Portrait : Patrice LEBATTEUX, un virtuose

par Sophie MICHELIN-MAZÉRAN, journaliste juridique
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Patrice Lebatteux

Sa vocation précoce pour le barreau, son goût pour la dialectique, sa volonté de partager les savoirs, Patrice Lebatteux, reconnu comme un virtuose du droit de la copropriété se confie.

Et raconte que ce ne sont pas les procès, qu’il a gagnés ou perdus, qui l’ont marqué, mais les gens. L’humain donc, un marqueur important de la copropriété, où la technique ne peut tout régenter.

Patrice Lebatteux est un homme posé, mais derrière cette apparente tranquillité, se cache un esprit vif. De sa voix aiguisée, qui saisit instantanément l’attention de celui qui l’écoute, cet avocat honoraire prévient : «depuis toujours, j’aime être pris dans un questionnement fertile, et non dans des évidences qui enferment».

Une hygiène intellectuelle dont il ne s’est jamais départi, depuis qu’il a été happé par le droit, au sortir d’un baccalauréat littéraire. Son ambition d’alors, sur les bancs de l’Université Panthéon-Assas : revêtir la robe d’avocat. Une vocation spontanée ou presque. «A l’époque, je vouais une grande admiration pour un ami de la famille qui défendait la veuve et l’orphelin dans les prétoires» se souvient-il avec amusement.

D’ailleurs, au détour de ses études supérieures, un bâtonnier lui avait annoncé : «vous ne serez sans doute pas richissime, mais vous aurez une vie passionnante en épousant la profession». Une prédiction qui s’est révélée juste au regard de son parcours. Car, qu’on ne s’y trompe pas, Patrice Lebatteux, aussi discret soit-il, toujours prêt à citer des figures tutélaires (Pierre Capoulade, artisan de la loi de 1965 ; Georges Liet-Veaux, initiateur de l’Institut de droit et d’économie appliqués à l’immobilier ou encore Georges Vedel, grand doyen de la faculté de droit de Paris dans les années 60), est une voix qui compte en droit de la copropriété.

Bien sûr, il a été associé dans un important cabinet d’avocats parisien spécialisé en droit immobilier pendant près de 40 ans, où il a notamment accompagné des projets pharaoniques, comme Disneyland Paris. Mais pas seulement. Il a également présidé la CNEC (Chambre nationale des experts en copropriété), et a créé en 2014 le GRECCO, un groupe de recherche dont les travaux ont largement inspiré le législateur lors du vote de la loi ELAN de 2018 pour sa partie relative à la copropriété, ainsi que les rédacteurs de l’ordonnance de 2019 réformant le droit de la copropriété. «Des textes structurants, qui mettent fin, par exemple, au sacro-saint principe d’un modèle unique de copropriété pour toute la France», souligne Patrice Lebatteux.

Son talent oratoire continue à s’exprimer lors des enseignements qu’il délivre à l’Ecole nationale de la magistrature (ENM) et au sein du Master 2 droit de l’immobilier et de la construction de l’université Panthéon-Assas.

Surtout, Patrice Lebatteux est membre depuis 2019 du Conseil national de la transaction et de la gestion immobilières (CNTGI), en tant que personnalité qualifiée ; il participe ainsi à l’évolution du droit de la copropriété avec le souci d’interroger les principes, de les confronter au réel et de trouver des règles adaptées au bon fonctionnement d’un immeuble collectif.

«Il est aujourd’hui devenu indispensable de voir la copropriété et sa mosaïque de droits voisins, droit de l’urbanisme, droit de l’environnement, droit de la construction …, dans son ensemble et dans sa complexité», assure-t-il. Et d’ajouter, à regret : «depuis quelques années, le législateur s’est mis à être, tout à la fois, trop bavard, trop technique et trop exigeant, à tel point que la réglementation en matière de copropriété est devenue une sorte de monstre insaisissable auquel certains acteurs tentent d’échapper à l’instar des promoteurs immobiliers.»

«Il conviendrait d’assouplir ce carcan et de revenir à une plus grande liberté contractuelle», prône ce civiliste dans l’âme. Il ne fait donc pas parti de ceux qui voudraient voir se multiplier les règles contraignantes en faveur de la rénovation énergétique des copropriétés. 

 

© Aurore Jean / Edilaix