[N° 594] - Travaux : les règles de mise en concurrence

par Paul TURENNE
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Dès lors que les travaux envisagés dépassent un certain montant décidé par l’assemblée générale, le syndic est tenu de faire établir plusieurs devis pour tous les contrats qu’il conclut pour le compte du syndicat des copropriétaires, hormis le contrat de syndic. Rappel des règles en la matière. Téléchargement

 

 

 

Engagés par le syndic, les travaux à effectuer sur les parties communes peuvent soit être laissés à sa libre initiative, soit faire l’objet d’un vote par les copropriétaires à des majorités différentes selon la catégorie dans laquelle ils sont classés : travaux d’entretien, d’amélioration, de mise en sécurité des ascenseurs, urgents, ou bien encore ceux aux frais d’un ou plusieurs copropriétaires, dès lors qu’ils ne sont pas d’intérêt collectif. Dans le cas contraire, le syndicat est, sauf exception, le seul habilité à réaliser les travaux portant sur les parties communes.

Obligation de mise en concurrence

Si l’obligation de mise en concurrence résulte des dispositions de l’article 21, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1965 (cf. Point de droit de Nathalie Figuière dans dans le n° 593, p.47 : “La mise en concurrence en copropriété”), il n’est cependant pas rare que les syndics rencontrent des difficultés pour obtenir autant de devis qu’ils le souhaiteraient. Et pour cause, les professionnels sont parfois “refroidis” par le mode de fonctionnement inhérent à la gestion en copropriété. En particulier, la longueur des cycles de décision, du fait la présence d’un mandataire – le syndic – et des allers-retours entre ce dernier et le syndicat de copropriétaires.
Du fait de ces freins, les syndics ont tendance à travailler régulièrement avec des sociétés qu’ils connaissent bien, leur garantissant ainsi un «volant d’affaires» tacite, et s’évitant par là-même des relances et des tâches de consultation rallongées. Une situation qui n’est pas toujours du goût des copropriétaires qui peuvent estimer que la mise en concurrence ne joue pas à plein.
Favoriser la concurrence
Afin de tenter de remédier à cet état de fait, l’assemblée générale est toutefois libre de décider des modalités de mise en œuvre de cette concurrence, comme le précise indirectement l’article 19-2 du décret du 17 mars 1967 :
«La mise en concurrence pour les marchés de travaux et les contrats autres que le contrat de syndic, prévue par le deuxième alinéa de l’article 21 de la loi du 10 juillet 1965, lorsque l’assemblée générale n’en a pas fixé les conditions, résulte de la demande de plusieurs devis ou de l’établissement d’un devis descriptif soumis à l’évaluation de plusieurs entreprises.»
L’assemblée générale peut donc tout à fait obliger le syndic à appliquer un mode opératoire impliquant le conseil syndical très en amont de la consultation, ou bien encore, à communiquer à ce dernier la copie des demandes de devis effectuées. L’objectif visé sera bien évidemment d’obtenir un maximum de devis afin de choisir le plus intéressant, tant en termes de prestations que de tarifs.

Travaux urgents : l’exception provisoire

En cas de travaux urgents à entreprendre, le syndic peut être amené, si cela est nécessaire pour l’ouverture du chantier, à demander une provision aux copropriétaires avant d’avoir pu recueillir leur accord, mais après avoir obtenu l’avis du conseil syndical. La provision ne doit pas dépasser le tiers du montant du devis estimatif des travaux.
Par ailleurs, le syndic ne peut demander de nouvelles provisions pour le paiement des travaux qu’en vertu d’une décision de l’assemblée générale qu’il doit convoquer à cet effet, et immédiatement.

Travaux supplémentaires : seule une assemblée peut les décider !
En tant que représentant légal du syndicat des copropriétaires, le syndic ne peut agir, en matière de travaux, que dans le cadre des autorisations données par l’assemblée générale. Qui plus est, seuls les travaux ayant été votés en assemblée générale sont opposables aux copropriétaires. Un syndic ne peut donc décider sans l’accord du syndicat des copropriétaires de mettre en œuvre des travaux supplémentaires en cours de chantier, quand bien même ces derniers s’avéreraient nécessaires.
La Cour de cassation l’a très clairement rappelé dans un arrêt de la 3ème chambre civile, le 11 mai 2010, (n° 09-14340). Une entreprise avait ainsi été chargée, par marché à forfait, de travaux de ravalement de façade de la copropriété. Au cours de ces derniers, des travaux imprévus avaient engendré un surcoût de 30 % que le syndic avait autorisé et réglé de son propre chef, affirmant au demeurant à l’architecte que ces travaux avaient été autorisés.
Au final, la Cour de cassation a estimé que le syndic avait outrepassé ses droits et violé ainsi les dispositions de l’article 18 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965. Du fait de cette faute, il devait en conséquence garantir le syndicat pour le règlement des sommes dues en vertu du marché passé irrégulièrement.

De l’importance de (re)négocier
Selon les chiffres de l’Association des responsables de copropriété (ARC), en 2012, le chauffage et l’eau chaude ont représenté en moyenne 32,1 % des charges d’un immeuble, l’entretien 24 % et les frais de gardiennage 19,3 %. Autant de postes sur lesquels une mise en concurrence efficace permet de réaliser de substantielles économies.
Car entre les augmentations de tarifs, les prestations non réalisées ou facturées hors contrat, les factures peuvent vite enfler. La copropriété aura ainsi tout intérêt à renégocier chaque année les contrats précédemment conclus avec des prestataires en les mettant en concurrence avec de nouveaux. Quitte à signer avec le même, en ayant obtenu une baisse de prix, ou en ayant inséré une nouvelle clause plus favorable aux copropriétaires.
Idem, en ce qui concerne les contrats pluriannuels tels que ceux de chauffage ou d’entretien de l’ascenseur, même si la tâche se révèle souvent plus difficile. Insérer une clause adaptant, par exemple, la consommation énergétique à l’évolution des «degrés jours unifiés» (DJU) – unité de mesure quantifiant la température hivernale au quotidien – permettra d’économiser de l’énergie en évitant une surchauffe inutile.

Attention aux excès inverses !
Si l’article 21, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1965 rend obligatoire la mise en concurrence, son application n’est pas prévue pour les moindres travaux courants. Des assemblées fixent ainsi couramment à hauteur de 1 500 e hors taxe le seuil prévu par le texte, limitant de facto la mise en concurrence aux travaux importants, selon l’esprit de la loi. Or, certains présidents de conseils syndicaux vont jusqu’à réclamer une mise en concurrence pour la moindre dépense engagée. La cour d’appel de Paris 23ème chambre - section B du 31 janvier 2008 (n° 07/03586) a pu constater ainsi l’exemple d’un tel «excès». En l’occurrence, elle a débouté un copropriétaire qui souhaitait être exonéré de toute contribution au paiement de la dépense litigieuse :
«Considérant qu’ils se réfèrent à une décision d’assemblée générale du 4 juin 2004 aux termes de laquelle la consultation du conseil syndical est obligatoire ainsi que la mise en concurrence des entreprises pour la conclusion de tout marché au contrat d’un montant supérieur à 763 € ; qu’ils contestent en premier lieu l’engagement d’une dépense de 784,97 € pour le remplacement d’une antenne de télévision ; mais qu’eu égard à l’importance de la télévision dans la vie des familles, la mauvaise réception de la télévision par cinq copropriétaires suffit à caractériser l’urgence de l’intervention et donc de l’engagement de la dépense ; que le dépassement de 21,97 € ne saurait au surplus justifier l’annulation ; que la critique des appelants sur ce point, qui s’étale sur plus de deux pages de leurs conclusions, est parfaitement dérisoire et en tous cas infondée ; …»