Copropriété : Combattre les punaises de lit

par Sophie MICHELIN-MAZÉRAN, journaliste juridique
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©A close up of a Common Bed Bug (Cimex lectularius)

Si les «bêtes à bon Dieu», plus connues sous le nom de coccinelles, ravissent le plus grand nombre, il n’en est pas de même des punaises de lit. Ces hématophages font souvent vivre un véritable enfer à ceux qui les hébergent. En recrudescence depuis plusieurs années, ils sont devenus un quasi-problème de santé publique. La copropriété n’échappe pas à ces nuisibles. Attention, du risque sanitaire à une source de contentieux !

Article paru dans les Informations Rapides de la Copropriété numéro 686 de mars 2023

À la faveur de la banalisation des voyages, de l’attrait pour les achats de seconde main et de l’apparition de fortes résistances aux insecticides, les punaises de lit sont de retour en France depuis les années 90, et ne cessent de proliférer depuis. Aucun lieu n’est épargné, qu’il s’agisse d’hôtels, de locations de tourisme, de restaurants et de logements.

Un fléau à prendre au sérieux

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Comme leur nom l’indique, les punaises de lit se nichent spécialement dans la literie, au plus près de leurs proies humaines, pour venir les piquer la nuit, quand elles dorment.

Si ces parasites ne présentent aucun danger pour l’homme (ils ne transmettent pas de maladie), leurs piqûres peuvent avoir des conséquences dermatologiques (démangeaisons, plus rarement urticaire), mais aussi psychologiques, comme des troubles du sommeil ou encore des symptômes d’anxiété, quand le problème s’éternise.

Car ces nuisibles, une fois installés, se multiplient à toute vitesse, capables de coloniser tout un logement, les appartements voisins, voire les parties communes d’un immeuble, si rien n’est entrepris rapidement. Et il n’existe aucun traitement préventif. «Dans un immeuble parisien dont nous assurons la gestion, plusieurs chambres de bonne contiguës ont été infestées en quelques mois», confirme Richard Jung, gestionnaire de copropriété chez André Griffaton SAS.

Face à ce fléau, un plan interministériel de lutte contre les punaises de lit a été mis en place en mars 2022. Il repose sur plusieurs axes, en particulier garantir une meilleure information du public, accompagner les ménages dans le traitement des infestations, et créer un observatoire national pour mieux surveiller ce risque sanitaire. Il était temps !

Techniques de lutte et coûts

De manière générale, il est préférable de faire appel à un professionnel, plutôt que d’essayer d’éliminer soi-même les parasites ; celui-ci dispose d’équipements et de produits spécifiques.

Mais comme ce marché est devenu lucratif, des entreprises peu scrupuleuses y sévissent, d’autant qu’il n’existe pas de tarifs réglementés. Aussi, gare aux traitements inefficaces, parfois dangereux pour la santé des occupants du logement infesté, avec à la clé des factures exorbitantes.

Il faut donc s’assurer que le technicien sollicité soit compétent. Un conseil : la Chambre syndicale de désinfection, désinsectisation et dératisation (CS3D) publie sur son site l’annuaire des professionnels ayant bénéficié d’une formation spécifique, et signataires de la charte gouvernementale STOP PUNAISES. Sachant que l’entreprise est, en outre, sensée être en possession du certificat «Certibiocide», délivré par le ministère de la Transition écologique, qui atteste notamment d’un certain niveau de compétence.

Il est également préférable de solliciter deux entreprises pour comparer les protocoles et leurs tarifs. «Les entreprises doivent, en principe, se déplacer dans les logements, pour établir un diagnostic et un devis sérieux», explique Richard Jung.

En l’absence de remède miracle, plusieurs protocoles existent et sont mobilisables alternativement et/ou conjointement selon le degré d’infestation : chimiques ; par vapeur ; par canons à chaleur ou encore par le froid (cryogénisation). «Généralement, plusieurs interventions dans les logements, au minimum deux, sont nécessaires pour se débarrasser définitivement des punaises de lit», note le gestionnaire de copropriété.

Et pour identifier leurs cachettes les plus secrètes, comme l’arrière des plinthes, les interstices d’un parquet, les caches des prises… des chiens dressés à reconnaître leur odeur peuvent être utilisés par les professionnels.

En moyenne, les personnes touchées dépensent entre 500 à 1 000 € pour mettre fin à ces nuisibles, sachant qu’il n’existe pas à ce jour d’aides publiques, notamment en faveur des foyers les plus modestes. «Il en a coûté 1 400 € TTC pour venir à bout des punaises de lit dans les trois chambres de bonnes infestées», ajoute Richard Jung.

Qui paie ?

Il convient de distinguer le cas des punaises de lit dans un logement et/ou dans les parties communes.

S’agissant du logement, souvent foyer originel de l’infestation, la loi ELAN de 2018 est venue modifier l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989 concernant la définition du logement décent, qui doit désormais être «exempt de toutes infestations d’espèces nuisibles et parasites».

Dit autrement, le bailleur est tenu de remettre à son locataire un logement sain. En cas d’infestation, il lui appartient alors de payer les frais de détection et d’élimination des punaises, sauf s’il arrive à démontrer que le locataire les a introduites, ce qui, en pratique, se révèlera difficile à prouver. Le bailleur peut même être tenu d’indemniser des frais annexes, par exemple des notes de pressing (CA Reims, 19 juin 2020, n° 19/01211).

En cas d’inertie du bailleur et de son locataire, alors que les punaises de lit menacent de contaminer tout un immeuble, le syndic, mandaté par le syndicat des copropriétaires, est autorisé à saisir le juge des référés pour faire désigner un commissaire de justice, dont la mission sera de procéder à l’ouverture de l’appartement infesté afin de permettre à l’entreprise désignée de mettre en œuvre le traitement contre les punaises de lit. De plus, le juge peut faire condamner le bailleur à indemniser le syndicat de son préjudice financier, notamment les frais engagés pour la désinfection des parties communes (CA Paris, 30 juin 2022, n° 22/00511).

Dans l’hypothèse d’une circulation, non contrôlée, des punaises de lit dans les parties communes et, donc dans plusieurs appartements, le syndicat des copropriétaires peut être mis en cause puisqu’il est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers ayant leur origine dans les parties communes, conformément à l’article 14 de la loi du 10 juillet 1965 (en ce sens, CA Paris, 9 déc. 2022, n° 22/07719).

À noter que parmi les actions à venir du plan interministériel de lutte contre les punaises de lit, se trouve la modification de la notice d’information annexée au bail de location pour y rappeler la responsabilité du bailleur au titre de la décence et celle de l’occupant au titre de la réglementation sanitaire.

 

Sites et contacts utiles :

- 0806 706 806 (numéro vert, prix d’un appel local) ;

- stop-punaises.beta.gouv.fr (site mis en ligne par le ministère de la Cohésion des territoires) ;

- www.ameli.fr/assure/sante/themes/punaises-lit (site de l’assurance-maladie) ;

- www.cs3d.fr (chambre syndicale 3D réunissant les principaux acteurs de l’hygiène antiparasitaire) ;

- www.sedcpl.fr (syndicat des experts en détection canine des punaises de lit).

 

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