La lecture combinée des articles 26-1 et 25-1 semble suggérer qu’une décision qui doit être adoptée à la double majorité de l’article 26 pourrait, finalement, voir le jour grâce à la majorité simple de l’article 24.
Outre l’abaissement des majorités, l’un des remèdes utilisés afin de lutter contre l’absentéisme et favoriser ainsi l’adoption des décisions en assemblée générale a été l’instauration d’une passerelle. Il s’est agi de donner une deuxième chance au projet soumis aux copropriétaires. Lorsque la décision n’a pas vu le jour dans les conditions posées par la loi, un second vote peut intervenir immédiatement grâce auquel les membres de l’assemblée vont tenter d’entériner le projet dans des conditions moins rigoureuses que celles initialement prévues.
Tel était précisément l’objectif de l’article 25-1 de la loi du 10 juillet 1965. Les auteurs de la réforme ayant donné lieu à l’ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019 ont souhaité étendre les possibilités de recours à une passerelle avec, dans un premier temps, un élargissement du champ d’application de l’article 25-1, puis, dans un second temps, la création d’une nouvelle procédure (à l’article 26-1, nouveau) applicable aux décisions ressortissant de l’article 26 de la loi de 1965.
Ceci dit, la lecture combinée des articles 26-1 et 25-1 semble suggérer qu’une décision qui doit être adoptée à la double majorité de l’article 26 pourrait, finalement, voir le jour grâce à la majorité simple de l’article 24. Pour cela, il faut revenir rapidement sur les termes des articles 25-1 et 26-1 tels qu’ils ont été rédigés par l’ordonnance du 30 octobre 2019.
- L’une des innovations de la réforme a consisté en une application généralisée de la passerelle de l’article 25-1. Il faut se rappeler que, selon une partie de la doctrine, le jeu de celle-ci n’était envisageable que pour les décisions visées à l’article 25 de la loi (à l’exception des o et n) ou lorsqu’une disposition légale renvoie «aux conditions de majorité de l’article 25». La formulation nouvelle de l’article 25-1 ne laisse plus de doute : «lorsque l’assemblée générale des copropriétaires n’a pas décidé à la majorité des voix de tous les copropriétaires, en application de l’article 25 ou d’une autre disposition, mais que le projet a recueilli au moins le tiers de ces voix, la même assemblée se prononce à la majorité prévue à l’article 24 en procédant immédiatement à un second vote». Le changement intervenu implique, d’une part, que l’ensemble des travaux comportant transformation, addition ou amélioration (art. 25 n) tout comme la demande d’individualisation des contrats de fourniture d’eau et la réalisation des études et travaux nécessaires à cette individualisation (art. 25 o) peuvent maintenant bénéficier de la passerelle. D’autre part, lorsqu’un texte légal impose l’adoption d’une décision «à la majorité des voix de tous les copropriétaires», tel l’article 28 pour la scission de copropriété par exemple ou la décision de recréer un conseil syndical (art. 21, al. 12), la passerelle pourra aussi jouer.
Dans leur rapport au Président de la République, les auteurs de l’ordonnance ont expliqué que cet élargissement à tous les cas où la majorité absolue est visée par la loi facilite «le processus décisionnel sans porter une atteinte disproportionnée au droit de propriété des copropriétaires », ce qui a été jugé par « la majorité des acteurs du secteur préférable à un abaissement généralisé des seuils de majorité, qui bouleverserait les grands équilibres de la copropriété».
- Une démarche similaire a été menée dans le cadre de la majorité qualifiée de l’article 26. La grande difficulté à réunir la double condition posée par ce texte a légitimé la seconde chance qui est prévue par le nouvel article 26-1 de la loi de 1965.
Même s’ils ont été conscients que les décisions devant recueillir la majorité des membres du syndicat représentant au moins les deux tiers des voix, concernent des aspects importants relatifs aux droits et aux conditions de jouissance des copropriétaires, les promoteurs de l’ordonnance ont reconnu que la démobilisation des copropriétaires pour les questions de copropriété aboutissait, en pratique, à une impossibilité de réunir les minima exigés par la loi, donc d’adopter des décisions importantes au sein des copropriétés.
La paralysie de certaines assemblées générales pourra être évitée grâce à une deuxième votation dans les conditions suivantes. «Nonobstant toute disposition contraire, lorsque l’assemblée générale n’a pas décidé à la majorité prévue au premier alinéa de l’article 26 mais que le projet a au moins recueilli l’approbation de la moitié des membres du syndicat des copropriétaires présents, représentés ou ayant voté par correspondance, représentant au moins le tiers des voix de tous les copropriétaires, la même assemblée se prononce à la majorité des voix de tous les copropriétaires en procédant immédiatement à un second vote» (L. 1965, art. 26-1, nouveau).
On l’aura compris, la tentation est grande de rapprocher les deux passerelles. La référence à «la majorité des voix de tous les copropriétaires» permettant l’adoption des décisions relevant de l’article 26 est le point de départ du raisonnement. Il s’agit, on l’a dit, de la modalité de vote expressément retenue par l’article 26-1. Si l’on se tourne ensuite vers l’article 25-1 remanié, on constate que l’assemblée générale sera autorisée à se prononcer à la majorité simple de l’article 24 lorsqu’elle n’aura pas décidé «à la majorité des voix de tous les copropriétaires en application de l’article 25 ou d’une autre disposition…». Cette disposition pourrait-elle être l’article 26-1 ? De prime abord, rien n’interdit de le penser.
Certes, on pourrait objecter que la ratio legis n’est pas clairement en ce sens. Il n’est question, a priori, que de donner une autre chance au projet soumis à l’assemblée, et non une troisième. D’ailleurs, l’article 26-1 évoque un «second» vote, ce qui laisse à penser qu’il ne pourrait pas y avoir une autre votation par la suite (si tant est que le terme ait été utilisé sciemment).
Il n’en demeure pas moins que l’articulation entre les textes constitue une réelle éventualité pour qui entend interpréter les articles légaux au lendemain de la réforme du 30 octobre 2019. A force d’ouvrir des passerelles, il ne faut pas s’étonner si certains s’y engouffrent…