La régularisation des charges constitue pour le copropriétaire-bailleur un passage obligé.
En copropriété, le respect de cette formalité est fonction de la décision de l’assemblée générale d’approuver ou non les comptes et nécessite la mise à disposition, auprès du locataire, de certains documents.
Une obligation qu’il n’est pas toujours aisé de respecter en pratique.
Article paru dans les Informations Rapides de la Copropriété numéro 681 de septembre 2022
Les provisions pour charges.- Dans la très grande majorité des cas, les charges locatives donnent lieu au versement de provisions mensuelles soumises à régularisation annuelle. Le bailleur doit alors communiquer au locataire le montant du budget prévisionnel voté afin de justifier que les provisions ont été déterminées sur une base objective. Seules les charges visées de façon limitative par le décret n° 87-713 du 26 août 1987 incombent au locataire. En conséquence, les charges de copropriété ne peuvent lui être imputées en totalité.
Dans la pratique, on peut considérer qu’environ 75 %, voire 80 %, des charges de copropriété sont récupérables auprès des locataires. De fait, dans une copropriété dont les appels de fonds trimestriels seraient de 500 €, il est conseillé au bailleur de fixer des provisions mensuelles de 130 € environ. A noter que de nombreux syndics mentionnent dans le relevé général des dépenses le caractère récupérable ou non d’un poste de charges, mais il s’agit d’une démarche purement volontaire.
L’approbation des comptes, préalable à la régularisation des charges.- La régularisation des charges consiste à comparer les sommes provisionnées sur une année par le locataire avec les dépenses effectivement réalisées sur la même période. Le solde sera alors positif ou négatif selon le cas. Pour le copropriétaire-bailleur, cette démarche ne peut être réalisée qu’à compter de l’approbation des comptes par l’assemblée générale puisque, à cette occasion, le syndic va arrêter les dépenses de l’exercice.
Dans l’hypothèse où les comptes ne seraient pas approuvés, la régularisation des charges est alors impossible. Aucun complément ne pourra être réclamé au locataire mais, en parallèle, aucune somme n’aura à lui-être restituée.
La procédure de régularisation des charges.- La régularisation doit se faire une fois par an, le bailleur étant libre d’en fixer la date même si, en pratique, elle aura lieu après l’assemblée générale. Un mois avant la régularisation, il est tenu de communiquer à son locataire le décompte par nature de charges ainsi que leur mode de répartition. Durant six mois à compter de l'envoi de ce décompte, les pièces justificatives sont tenues à la disposition des locataires (art. 23, al. 7, loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs).
Dans la pratique, une telle procédure est difficilement compatible avec les règles relatives à la copropriété, le bailleur ne détenant pas les pièces justificatives puisque celles-ci sont en la possession du syndic. De fait, si le propriétaire est passé par l’entremise d’un professionnel qui assure également la fonction de syndic de l’immeuble, alors, la régularisation des charges devrait s’opérer sans difficultés majeures, le gérant locatif ayant en sa possession les pièces qu’il détient en qualité de syndic.
En revanche, si le bailleur gère en direct ou par l’intermédiaire d’une agence autre que le syndic, il faudra procéder autrement. Le locataire, en tant que tiers par rapport au syndicat, ne dispose d’aucun droit d’accès aux pièces justificatives des charges, sauf dans un cas. Lors de la journée organisée par le syndic entre la convocation à l’assemblée générale et la tenue de celle-ci afin de permettre l’accès aux copropriétaires aux différentes pièces justificatives des charges (art. 18-1, loi du 10 juillet 1965), le bailleur peut, à cette occasion, se faire accompagner par son locataire, voire le mandater, pour qu’il y accède seul (art. 9-1, décret du 17 mars 1967). Si un locataire manifeste son intention d’accéder aux documents en dehors de cette journée, le bailleur devra alors se rapprocher du syndic afin de demander une copie des différentes pièces justificatives, à ses frais (art. 9-1, dernier alinéa, décret du 17 mars 1967).
Nature des pièces justificatives.- L’obligation faite au copropriétaire-bailleur consiste en une mise à disposition des pièces justificatives et non en une communication. Un locataire ne peut donc exiger la transmission d’un document, fût-ce à ses frais. Le locataire ne peut prendre connaissance que des documents relatifs aux charges locatives (factures, contrat…) et ne peut, par exemple, exiger la mise à disposition de la liste des copropriétaires débiteurs ou d’une facture dont le montant ne lui est pas imputé.
Les différents documents remis aux copropriétaires lors de l’assemblée générale (annexes comptables…), en ce qu’ils ne comportent pas la ventilation des différents postes de dépenses imputés au locataire, ne constituent pas des pièces justificatives et sont donc insuffisants en tant que tels.
Sanction du défaut de régularisation des charges locatives.- Faute pour le bailleur de procéder à la régularisation des charges avant le terme de l'année civile suivant l'année de leur exigibilité (fin 2023 pour l’exercice 2022, par exemple), le locataire peut exiger le paiement par douzième des sommes restant à verser (art. 23, al. 9, loi du 6 juillet 1989). Mais en dehors de cette hypothèse, aucune sanction n’est expressément prévue, entraînant une jurisprudence hétérogène.
S’il a été jugé que l’obligation faite au bailleur de procéder à la régularisation annuelle des charges n’est assortie d’aucune sanction (CA Aix-en-Provence, 17 sept. 2015, n° 14/11824), la Cour de cassation a considéré que les charges locatives ne sont dues que si le bailleur tient les pièces justificatives à disposition du locataire (Cass. 3e civ., 8 déc. 2010, n° 09-71.124). De même, à défaut de fourniture de justificatifs et de régularisation, le locataire peut prétendre à la réduction du montant des provisions (Cass. 3e civ., 18 juin 2002, n° 01-01.856), voire à leur restitution (Cass. 3e civ., 9 juin 2015, n° 14-15.444). On ne saurait donc trop conseiller au bailleur de prendre ses précautions et de se rapprocher de son locataire et du syndic pour organiser les modalités d’accès aux pièces justificatives.
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