Entretien : Didier Mignery, architecte

par YS
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Didier Mignery«Identifier le potentiel et la faisabilité d’une surélévation»

Lorsqu’en 2005 Didier Mignery, architecte, doit réaliser sa première surélévation à Paris, il doit résoudre plusieurs équations alliant les règles d’urbanisme et les systèmes constructifs. Fort de cette expérience, il modélise les démarches et créée, en 2017, la société UpFactor.

«Spécialiste de la détection à grande échelle du potentiel foncier aérien», la société a pour objet le conseil pour la surélévation des bâtiments. A la suite d’une levée de fonds en 2019, notamment auprès de la CDC (Caisse des dépôts et consignations), de 2,5 M, UpFactor signe des accords de partenariats avec le groupe Oralia, avec des délégations Foncia, ou encore avec des administrateurs de biens indépendants.

En 2021, l’équipe de Didier Mignery, qui compte vingt-et-un salariés, a recueilli le vote favorable pour la cession de droits à construire de vingt assemblées générales, et a instruit d’ores-et-déjà six permis de construire. (YS).

 Article paru dans les Informations Rapides de la Copropriété numéro 669 de juin 2021

Pouvez-vous nous présenter le logiciel mis en place par UP Factor capable de déterminer les “reste-à-construire” dans les grandes villes ?

«UpFactor Geoservices est une application multi-métiers agrégeant des données publiques concernant les bâtiments (hauteur, âge du bâti, forme de la parcelle, forme du toit, présence de combles habités, largeur des voies, etc.) et des données concernant la réglementation (gabarits constructifs, prospects, filets de couleurs, tutelle patrimoniale, etc.). Ce croisement de données permet de générer une donnée inédite, le foncier aérien, identifiant le potentiel de surélévation et de densification parcellaire des immeubles à l’adresse, ainsi que le degré estimé de faisabilité d’un projet de surélévation.

«Le logiciel évolue constamment pour intégrer de nouvelles données et affiner encore l’estimation, afin de réduire le risque pris par nos clients ou le syndicat, intéressés par une telle démarche. Les données concernant l’état thermique du bâti sont en cours d’intégration, et permettront de cibler en priorité les immeubles les plus “déperditifs” du parc bâti.

«Initialisé sur Paris et la métropole de Lyon, le logiciel couvre aujourd’hui les plus grandes métropoles françaises ainsi que l’arc alpin».

 

Développez-vous des arguments spécifiques à la surélévation en copropriété ?

«La surélévation en copropriété permet de réaliser une baisse mécanique des déperditions thermiques de la toiture représentant 30 % des déperditions de l’immeuble en moyenne, de réduire les charges collectives en les subdivisant entre plus de copropriétaires et d’accroître la valeur immobilière des logements existants.

«La vente des droits à surélever permet de financer des travaux communs : rénovation thermique de la façade, changement du système de chauffage, création d’un ascenseur, voire des travaux de confort tels que la création de balcons à chaque logement, d’une toiture-terrasse partagée, etc. A défaut de travaux communs, la valeur du droit à surélever est partagée directement entre copropriétaires.

«La surélévation demeure cependant un projet collectif dont la mise en œuvre passe par un vote à la double majorité absolue de l’article 26».

 

Quelles sont les compétences d’UpFactor par rapport à celles d’un cabinet d’architectes ?

«Outre l’accompagnement à la maîtrise d’ouvrage et à la conception-réalisation propres aux architectes, notre expertise est la détection et l’analyse des potentiels de foncier aérien. Nous sommes capables de mesurer concrètement le degré de faisabilité technique, financière et opérationnelle d’un projet et d’en réduire considérablement la part de risque. Nous intervenons dans la recherche de solutions de son exploitation en vue de financer la rénovation globale des bâtiments.

«Par cette approche, UpFactor se positionne aussi bien dans le conseil auprès des communes, des bailleurs sociaux ou des syndicats de copropriété, que dans la création de solutions nouvelles : transfert des subventions des immeubles surélevés vers ceux qui n’ont pas de potentiels mais ont des besoins de rénovation, partage de la surperformance commerciale générée, mixité sociale verticale, etc.

«Les compétences sont donc multiples et transversales, à l’image de ce qui est requis pour la surélévation. Elles convergent toutes vers l’objectif final : servir les enjeux communs de rénovation, de renouvellement urbain et de qualité des espaces de vie».

 

Quels systèmes constructifs doit-on favoriser pour une surélévation ?

«La préfabrication, notamment tridimensionnelle, répond parfaitement à la contrainte de construire sur les toits. Le temps de chantier est réduit à son minimum, limitant ainsi le probable blocage de la rue par les engins de levages, ainsi que la nuisance pour les occupants de l’immeuble.

«Les modules, fabriqués en mur ossature bois ou en mixité de matériaux, idéalement “biosourcés”, sont légers et solides. Ils peuvent être construits, déjà finis et équipés jusqu’aux revêtements intérieurs, ce qui augmente à la fois la qualité des finitions et la qualité de vie des ouvriers qui travaillent essentiellement en usine et non plus sur chantier.

«Cependant, selon les projets, d’autres systèmes constructifs doivent être mis en œuvre. Qu’il s’agisse de petits éléments d’un système poteaux-poutres qui doivent passer par une porte cochère pour surélever en fond de parcelle ou d’un site si contraint que seule une façade-rideau avec des poteaux en béton permet de garantir une surface habitable suffisante, la variété des réalisations montre qu’une surélévation est nécessairement unique car elle prolonge un édifice unique.

«Dans sa mise en œuvre et son architecture comme dans sa configuration spatiale et dans le dialogue qu’elle opère avec l’édifice ancien, la qualité et la beauté d’un projet de surélévation doivent l’emporter à tous les niveaux : du programme, du partage de valeur(s) et des matériaux, aux performances thermiques et jusqu’à la mise en valeur du patrimoine bâti, qu’il soit ordinaire ou remarquable».