Tous les litiges en copropriété n’imposent pas le recours à un avocat. Et c’est heureux !
Un trouble anormal de voisinage peut être résolu par un syndic diligent, tandis que la procédure d’injonction de payer s’affranchit du ministère d’avocat. En revanche, dès qu’un contentieux doit être porté devant le tribunal judiciaire, il devient nécessaire d’être représenté par un avocat.
Mais qui supporte le paiement de ses honoraires ?
La singularité du fonctionnement de la copropriété va s’illustrer, une nouvelle fois, à travers la pluralité des réponses possibles à cette question.
Article paru dans les Informations Rapides de la Copropriété numéro 685 de janvier-février 2023
La décision du choix de l’avocat
Avant de déterminer le débiteur des honoraires de l’avocat, encore faut-il s’interroger sur celui qui le mandate ? Cette question préalable ne peut être éludée dans la mesure où, en principe, celui qui mandate l’avocat est celui qui paie ses honoraires. Toutefois, les spécificités liées au fonctionnement de la copropriété contredisent parfois cette règle, comme on va le voir plus loin.
S’agissant du choix de l’avocat, trois situations sont à distinguer.
Lorsque que c’est un copropriétaire qui agit en justice ou qui est attrait en justice, il n’y a pas de difficultés particulières. Il lui appartient de choisir librement son conseil, sauf à privilégier un professionnel dont les connaissances en droit de la copropriété sont éprouvées, plutôt qu’un généraliste, au regard de la complexité de cette matière.
Idem quand la responsabilité du syndic est recherchée sur le fondement de l’article 1240 du Code civil.
Quid lorsque c’est le syndicat qui est en litige ? Si celui-ci a qualité pour agir en justice, tant comme demandeur que défendeur, le syndic exerce l’action en sa qualité de représentant légal.
Dans la majorité des cas, il en résulte que c’est le syndic qui désigne l’avocat. Et souvent, il s’agit d’un professionnel avec lequel il a l’habitude de travailler.
«Chacun de nos avocats sont choisis en fonction de la nature et du degré de difficulté du litige. Pour le recouvrement des charges impayées, nous travaillons avec plusieurs cabinets via une convention-cadre, alors que pour d’autres types de contentieux, plus complexes, comme ceux liés à des désordres constructifs, nous faisons appel à des avocats spécialisés, à charge pour eux d’établir une convention d’honoraires pour chaque nouveau dossier confié», explique Olivier Safar, administrateur de biens.
Ici, les frais d’avocat sont des charges comme les autres, que chaque copropriétaire doit acquitter à proportion de sa quote-part de tantièmes. Mais, pas toujours…
Quand le syndic outrepasse ses pouvoirs
L’avocat mandaté pour représenter la copropriété, ainsi que sa convention d’honoraires, doivent-ils être visés par le conseil syndical et/ou approuvés en assemblée générale, à l’instar de la règle selon laquelle le syndic ne peut agir en justice au nom du syndicat, sans y avoir été autorisé par une décision de l’assemblée, exception faite des actions en recouvrement de créances ou d’une situation d’urgence ?
Selon Pierre-Edouard Lagraulet, avocat
[et auteur aux éditions Edilaix - ndlr] : «Certains syndics prennent soin de consulter le conseil syndical avant de choisir un avocat, d’autres pas. Il y a vraiment deux écoles». «Il arrive parfois que l’avocat soit contacté par le conseil syndical ; il n’en reste pas moins que la décision de le mandater appartient au syndic, représentant légal du syndicat», précise Olivier Douek, avocat au barreau de Paris.
On le voit, différentes pratiques coexistent, en fonction des enjeux du litige et du quantum prévisible des honoraires de l’avocat, qu’il n’est pas toujours aisé de déterminer à l’avance, en particulier en cas de facturation au taux horaire.
A noter, toutefois, que la Cour de cassation en 2002 (Cass. 3e civ., 12 juin 2002, n° 01-00.856), puis la cour d’appel (CA Chambéry, 13 oct. 2020, n° 18/02039), ont jugé que l’engagement d’honoraires de résultat d’un avocat en complément d’honoraires fixes, obligeait le syndic à consulter le conseil syndical et à obtenir l’autorisation de l’assemblée ; à défaut, sa responsabilité était engagée pour faute dans l’exécution de son mandat. Résultat, les honoraires d’avocat ne pouvaient être supportés par le syndicat des copropriétaires, mais par le syndic.
Représentation unique du syndicat et du syndic ?
Il peut arriver que deux procédures interviennent concomitamment, notamment lorsqu’un copropriétaire assigne le syndicat en nullité d’une assemblée générale et le syndic pour faute en cas de non-respect du délai de convocation.
Dans cette situation, il n’est pas rare que le syndic, qui a mandaté l’avocat du syndicat, prenne, par commodité, le même conseil. En effet, aucun texte rien n’interdit l’unicité de conseil pour le syndicat et le syndic (CA, Aix-en-Provence, 2 mai 2019, n° 17/11092).
«Pourtant, le risque de conflit d’intérêts existe, et l’avocat a alors tout intérêt à adresser à un confrère l’une des deux parties qui l’a sollicité», recommande Olivier Douek.
Et Pierre-Edouard Lagraulet de compléter : «D’autant qu’il est préférable que l’avocat du syndic et celui du syndicat présentent deux conventions d’honoraires distinctes, afin que chaque partie acquitte bien les honoraires de son avocat, et qu’aucune confusion dans les comptes de la copropriété ne soit possible».
Recouvrement de charges, qui paie ?
Dans le cadre d’une procédure judiciaire de recouvrement de charges à l’encontre d’un copropriétaire débiteur, les honoraires d’avocat ne figurent pas formellement dans la liste des frais qui lui sont imputables, ceux dits «nécessaires», visés à l’article 10-1 de la loi de 1965, pas plus que les dépens, ces sommes qu’il est nécessaire d’exposer pour obtenir une décision de justice (Cass. 3e civ., 9 nov. 2022, n° 21-20.516).
Cela signifie que les frais d’avocat restent, en principe, à la charge du syndicat, et sont calculés au prorata des quotes-parts de charges générales, dont celle du copropriétaire débiteur.
Néanmoins, ces honoraires peuvent être, en partie, récupérés via l’indemnité allouée au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, sous réserve de l’acceptation du juge, qui est libre de sa décision en fonction de l’équité ou de la situation économique des parties au litige. «Ces frais sont estimés forfaitairement par le juge, au regard notamment de la difficulté de l’affaire et de la longueur de la procédure. Ils se situent généralement entre 2 000 et 5 000 €, sauf situation particulière», indique Olivier Douek.
Si le copropriétaire gagne contre le syndicat, il peut être dispensé du paiement des frais de procédure, qui seront alors répartis entre les autres copropriétaires.
«A noter que dans les immeubles où les litiges sont récurrents, nous incitons le syndicat à recourir à une garantie de protection juridique qui permet de prendre en charge de manière forfaitaire les frais d’avocat quand une action contentieuse est engagée à l’encontre du syndicat ou, à l’inverse, lorsque ce dernier doit mener une action contre un tiers», conclue Olivier Safar.