Si le rôle du président ou du secrétaire de séance est bien identifié, celui des scrutateurs l’est nettement moins. La faute à des textes peu prolixes les concernant et, surtout, au fait qu’ils sont éclipsés par le président de séance, véritable chef d’orchestre de l’assemblée générale, du moins en théorie, et garant de la police des débats. Pourtant, le scrutateur revêt un intérêt dans la mesure où il lui appartient de contrôler les mandats, de s’assurer, le cas échéant, qu’aucun mandataire n’excède la limite de 10 % des voix du syndicat ou encore de vérifier les résultats des votes de chaque résolution. A cette fin, il signe le procès-verbal de l’assemblée générale, au même titre que le président et le secrétaire.
Article paru dans les Informations Rapides de la Copropriété numéro 676 de mars 2022
Du «bureau» de l’assemblée générale aux «scrutateurs»
Le scrutateur remplace ce que l’on dénommait autrefois le «bureau» de l’assemblée générale, terme que l’on peut continuer à trouver dans des règlements de copropriété anciens. La composition même de ce bureau n’était toutefois pas précisée par les textes, de sorte qu’elle pouvait légitimement susciter quelques interrogations. En effet, sachant que le président de séance et le secrétaire étaient tous deux désignés à part, qui reste-t-il à désigner ? Surtout, ne pourrait-on pas penser que le bureau comporte l’ensemble des personnes chargées du bon déroulement de l’assemblée générale, dont notamment le président et le secrétaire ? Les pouvoirs publics ont finalement pris conscience de cette problématique et ont, par un décret du 27 mai 2004, modifié celui de 1967 afin de supprimer toute référence au bureau et y substituer les scrutateurs. Mais sans les définir pour autant…
Modalités de désignation des scrutateurs
Les modalités de désignation des scrutateurs sont visées par l’article 15 du décret du 17 mars 1967. Celui-ci précise qu’au début de chaque réunion, «l’assemblée générale désigne […] son président et, s’il y a lieu, un ou plusieurs scrutateurs». Malgré sa brièveté, ce texte nous fournit plusieurs informations.
Tout d’abord, à l’instar du président de séance, les scrutateurs sont désignés au début de l’assemblée générale. Ensuite et surtout, l’élection de scrutateurs, dont le nombre n’est pas défini, est facultative, le texte disposant que celle-ci se fait «s’il y a lieu». Sous l’empire de son ancienne rédaction, l’article 15 du décret du 17 mars 1967 précisait que la désignation du bureau se faisait «le cas échéant». Malgré la différence terminologique, le principe reste le même, à savoir le caractère non-obligatoire de l’élection des scrutateurs. L’absence de désignation n’affecte donc pas la validité de l’assemblée générale, à moins que le règlement de copropriété n’en dispose autrement (CA Nancy, 22 sept. 2011, n° 07/02919). Dès lors que celui-ci impose l’élection d’un bureau ou de scrutateurs, encourt la nullité la délibération de l’assemblée qui s’est tenue au mépris de ses stipulations (Cass. 3e civ., 17 nov. 1993), sanction qui peut s’étendre à toutes les décisions de l’assemblée (CA Bordeaux, 6 janv. 2009). Cependant, à l’impossible nul n’est tenu et le caractère facultatif de la désignation des scrutateurs est pris en compte lorsque, faute de candidats, l’on ne peut satisfaire aux prescriptions du règlement de copropriété. Ainsi la Cour de cassation a-t-elle refusé de prononcer la nullité d’une assemblée générale tenue avec un seul scrutateur alors que le règlement de copropriété en prévoyait deux, cela en raison, d’une part, de l’absence d’obligation légale de procéder à cette désignation et, d’autre part, de l’impossibilité prouvée d’en désigner un second (Cass. 3e civ., 30 sept. 2015, n° 14-19.858).
Les scrutateurs sont élus à la majorité de l’article 24, le vote devant être distinct de celui du président de séance, faute de quoi l’assemblée générale peut être annulée dans son intégralité (CA Paris, 2 avr. 2001).
Personnes pouvant être désignées comme scrutateurs
On notera tout d’abord qu’il n’est pas expressément indiqué que l’élection des scrutateurs se fait parmi les copropriétaires. Cela peut aller de soi dans la mesure où ces derniers sont les seuls à être convoqués à l’assemblée générale. Cela pose cependant la question de la possibilité, pour un mandataire tiers à la copropriété, d’être désigné à ce poste. Cette problématique existe d‘ailleurs pour le président de séance, la jurisprudence adoptant à ce sujet une position peu homogène. S’il a été jugé que rien n’interdit à un mandataire non-copropriétaire de présider l’assemblée générale (CA Aix-en-Provence, 24 juin 2004), la Cour de cassation a estimé, de son côté qu’un copropriétaire ne pouvait déléguer cette fonction à un mandataire (Cass. 3e civ., 13 nov. 2013, n° 12-25.682). Si l’on peut contester ou non le bien-fondé de ces hésitations jurisprudentielles (l’assemblée générale, en désignant un tiers à la copropriété ne démontre-t-elle pas ainsi la confiance qu’elle lui accorde ?), il n’en demeure pas moins que la question se pose de la même façon pour un scrutateur. Il est donc conseillé, par sécurité, de ne désigner que des copropriétaires à ce poste.
Par ailleurs, si le syndic et ses proches ne peuvent être désignés comme président de séance, aucune interdiction formelle de ce type n’a été édictée par les textes concernant le scrutateur. Il en résulte, dans l’absolu, que ceux-ci pourraient être élus à ce poste, même si cela demeure naturellement déconseillé.
A noter qu’il ne saurait y avoir cumul des fonctions. Ainsi, la cour d’appel de Paris a-t-elle estimé que l’assemblée générale se déroulant en présence d’un seul copropriétaire n’était pas nulle en elle-même, mais qu’elle ne permettait pas de procéder à la désignation des scrutateurs, l’unique copropriétaire présent assurant déjà les fonctions de président de séance (CA Paris, 23 oct. 2013, n° 12/05208).
Enfin, le règlement de copropriété ne peut imposer des conditions pour être désigné comme scrutateur autres celles fixées par les textes. Est ainsi réputée non écrite, la clause prévoyant qu’assurent les fonctions de scrutateurs les copropriétaires présents qui possèdent le plus grand nombre de tantièmes. Une telle clause est réputée non-écrite et la résolution doit donc être annulée (Cass. 3e civ., 28 avr. 2011, n° 10-20.514).