La copropriété hors-sol
- par Colette Chazelle, Avocat au barreau de Lyon et Thierry POULICHOT, Directeur des garanties citoyennes
-
Affichages : 1504
La théorie de l’attraction du sol n’est pas l’apanage des physiciens. Les juristes l’ont également adoptée. Les rédacteurs du Code civil ont traduit la règle de l’accession de l’Ancien droit à l’article 552 du Code civil : «La propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous» si bien que la dissociation du sol, qui est le principal, et du bâti, son accessoire, semble peu concevable dans notre droit des biens.
La loi spéciale que constitue le régime de la copropriété des immeubles bâtis livre une approche qui semble ne pas déroger à la pleine indissociabilité du sol et du bâti.
Présumés parties communes, les sols, terrains, parcelles, cours, parcs et jardins, voies d’accès sont le plus souvent définis comme tels dans les règlements de copropriété, si bien qu’ils prennent la même qualification que le «bâti», généralement désigné sous le terme «gros-œuvre». Il semble qu’il y ait ainsi une unité du régime réservé au sol et au bâti en droit de la copropriété, sauf clause contraire. Les droits accessoires aux parties communes suivent logiquement la même qualification : le droit de construire, le droit d’affouiller le sol.
Pour autant, y-a-t-il là une véritable application de la théorie de l’accession en droit de la copropriété ? «On observe bien dans ces endroits une attraction qui est celle du principal à accessoire, mais pas par rapport au sol. D’un côté, il est privé de son pouvoir d’attraction. D’un autre côté, le sol apparait, dans l’application qui est faite par la loi de 1965, comme l’assiette de référence de la copropriété. Il n’est pas un élément (du bâti ou non-bâti) comme les autres».
En définitive, le sol n’est partie commune que par définition conventionnelle du règlement de copropriété ou par présomption légale de l’article 3, dans le silence ou la contradiction des titres.
La loi spéciale applicable en copropriété, par le biais de la dualité des parties communes et parties privatives, permet intrinsèquement de déroger à la règle générale de l’accession.
Ainsi, il n’est pas impossible de définir le sol comme étant une partie privative, mais surtout, il est possible de conférer un usage exclusif de la superficie, qui constitue alors un droit réel et perpétuel, mais accessoire au lot auquel il est rattaché.
Plus généralement, on observe «l’effervescence de la catégorie des droit réels, tout à la fois législative et jurisprudentielle. Celle-ci semble répondre à un double mouvement : d’un côté, une éclatante libéralisation de la catégorie, dans une jurisprudence à rebondissements relative en particulier aux droits réels de jouissance spéciale (…) de l’autre, le développement en entonnoir de nouveaux droits réels légaux, l’encadrement législatif de baux réels se resserrant de bail en bail. Chaque bail réel supplémentaire s’inspire en effet du précédent tout en renforçant encore le cadre juridique applicable».
Des textes récents en France ont emprunté aux pays de Common Law des mécanismes de baux réels, adoptant le bail réel immobilier, puis le bail réel solidaire, qui connaissent un large développement (II).
Nonobstant l’interventionnisme étatique que ces outils juridiques engendrent, ils répondent à l’objectif social prégnant de permettre l’accès à la propriété au plus grand nombre en ne leur faisant pas supporter le coût du terrain. La dissociation du sol et du bâti en copropriété n’est pour autant pas véritablement novatrice en France. Les nombreux terrains appartenant aux Hospices civils de Lyon font l’objet de baux sur lesquels sont bâtis des immeubles soumis au statut de la copropriété (I).
Article paru dans les Informations Rapides de la Copropriété numéro 676 de mars 2022
Acheter cette étude en version PDF
pour 6,99 € seulement sur edilaix.com