Il n’est pas rare de voir des copropriétaires assortir leur vote en assemblée générale de réserves portant, par exemple, sur la rédaction de la résolution ou sa légalité. Si elles sont effectivement prévues par les textes, leur inscription dans le procès-verbal demeure strictement encadrée. Mais, au-delà, c’est la question de leur intérêt qui se pose.
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Article paru dans les Informations Rapides de la Copropriété numéro 694 de décembre 2023
La mention des réserves
Le procès-verbal doit comporter, sous l’intitulé de chaque question inscrite à l’ordre du jour, le résultat du vote. A cette fin, il précise notamment les noms et nombre de voix des copropriétaires ou associés qui se sont opposés à la décision, qui se sont abstenus, ou qui sont assimilés à un copropriétaire défaillant en cas de vote par correspondance portant sur une résolution ayant été amendée par l’assemblée générale (cf. sur ce point, art. 17-1 A, loi du 10 juillet 1965). Le procès-verbal doit également mentionner «les réserves éventuellement formulées par les copropriétaires ou associés opposants sur la régularité des décisions» (art. 17, décret du 17 mars 1967). Le texte formule deux conditions cumulatives pour que l’inscription soit de droit dans le procès-verbal.
Tout d’abord, l’auteur ne peut être qu’un opposant. Ainsi, le copropriétaire abstentionniste ou ayant voté en faveur d’une résolution finalement adoptée, ne peut exiger l’inscription de réserves (CA Paris, 19 nov. 1985, IRC 1985, p. 16).
Ensuite, les réserves doivent porter sur la légalité de la résolution. Les textes n’en définissent pas les motifs de sorte qu’il peut s‘agir d’un problème de majorité (décision prise à une majorité inférieure à celle exigée par la loi), de l’absence de communication aux copropriétaires d’un contrat, devis… nécessaire à la validité de la décision ou de toute autre cause susceptible d’entacher la légalité des résolutions votées (non-respect du délai de convocation de 21 jours…). Les remarques portant sur un sujet autre que la régularité de la décision (comportement d’un copropriétaire durant l’assemblée générale, ordre des résolutions…), n’ont pas à être inscrites.
Dès lors que ces conditions sont remplies, l’inscription des réserves dans le procès-verbal est obligatoire. Il appartient alors au secrétaire de séance, généralement le syndic, de procéder à leur enregistrement et il est du ressort des président et scrutateurs de s’en assurer.
Les réserves et le vote par correspondance
Le copropriétaire votant par correspondance est-il en capacité d’émettre des réserves ? Sur ce point, les textes n’apportent aucune restriction. Dans sa préconisation n° 11 du 16 décembre 2020, le GRECCO (Groupe de recherche sur la copropriété) indique qu’il n’est pas possible d’émettre des réserves dans ce cas. Le raisonnement s’appuie sur une décision de la Cour de cassation de 2017 précisant que «la mention au procès-verbal d’une assemblée générale des réserves formulées par les copropriétaires ou associés opposants sur la régularité des décisions ne concerne que celles émises lors du déroulement de celle-ci» (Cass. 3e civ., 23 nov. 2017, n° 16-25.125). En l’espèce, un copropriétaire avait envoyé une note au syndic avant l’assemblée générale dans laquelle il émettait plusieurs remarques. Une décision qui peut être critiquée dans la mesure où à aucun moment l’article 17 du décret du 17 mars 1967 n’indique que les réserves doivent être formulées en séance. Mais s’il est vrai que la précision pouvait paraître superflue avant la création du vote par correspondance, elle ne l’est plus aujourd’hui.
Ne permettre qu’aux seuls copropriétaires participants à l’assemblée générale de formuler des réserves tend à créer une inégalité avec ceux votant par correspondance. Or, ces derniers sont à même de critiquer, avant la tenue de l’assemblée générale, la validité de certaines résolutions au regard de l’absence de certains documents ou du non-respect des délais de convocation. Une réforme des textes ou, a minima, une évolution de la position de la Cour de cassation, parait indispensable sur ce point.
L’intérêt des réserves
La formulation de réserves présente-t-elle un intérêt particulier ? S’il s’agit de se réserver le droit de contester une décision d’assemblée générale, non, même si la jurisprudence semble avoir évolué sur ce point.
La Cour de cassation avait ainsi estimé qu’une cour d’appel ne pouvait déclarer un copropriétaire irrecevable en son action en annulation d’une assemblée générale en retenant qu’il n’était pas défaillant puisqu’il était représenté à cette assemblée, «sans rechercher si ce copropriétaire, qui avait émis par lettre recommandée des réserves sur la validité de l’assemblée, qui les avait renouvelées dans le pouvoir remis au secrétaire de séance et dont le mandataire s’était abstenu de prendre part aux votes, pouvait être considéré comme opposant» (Cass. 3e civ., 10 septembre 2008, n° 07-16.448).
Or, plus récemment, la Haute juridiction a précisé que le copropriétaire abstentionniste qui émet des réserves ne peut être assimilé à un opposant, lui ôtant ainsi la possibilité de contester la validité des résolutions en question (Cass. 3e civ., 12 avril 2018, n° 17-16.034), cette faculté n’étant ouverte qu’aux copropriétaires opposants ou défaillants (art. 42, loi du 10 juillet 1965). On notera d’ailleurs dans les deux cas que l’inscription des réserves n’était nullement de droit puisque le copropriétaire était abstentionniste. De fait, il apparaît préférable, par sécurité, de s’opposer clairement à une résolution plutôt que de s’abstenir en pensant que les réserves émises pourront permettre d’intenter une action en annulation.
En conséquence, faut-il émettre des réserves ? Il est un point sur lequel elles peuvent présenter un intérêt, à savoir attirer l’attention du syndic sur un point de droit (problème de majorité par exemple). La faute du professionnel et le manquement à son devoir de conseil pourront être démontrés plus aisément si un copropriétaire lui en fait la remarque en séance et s’il s’abstient de toute réponse.