Copropriété : Les charges à la suite d’un changement d’usage des parties privatives

par David Rodrigues, Juriste à l’association Consommation, Logement et Cadre de Vie (CLCV)
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©clics_Jérome Chion

La grille de répartition des charges est généralement intangible, sinon en droit, du moins en fait. Car exiger l’unanimité pour pouvoir en modifier la teneur relève d’une pure vue de l’esprit : déjà difficilement atteignable dans les petites copropriétés, cette majorité est simplement illusoire dans les résidences de taille moyenne. Le législateur a, heureusement, prévu des tempéraments à cette règle de l’unanimité, notamment en cas de travaux ou, dispositif moins connu, en cas de changement d’usage des parties privatives.

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Article paru dans les Informations Rapides de la Copropriété numéro 693 de novembre 2023

Modifications de la répartition des charges : principes généraux

La répartition des charges ne peut être modifiée qu’à l’unanimité des copropriétaires. Toutefois, lorsque des travaux ou des actes d’acquisition ou de disposition sont décidés par l’assemblée générale statuant à la majorité exigée par la loi, la modification de la répartition des charges ainsi rendue nécessaire, peut être décidée par l’assemblée générale statuant à la même majorité. Il s’agit ici de tirer les conséquences d’une décision de l’assemblée qui influe sur les charges, telles l’installation d’un ascenseur ou la vente d’une partie commune. Par ailleurs, en cas d’aliénation séparée d’une ou plusieurs fractions d’un lot, la répartition des charges entre ces fractions est, lorsqu’elle n’est pas fixée par le règlement de copropriété, votée à la majorité de l’article 24 (art. 11, loi du 10 juillet 1965). 

De même, il est possible d’intenter, devant le juge cette fois, une action en révision de la répartition des charges lorsque la part du copropriétaire demandeur est supérieure de plus d’un quart, ou si la part correspondant à celle d’un autre copropriétaire est inférieure de plus d’un quart, dans l’une ou l’autre des catégories de charges, à celle qui résulterait d’une répartition conforme aux dispositions légales (art. 12, loi du 10 juillet 1965).

Une autre situation, qui nous intéresse ici plus particulièrement, concerne le changement d’usage des parties privatives. Dans cette hypothèse, «la modification de la répartition des charges visées à l’alinéa 1er de l’article 10» est adoptée à la majorité des voix de tous les copropriétaires (art. 25 e, loi du 10 juillet 1965). La modification rendue ainsi nécessaire ne résulte pas de travaux, d’achats ou de ventes de parties communes, voire d’une erreur dans l’établissement de la grille existante, mais de la décision individuelle d’un copropriétaire, laquelle entraîne des conséquences pour l’ensemble de la collectivité.

La notion de changement d’usage des parties privatives

La modification de la grille de répartition des charges suppose un changement d’usage d’une ou plusieurs parties privatives. Tel est le cas lorsque des locaux d’habitation sont affectés à un usage commercial ou professionnel (Cass. 3e civ., 17 juill. 1996, n° 94-19.509). Et peu importe que l’utilisation en question soit expressément prévue au règlement de copropriété (Cass. 3e civ., 1er oct. 2014, n° 13-21.745).

Ainsi, le recours à la majorité de l’article 25 afin de modifier la grille de répartition des charges est possible lorsque l’activité résultant du changement d’usage n’est pas autorisée par le règlement de copropriété. Dans une affaire, le règlement de copropriété stipulait que les lots étaient à usage exclusif d’habitation et d’occupation bourgeoise. Un copropriétaire a toutefois bénéficié d’une tolérance pour l’exercice d’une activité libérale, mais l’assemblée générale a alors voté une modification de la répartition des charges d’ascenseur et d’électricité des communs. Le bénéficiaire de la tolérance a alors contesté la résolution au motif que son activité, bien que tolérée, n’était pas prévue dans le règlement de copropriété, et constituait donc un changement de destination de l’immeuble de sorte que la grille de répartition des charges ne pouvait être modifiée qu’à l’unanimité. La Cour de cassation n’a nullement suivi ce raisonnement : dès lors qu’un changement d‘usage d’une partie privative est constatée, l’unanimité n’est pas nécessaire pour modifier la répartition des charges (Cass. 3e civ., 20 juin 2001, n° 00-10.476).

La nature des charges pouvant être modifiées

Dans le cadre d’un changement d’usage des parties privatives, peuvent être modifiées à la majorité de l’article 25 les charges visées au premier alinéa de l’article 10 de la loi du 10 juillet 1965, à savoir celles entraînées «par les services collectifs et les éléments d’équipement communs» et qui sont réparties «en fonction de l’utilité objective que ces services et éléments présentent à l’égard de chaque lot». L’exemple type concerne les charges d’ascenseur en cas de création d’un cabinet médical : le passage de la clientèle se traduira notamment par une utilisation plus importante de cet équipement. Ne sont donc pas concernées les charges générales relatives à la conservation, à l’entretien et à l’administration des parties communes.

Bien que cela ne soit pas expressément indiqué, il est nécessaire que ce changement d’usage entraîne une aggravation des charges en question. Ainsi, la transformation de locaux en sous-sol à usage de réserve et de cave en galerie d’art, sans augmentation de superficie de ce lot, n’entraîne pas de hausse des charges (CA Paris, 15 oct. 2014, Admin. 1/2015, p. 64, obs. Bouyeure). Mais on peut tout à fait imaginer qu’une demande soit faite en vue de rétablir la grille telle qu’elle existait initialement si le lot en question retrouve son usage de départ (logement transformé en cabinet médical et qui redevient un logement).

Enfin, la modification de la grille de répartition des charges constitue une prérogative de l’assemblée générale. Une clause du règlement de copropriété ne peut donc, sur le simple fondement d’un changement d’usage portant sur une activité autorisée, et en l’absence de tout comportement fautif, fixer un doublement des quotes-parts des charges imputables au lot en question.