[N°642] - Entretien avec Pascale Burdy-Clément

par YS
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 "Le statut ne survivra que s’il maintient ce juste équilibre entre l’intérêt collectif et les droits individuels"

Pascale Burdy-Clément est avocat spécialisé en droit immobilier inscrite au barreau de Lyon. Lyon accueille cette année le congrès de la Chambre Nationale des Experts en Copropriété (CNEC) intitulé “Loi ELAN et évolution sociologique de la copropriété”. En sa qualité de responsable régionale de la Chambre, Me Burdy-Clément s’est particulièrement investie sur cette édition sur laquelle nous avons voulu l’interroger.
[À noter que Me Burdy-Clément est membre du comité éditorial des Informations rapides de la Copropriété et a dirigé la rédaction de la revue durant plusieurs années.]

 

Quelles sont les activités et les membres de la CNEC ?
«La chambre nationale des experts en copropriété est une association privée de la loi de 1901, créée en 1971, par un groupe d’experts judiciaires (Arnaud, Morand, Peynet) désignés dans les conflits touchant l’application du statut du 10 juillet 1965. Elle a élargi sa vocation en faisant entrer parmi ses membres des professionnels divers, spécialistes de la copropriété : professeurs de droit, hauts magistrats, avocats, notaires, administrateurs judiciaires, syndics de copropriété, géomètres experts… Tous ses membres sont cooptés après parrainage et justification de leur apport à la connaissance du statut de la copropriété dans ses principes comme dans sa pratique.
La CNEC organise plusieurs manifestations annuelles destinées,d’une part, à la mise à jour des connaissances de ses membres sur le statut de la copropriété, et d’autre part, une année sur deux, un congrès en Région et un colloque à Paris, au cours desquels interviennent des sachants de haut niveau.
De plus, la CNEC développe des relations avec des universités ou des associations étrangères de langue française, ayant notamment organisé plusieurs colloques au Québec et au Maroc et préparant présentement un colloque en Belgique (les 2 et 3 mai 2019) qui devrait regrouper des intervenants de plusieurs pays francophones.»
Quel a été le rôle de la CNEC dans les travaux du groupe GRECCO* dont les résultats inspirent le législateur au moment de la définition de la loi ELAN ?
«La CNEC, regrettant la disparition de la Commission relative à la copropriété et constatant qu’il n’existait plus d’organismes spécialement dédiés à l’examen de la loi du 10 juillet 1965 et aux modalités de son application, a eu l’idée de créer, en son sein, en 2015, le GRECCO dont elle a demandé au professeur H. Périnet-Marquet d’assurer la présidence. C’est ce dernier qui a suggéré que le GRECCO fasse le point des textes de droit et propose une réforme législative ne remettant pas en cause le statut de la copropriété mais modernisant celui-ci en tenant compte essentiellement de l’évolution jurisprudentielle de la loi sur plus de cinquante ans et en proposant des modes complémentaires de gestion pour tenter de résoudre les points de blocages dans l’administration des copropriétés, notamment, en ce qui concerne la gestion des grandes ou des petites copropriétés.
La CNEC et le GRECCO se réjouissent d’inspirer le législateur (en fait cette inspiration n’a été clairement revendiquée que par le Sénat), mais, travaillant dans un esprit totalement indépendant de tout pouvoir public, le GRECCO n’est pas un groupe de pression défendant de quelconques intérêts auprès du pouvoir politique ; il se veut seulement une source de réflexions au profit éventuel de toutes les parties prenantes au statut de la copropriété.»
Pouvez-vous nous dire de quelle manière les changements de comportement des Français ont eu une influence sur le statut de la copropriété ?
«Ce sont essentiellement les moyens actuels d’une communication instantanée, de partage et d’échange d’informations (vraies ou fausses) qui modifient le comportement des personnes dans la société. En matière de copropriété, l’accès à l’information et la faculté d’interpeller directement et sans aucun délai les syndics et les membres des conseils syndicaux de copropriété modifient en profondeur le comportement des uns et des autres souvent pris en porte-à-faux entre deux attitudes opposées : d’une part ,une volonté interventionniste - mais sans contrainte - sur toutes les questions et, d’autre part, une affirmation individualiste au détriment de l’intérêt collectif et conduisant parfois à l’incivilité.»
Dans le même ordre d’idée, quelles seraient les modifications légales opportunes au regard de l’évolution sociologique au sein des copropriétés ?
«La loi doit trouver un juste équilibre entre ces comportements antagonistes tout en tenant compte de l’évolution sociologique et technique : d’une part, en facilitant la prise de décisions de la copropriété (pas seulement dans le cadre des assemblées générales) et, d’autre part, en favorisant l’intérêt collectif qui n’est pas que la somme des intérêts individuels.
Face aux tentatives de supprimer de la propriété individuelle, toute part de collectif (le propriétaire ne serait plus que locataire des parties communes) le statut de la copropriété ne survivra que s’il maintient ce juste équilibre entre l’intérêt collectif et les droits individuels, raison même de cette institution.