Armée d’une fervente curiosité de l’humain, de ses grandeurs à ses faiblesses, en passant par ses paradoxes, Isabel Pais y Gosende, n’a pas hésité à faire un pas de côté en faisant dialoguer justice et psychologie. Médiatrice près la cour d’appel de Paris, cette avocate spécialisée en droit de la copropriété, plaide pour une approche apaisée des conflits. Portrait d’une passionnée des sciences cognitives.
Article paru dans les Informations Rapides de la Copropriété numéro 704 de décembre 2024
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L’avocate parisienne Isabel Pais y Gosende fait partie de ces juristes qui ne sauraient se contenter de brandir leur Code de la copropriété pour conseiller et défendre leurs clients, qu’ils soient syndics, présidents de conseils syndicaux ou copropriétaires. «D’autant qu’aujourd’hui, le Code de la copropriété n’incarne plus à lui seul l’unique corpus législatif et réglementaire régissant un immeuble collectif. Il faut également composer avec le Code de la construction et de l’habitation, celui de l’urbanisme, celui de l’énergie, celui des assurances… », s’exclame-t-elle d’une voix rauque et tonitruante.
Face à une matière qui se complexifie à outrance du fait, entre autres, des impératifs de rénovation énergétique, la femme de loi s’est donc engagée il y a quelques années dans la médiation. Promu par les pouvoirs publics pour désengorger les tribunaux, ce mode amiable de règlement des différends est mobilisable au cours d’une instance judiciaire. Mais, il peut tout autant intervenir avant la saisine du juge. Il s’agit alors d’une médiation dite «conventionnelle» initiée par les parties en litige, des copropriétaires par exemple.
«Or, un accord équitable vaut mieux qu’un long procès à l’issue aléatoire», tranche sans détour la médiatrice. Et de poursuivre : «Derrière un litige juridique apparent, se cache souvent un autre conflit sous-jacent, nourri de crispations, d’incompréhension. La médiation permet alors de dépasser la contestation immédiate pour révéler celle dissimulée. Ce processus permet aux parties de s’exprimer, d’écouter, de mieux comprendre les ressorts émotionnels et psychologiques de l’autre, avant de parvenir à une solution consentie. Une demande en nullité d’une délibération d’une assemblée générale pourrait illustrer cette métaphore de l’iceberg. Dès lors, on ne fait pas que régler un litige, on transforme durablement un conflit».
Quand on y regarde de plus près, il n’est d’ailleurs pas inconcevable d’assimiler les juristes à des psychologues. Ces deux professions exercent une activité de régulation : du corpus social pour les premiers, de l’équilibre intérieur pour les seconds. Thèse à laquelle pourrait souscrire Catherine Puigelier, professeure d’université et auteure de plusieurs ouvrages dont Justice et psychologie, que vénère la val-de-marnaise. «La copropriété, matière de l’intime, puisque c’est le lieu où les gens vivent, exige plus que d’autres disciplines juridiques, le recours à la psychologie», observe-t-elle.
Ce qui n’est pas pour lui déplaire. Preuve en est : Isabel Pais y Gosende se souvient avec amusement de la lassitude qui s’est rapidement emparée d’elle quand elle rédigeait toute la journée des procès-verbaux d’assemblée générale pour le cabinet d’affaires où elle a fait ses premières armes.
Son leitmotiv : l’humain donc, au centre de sa pratique, tant comme avocate que comme médiatrice, et ce, a fortiori, dans une société qui devient morcelée. «Une évolution à laquelle la copropriété n’échappe pas», déplore celle qui pratique assidûment le badminton pour évacuer la pression.
A la fin de l’échange, elle cite le philosophe Sénèque : «Ce n’est pas parce que les choses sont difficiles que nous n’osons pas, c’est parce que nous n’osons pas qu’elles sont difficiles». Dit autrement, nous devons avoir le courage du dialogue, de l’écoute et de la proximité pour mieux vivre ensemble en copropriété. Chiche ?