suppose, ensuite, l’embauche d’un autre salarié par contrat à durée indéterminée avec une durée de travail équivalente (Cass. soc., 6 févr. 2008, n° 06-44.389). Tel était là encore le cas en l’espèce selon les juges qui considèrent que, recruté pour des tâches identiques à celles du salarié absent, le remplaçant a été engagé dans les mêmes conditions que ce dernier, peu important que son amplitude de travail (35 heures hebdomadaires au lieu de 40 heures et 10 heures 30 d’amplitude journalière au lieu de 13 heures) soit inférieure, dès lors qu’elle respecte les nouvelles exigences légales qui prévoient que l’amplitude de travail hebdomadaire des gardiens ne peut plus, depuis le 26 novembre 2014, être supérieure à 47 heures 30.

La troisième difficulté concerne, enfin, la date du remplacement, la Cour de cassation ayant précisé que celui-ci doit intervenir soit avant le licenciement mais à une date proche de celui-ci soit dans un délai raisonnable après, délai que les juges du fond apprécient souverainement en tenant compte des spécificités de l’entreprise et de l’emploi concerné, ainsi que des démarches faites par l’employeur en vue d’un recrutement (Cass. soc., 24 mars 2021, n° 19-13.188). Cette exigence était encore satisfaite en l’espèce, quand bien même le gardien licencié en janvier 2017 n’avait été remplacé qu’en avril 2018, dès lors que l’employeur avait mis en place (offres d’emploi) des recherches de recrutement dès le mois de mai 2017 et que l’intéressé n’ayant libéré son logement de fonction qu’en octobre 2017, son remplacement définitif ne pouvait intervenir avant cette date.

On relèvera que les attestations de certains copropriétaires produites par le salarié louant la qualité de son travail sont sans effet sur le bien-fondé du licenciement qui est motivé par les perturbations avérées résultant de son absence prolongée et de la nécessité de le remplacer de façon définitive.