Les évolutions sociétales, technologiques et la volonté d’investir un domaine que d’aucuns espèrent en plein essor, ont poussé des entreprises à proposer une gestion entièrement à distance des copropriétés en contrepartie d’honoraires moins élevés.
«On a réinventé le syndic, pas la roue», nous dit d‘ailleurs, par panneaux publicitaires interposés, l’un de ces syndics en ligne ou néo-syndics.
Or, un syndic peut-il être dématérialisé ? Autrement dit, le droit de la copropriété peut-il constituer un obstacle à cette pratique ?
Article paru dans les Informations Rapides de la Copropriété numéro 689 de juin 2023
Absence de précision au sein des textes.- La loi du 10 juillet 1965 ne contient aucune disposition concernant les syndics en ligne. Tout au plus l’ordonnance du 30 octobre 2019 est intervenue pour règlementer la participation à distance aux assemblées générales : elle n’aborde pas la possibilité pour le syndic de remplir ses missions entièrement par voie dématérialisée. De même, le contrat type de syndic ne contient aucune disposition quant à une éventuelle gestion à distance. Rien ne s’y oppose donc, avec un bémol toutefois : seul responsable de sa gestion, le syndic ne peut se faire substituer (art. 18, L. 10 juillet 1965). La gestion dématérialisée ne devra donc pas aboutir à une substitution du syndic par d’autres prestataires, sauf cas particuliers.
La participation du syndic à l’assemblée générale.- Certains syndics en ligne peuvent prévoir une participation physique à l’assemblée générale (moyennant une majoration tarifaire) ou à distance, en visio par exemple. Mais peut-il être purement et simplement absent de l’assemblée générale ? Contre toute attente, la loi de 1965 n’impose pas au syndic d’être présent à l’assemblée. On notera cependant que le syndic est de plein droit secrétaire de séance, ce qui montre bien que sa présence allait de soi dans l’esprit du législateur. De même, l’interdiction faite au syndic d’être président de séance plaide pour une participation induite par ses fonctions sans qu’il soit nécessaire de la prévoir expressément. Malgré cela, on ne saurait déduire de ces dispositions une obligation impérative pour le syndic d’assister à l’assemblée, que ce soit physiquement ou à distance.
Toutefois, d’un point de vue déontologique, on peut s’interroger sur le professionnel qui ne participe pas à l’assemblée et ne fera donc pas face à ses mandants alors même qu’il va solliciter des copropriétaires le quitus, dresSyndicsser le bilan de sa gestion et demander, le cas échéant, à être désigné à nouveau dans ses fonctions. Mais si l’on peut considérer que le syndic est tenu, au regard de l’éthique, de participer à l’assemblée générale, juridiquement, sa présence n’est pas exigée.
Les échanges avec le conseil syndical.- Le conseil syndical a accès, à tout moment, à tous les documents concernant la copropriété. En parallèle, il a pour mission d’assister le syndic et de contrôler sa gestion. Sur ce point, la dématérialisation des fonctions de syndic ne constitue pas un obstacle, les échanges pouvant se faire par courriel et les rencontres avec le syndic directement en visio. Toutefois, compte tenu de l’absence de locaux, il appartiendra au syndic de procéder à la dématérialisation des factures, devis et autres documents concernant la copropriété afin de les communiquer aux conseillers syndicaux.
La gestion des archives.- Le syndic est tenu d’assurer la conservation des archives du syndicat (art. 18, L. 10 juillet 1965), ce qui peut s’avérer problématique en l’absence d’établissement physique. Or, cette mission étant dévolue au seul syndic, il n’appartient pas à un copropriétaire, fût-ce le président du conseil syndical, d’assurer personnellement la détention des archives et de stocker chez lui l’historique de la copropriété. La seule possibilité pour éviter cet écueil est alors de confier la gestion des archives à un archiviste, aux frais du syndicat des copropriétaires. La décision doit être prise en assemblée générale, à la majorité de l’article 25. Le contrat du syndic devra alors prévoir le montant, soit forfaitaire, soit au réel selon le coût de l’archiviste, qui sera imputé sur sa rémunération (art. 7.1.5 du contrat type).
La visite de la copropriété.- Bien que la loi du 10 juillet 1965 n’impose pas au syndic de procéder à la visite de la copropriété, le contrat type rend obligatoire la réalisation d’au moins une visite (art. 7.1.1). Sur ce point, la gestion à distance est inadaptée et contraire aux textes. Il appartient donc au syndic de prévoir au minimum une visite annuelle.
La réalisation des travaux.- La gestion dématérialisée peut s’avérer délicate en cas de travaux, le syndic étant tenu de s’assurer de leur bonne avancée. De fait, la désignation d’un assistant à la maîtrise d’ouvrage, chargé précisément de suivre le chantier, peut être votée en assemblée générale à la majorité de l’article 24, ce qui induira toutefois un coût supplémentaire. On évitera surtout de faire appel aux conseillers syndicaux, lesquels sont avant tout des bénévoles ne disposant pas nécessairement des compétences requises. Or, en cas d’erreur, de manquement, notamment lors de la réception des travaux (malfaçon non identifiée par exemple), la question de leur responsabilité se posera. Il est donc préférable de laisser faire le syndic ou de désigner un professionnel pour cette fonction.
Conclusion.- L’absence de dispositions expresses concernant le syndic en ligne ne constitue pas un obstacle à la mise en place d’une gestion dématérialisée. Des mesures complémentaires devront toutefois être prises, telle la décision de confier la gestion des archives à un tiers ou encore la désignation d’un professionnel chargé du suivi des travaux. En revanche, le syndic doit procéder à la visite de l’immeuble, sous peine d’être en contradiction avec les textes, ce qui devrait entraîner une hausse de ses honoraires. A voir finalement si ces différentes sommes mises bout à bout ne vont pas remettre en cause l’intérêt économique de faire appel à un syndic en ligne.
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