«La loi Le Meur a introduit plusieurs modifications notables»
Avocate et médiatrice, Marine Parmentier possède la double compétence en droit de la copropriété et en bail commercial.
Les deux matières se télescopent souvent pour les commerces de pied d’immeuble ou situés en résidence-services. Dès lors, il convient de maîtriser les notions de destination de l’immeuble, de l’affectation des locaux, ou encore la notion des troubles anormaux de voisinage.
Article paru dans les Informations Rapides de la Copropriété numéro 705 de janvier/février 2025
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L’installation d’un commerce dans une copropriété implique-t-elle nécessairement la modification du règlement de copropriété ?
L’installation d’un commerce dans une copropriété ne nécessite pas nécessairement une modification du règlement de copropriété. Tout dépend des clauses existantes dans ce règlement et de la nature de l’activité commerciale envisagée. Lorsque l’installation d’un commerce est projetée, il appartient au bailleur et au locataire de passer en revue le règlement de copropriété. En effet, il peut contenir des dispositions interdisant, limitant ou encadrant les activités commerciales, notamment :
- la destination de l’immeuble : certains règlements précisent que l’immeuble est à usage exclusivement d’habitation et/ou que certaines activités (commerces, bureaux, professions libérales) y sont interdites. Dans ce cas, l’installation d’un commerce n’est pas autorisée, sauf modification du règlement de copropriété ;
- les parties communes : les règlements peuvent interdire l’utilisation des parties communes à des fins commerciales, par exemple, pour l’installation d’une enseigne ou d’une terrasse. Dans ce cas, le locataire commercial doit respecter ces interdictions ;
- les nuisances : les activités susceptibles de générer des troubles (bruits, odeurs, flux de clients) peuvent également être encadrées ou interdites par le règlement de copropriété. Le problème de ce type de clause est que, souvent, il n’interdit pas a priori l’installation du commerce. En revanche, la clause permettra, si des nuisances sont constatées, de servir de fondement à une action judiciaire à l’encontre du locataire et/ou du bailleur.
Depuis une loi d’avril 2024, la responsabilité de l’occupant d’un fonds dont l’activité génère un trouble anormal ne peut être recherchée si ce trouble préexistait. Pensez-vous que cette disposition aura un impact sur le contentieux ?
La loi n° 2024-346 du 15 avril 2024 introduit un nouvel article 1253 dans le Code civil relatif au trouble anormal de voisinage. L’alinéa 1 est la codification d’une jurisprudence bien établie selon laquelle le propriétaire, le locataire, l’occupant sans titre, le bénéficiaire d’un titre ayant pour objet principal de l’autoriser à occuper ou à exploiter un fonds, le maître d’ouvrage ou celui qui en exerce les pouvoirs qui est à l’origine d’un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage est responsable de plein droit du dommage qui en résulte.
L’alinéa 2 porte sur l’exonération de responsabilité en cas de préexistence du fonds. Il dispose : «Sous réserve de l’article L. 311-1-1 du Code rural et de la pêche maritime, cette responsabilité n’est pas engagée lorsque le trouble anormal provient d’activités, quelle qu’en soit la nature, existant antérieurement à l’acte transférant la propriété ou octroyant la jouissance du bien ou, à défaut d’acte, à la date d’entrée en possession du bien par la personne lésée. Ces activités doivent être conformes aux lois et aux règlements et s’être poursuivies dans les mêmes conditions ou dans des conditions nouvelles qui ne sont pas à l’origine d’une aggravation du trouble anormal». Cet alinéa est la retranscription dans le Code civil de l’esprit de l’ancien article L. 113-8 du CCH [Code de la construction et de l’habitation], consécutivement abrogé. En ce sens, le nouvel article 1253, alinéa 2, ne révolutionne pas le droit applicable.
Une nouveauté réside toutefois dans l’extension de l’exception de préexistence du fonds. Là où l’ancien article L. 113-8 du CCH limitait cette règle à certains types d’activités, l’article 1253, alinéa 2, du Code civil l’applique désormais à toutes les activités, quelle qu’en soit la nature. Cette généralisation permet de prendre en compte une diversité de situations, comme des activités commerciales, industrielles ou artisanales, susceptibles de générer des troubles anormaux de voisinage. Cette évolution élargit donc le champ d’application de l’exception de préexistence, ce qui pourrait avoir une incidence pratique sur les contentieux. Elle pourrait réduire les recours de personnes s’installant à proximité de sites ou d’activités générant des nuisances, en leur rappelant que la préexistence de l’activité constitue une limite à la responsabilité de l’exploitant. Toutefois, en consolidant une jurisprudence déjà bien ancrée, cette réforme ne bouleverse pas les équilibres existants. En résumé, il s’agit d’une évolution plus formelle que substantielle, qui confirme et stabilise une jurisprudence bien ancrée.
Quel sera, selon vous, l’impact de la loi Le Meur en matière de changement d’affectation d’un local d’habitation ?
La loi n° 2024-1039 du 19 novembre 2024 a introduit plusieurs modifications notables dans le CCH, notamment en matière de changement d’affectation des locaux à usage d’habitation en meublés de tourisme. Ces modifications visent principalement à répondre à la crise du logement dans les zones à forte tension immobilière.
Ainsi, l’article L. 631-7 du CCH a été substantiellement modifié pour prévoir notamment un renforcement des obligations d’autorisation préalable : toute transformation d’un local à usage d’habitation en un autre usage (commercial, professionnel ou autre) doit faire l’objet d’une autorisation préalable délivrée par la collectivité locale. Cette autorisation est à présent conditionnée à des critères plus stricts, notamment la prise en compte de l’état de tension du marché locatif dans la commune concernée.
Cette réforme a une double incidence. D’une part, elle tend à complexifier les procédures dans les zones tendues en imposant des obligations supplémentaires aux demandeurs (compensations, évaluation de l’impact sur le marché locatif). D’autre part, elle apporte une plus grande transparence et une harmonisation des critères, ce qui pourrait à terme faciliter la compréhension et l’application des règles par les praticiens.