Copropriété : Les contours de l’autorisation du syndic d’agir en justice
- par Jérôme HOCQUARD, Avocat au Barreau de Paris
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Le droit d’agir en justice dans l’intérêt d’autrui, revêtant un caractère exceptionnel, ne peut résulter que de la loi. L’article 15 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis dispose que le syndicat a qualité pour agir en justice tant en demande qu’en défense. Le syndicat étant une personne morale, il ne peut exercer son pouvoir d’action que par l’intermédiaire d’une personne déterminée, le syndic, auquel l’article 18 de ladite loi du 10 juillet 1965 confère une compétence exclusive.
Dès lors qu’un syndicat de copropriétaires doit agir en justice, c’est bien le syndicat des copropriétaires qui bénéficie du droit d’agir en justice, et le syndic ne fait que le représenter.
L’article 55 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967, pris pour l’application de la loi du 10 juillet 1965, prévoit que le syndic ne peut agir en justice au nom du syndicat des copropriétaires sans y avoir été autorisé par une décision de l’assemblée générale ; une telle autorisation n’étant toutefois pas nécessaire pour certaines actions, notamment pour celles en recouvrement de charges, limitativement énumérées aux alinéas 3 et 4 de l’article 55.
Ces dispositions ont été inspirées par la nécessité de s’assurer que les copropriétaires ont eu connaissance de l’étendue de leurs droits et des conséquences du procès qu’ils intentent, et qu’ils y ont consenti.
Partant, le défaut d’autorisation du syndic d’agir en justice par l’assemblée générale constitue une irrégularité de fond affectant la validité de l’acte.
En tant que nullité de fond, la sanction du défaut d’habilitation du syndic à agir en justice est une fin de non-recevoir au sens des articles 117 et 118 du Code de procédure civile, et non une irrecevabilité de la procédure.
La nullité de l’acte de procédure, en particulier de l’assignation, peut être soulevée, cette nullité ne bénéficiant toutefois qu’à la partie qui l’a invoquée.
Cette nullité doit être soulevée avant l’ordonnance de clôture des débats pour les procédures bénéficiant d’une procédure de mise en état, et avant que le juge ne statue sur les autres procédures, étant précisé que cette nullité disparait dès lors que le syndic justifie avoir été autorisé à agir par l’assemblée générale statuant à la majorité de l’article 24 de la loi du 10 juillet 1965 avant l’ordonnance de clôture des débats ou le jour où le juge se prononce .
Dans son rapport annuel de 2017, la Cour de cassation relève que la jurisprudence démontre que, notamment dans les litiges de construction et d’assurance, l’utilisation de cette fin de non-recevoir est régulièrement soulevée par les constructeurs (ou leurs assureurs), défendeurs à l’action.
Les magistrats de la Cour de cassation, et notamment M. Pascal Chauvin (Président de chambre) et Mme Martine Valdes-Boulouque (Premier avocat général près la troisième chambre civile) relevaient que l’obligation faite au syndic d’être autorisé à agir en justice au nom du syndicat par l’assemblée générale, était dévoyée puisque d’une disposition qui était destinée à protéger le syndicat des copropriétaires contre les initiatives du syndic, elle devient un moyen procédural utilisé par les tiers à la copropriété pour, soit retarder la procédure, soit, dans certains cas, bénéficier de la prescription de l’action puisque l’autorisation doit être donnée au syndic avant l’expiration du délai pour agir.
La Cour de cassation appelait donc de ses vœux, à l’identique des suggestions de modifications législatives ou réglementaires émises dans les rapports annuels de la Cour de cassation de 2015 et 2016, une réécriture de l’article 55 du décret du 17 mars 1967 afin que :
• Le syndic reste devoir obtenir de l’assemblée générale des copropriétaires un mandat spécial pour exercer les actions en justice au nom du syndicat ;
• Les exceptions au principe prévues par le deuxième alinéa de l’article 55 du décret soient maintenues ;
• Seul le syndicat des copropriétaires et les copropriétaires aient qualité à invoquer l’absence de mandat spécial du syndic lorsque celui-ci est requis.
Cette proposition a été suivie d’effet puisque, comme le souligne le rapport de la Cour de cassation pour l’année 2019, l’article 12 du décret n° 2019-650 du 27 juin 2019 (décret d’application immédiate s’agissant d’un texte réglementaire ayant trait à l’action en justice), et pris pour l’application partielle des dispositions de la loi ELAN du 23 novembre 2018, a introduit un nouvel alinéa à l’article 55 du décret du 17 mars 1967 ainsi rédigé : «Seuls les copropriétaires peuvent se prévaloir de l’absence d’autorisation du syndic à agir en justice».
Même si certains praticiens ont pu critiquer cette nouvelle règle, il n’en reste pas moins que le législateur a souhaité, comme l’y invitait la Cour de cassation, renforcer les garanties offertes au syndicat des copropriétaires pris dans un piège procédural tendu de longue date par des assureurs habitués au jeu de la prescription et des nullités de procédures.
Article paru dans les Informations Rapides de la Copropriété numéro 667 d'avril 2021
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